Vous connaissez la position de l'AVFT par rapport aux propositions d'une loi-cadre portée par le CNDF. Marie-Victoire Louis, ex présidente de l'AVFT, Catherine Le Magueresse, également ex présidente de l'AVFT, et moi-même avons rédigé en juillet 2007 une critique de ce texte, dont les propositions nous semblent extrêmement dangereuses pour les droits des femmes. Si par extraordinaire cette loi-cadre était votée par le Parlement, elle aurait pour conséquence un bouleversement de notre paysage judiciaire, pour le pire, en raison notamment de la création de « tribunaux spécialisés dans la violence à l'encontre des femmes ».
En effet, soit nous continuons à nous battre pour que la justice sanctionne à la hauteur de leur gravité les violences massives et quotidiennes dont les femmes sont victimes, soit nous faisons un gigantesque pas en arrière en excluant du droit commun les femmes victimes de violences et, ce faisant, en les stigmatisant davantage encore.
Cette proposition de création de tribunaux spécialisés, même si elle est le coeur de cette loi-cadre, n'est pas la seule que nous jugeons inacceptable : je citerai la proposition d'élargir la présomption de consentement aux actes sexuels, déjà prévue dans le cadre du couple marié, à toutes les formes de relation. Comme vous le savez, la loi du 4 avril 2006 a introduit une présomption de consentement à l'acte sexuel des époux par l'ajout d'un alinéa, qui dispose que : « la présomption de consentement des époux à l'acte sexuel ne vaut que jusqu'à preuve du contraire ». De ce fait, le code pénal inscrit noir sur blanc une présomption de consentement à l'acte sexuel, quel que soit d'ailleurs cet acte – il n'est pas défini – à condition que les personnes soient mariées. Cela pose un problème philosophique de taille. Les associations féministes se battent depuis des années pour que, au contraire, on ne présuppose pas la disponibilité sexuelle des individus, qu'ils soient des hommes ou des femmes et que l'indisponibilité sexuelle soit posée jusqu'à preuve du contraire. Cette présomption est de notre point de vue inacceptable, même dans le cadre d'un couple marié. Or le CNDF propose d'élargir, nonobstant des décennies de lutte des femmes pour la réappropriation de leur corps, cette présomption de consentement à toute femme de couple marié ou non.
Nous critiquons également la proposition d'ordonnance de protection. Sans entrer dans le détail, cette protection, telle qu'elle est conceptualisée par cette loi-cadre, n'est qu'une possibilité pour le juge, et pas une obligation. Or il s'agit de vie ou de mort de femmes.
En matière de viol, le CNDF nous propose une réécriture du texte qui ne remet aucunement en cause les carences actuelles de la loi. Je vous incite à prendre connaissance des travaux initiés par l'AVFT en matière de contrainte et de consentement présentés par Catherine Le Magueresse le 22 novembre 2007 à La Sorbonne lors d'un colloque organisé par la Préfecture de police de Paris.
Enfin, en matière de prostitution, la loi-cadre portée par le CNDF s'abstient de proposer la pénalisation du client, seule mesure à même de signifier le choix d'une société d'interdire la marchandisation des corps.
Pour toutes ces raisons, et il y en a encore de nombreuses autres, les propositions contenues dans ce texte ne sont pas acceptables.