Vous préférez, monsieur le ministre, parler de « clients » plutôt que d'« usagers ». Ce n'est pas mon cas : à mes yeux, le mot « usager » a un sens intéressant.
Le rapport que nous avons examiné ce matin a, c'est vrai, recueilli l'unanimité. Il ne pouvait en être autrement, puisqu'il dresse un bilan, confirmant au passage ce que j'avais dit, au nom du groupe GDR, lors de l'examen du texte : la loi du 21 août 2007 est un fusil à tirer dans les coins. On a prétendu vouloir régler les problèmes des usagers mais l'objectif réel était tout autre : il s'agissait d'enfoncer encore un coin dans le droit de grève, droit constitutionnel. Ce n'était pas facile, mais la majorité y est parvenue en opposant les usagers et les agents et en présentant ces derniers comme des « gréviculteurs », à l'origine de tous les dysfonctionnements constatés. Le rapport fait litière de ces allégations en montrant que les grèves ne sont qu'un élément « minime » - selon les termes mêmes du président de la RATP - de ces dysfonctionnements. C'est précisément ce que M. Bono et moi-même avions dit au cours des débats de l'été 2007.
Si l'on avait consacré à la rénovation des infrastructures et du matériel les mêmes efforts qu'à la mise au point de la loi du 21 août 2007, le taux de conflictualité aurait diminué dans les mêmes proportions. Si l'on améliorait le fonctionnement de la ligne 13 du métro parisien, il est évident qu'il y aurait moins de difficultés. De même, si on rénovait les voies ferrées, on ne serait pas contraint de faire circuler des TER neufs à 50 kilomètres à l'heure, et cela irait mieux sur ces lignes. Cela ne veut pas dire, bien entendu, qu'il ne resterait pas des motifs de conflits sociaux.
Je suis donc satisfait que ce rapport d'étape contribue à mettre en lumière la réalité des dysfonctionnements dans les réseaux de transports terrestres. La conflictualité existe, c'est vrai, mais elle s'explique aussi par l'évolution des entreprises publiques de transports et par ce qui les guette : des entreprises qui se pensaient pérennes se trouvent brutalement confrontées à une dure compétition. Les politiques publiques récentes ont aggravé les conditions de la mise en concurrence, ce qui contribue à la conflictualité. Tout ce qui pourra réduire les raisons qu'ont les agents de se mettre en grève sera bienvenu, si des solutions durables sont apportées aux problèmes soulevés.
J'illustrerai mon propos par un exemple. Le jour où la grève a éclaté à la gare Saint-Lazare à Paris, nous étions chez M. Pepy. En quelques heures d'une grève dure qui a semé la pagaille dans l'Ouest parisien, les agents ont obtenu ce qu'ils demandaient sans succès depuis un an, à savoir des moyens pour faire face aux dysfonctionnements. Il leur a, hélas, fallu en arriver à une action de ce type pour y parvenir – et ils ont même obtenu davantage. Certains mouvements naissent du refus des directions d'entendre que les difficultés sont réelles. Telle est la réalité sociale du pays, et si ce rapport permet d'en finir avec cette attitude, je serai le premier à m'en féliciter.
Vous avez dit, monsieur le ministre, ne pas souhaiter une nouvelle loi. J'en prends acte, mais je ne suis pas dupe. Je pense en effet que cette prudence s'explique par la crise et les difficultés que connaissent usagers et agents, auxquelles vous ne voulez pas ajouter. On sait, cependant, que certaines personnalités de la majorité souhaitent, elles, pousser les feux. Je souhaite donc que la raison l'emporte et que l'on fasse tout pour que les transports terrestres fonctionnent bien.
A ce propos, je vais devoir vous quitter dans quelques minutes pour prendre le train du Havre. Je souhaite que les problèmes de cette ligne soient réglés le plus vite possible.