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Intervention de Muriel Marland-Militello

Réunion du 18 février 2009 à 10h30
Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMuriel Marland-Militello, rapporteure pour avis :

La Commission des affaires culturelles a pris l'excellente initiative de se saisir pour avis du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet.

Je suis très sensible au fait qu'un des grands projets de loi dont notre commission se saisit avant la création prochaine d'une commission des affaires culturelles concerne ce sujet essentiel pour notre culture et la démocratisation culturelle.

Ce projet de loi tire véritablement les leçons du passé. Il s'inscrit en rupture par rapport à la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (DADVSI), tant au plan de la méthode que du contenu.

S'agissant de la méthode, une approche constructive et de dialogue a été adoptée, qui repose sur l'idée que les solutions mises en oeuvre nécessitent un très large consensus préalable entre les acteurs de la culture et de l'internet. Ce n'était pas le cas précédemment. Madame Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, a donc mis en place une mission de réflexion et de concertation destinée à favoriser la conclusion d'un accord entre les professionnels. Ce travail a débouché sur un accord que l'on peut qualifier d'historique, car pour la première fois, les fournisseurs d'accès à internet et les professionnels de la culture, tous secteurs confondus, ont trouvé en commun des solutions pour lutter contre le piratage et améliorer l'offre légale.

Au plan du contenu, la rupture est tout aussi grande. La pédagogie est dans ce texte privilégiée par rapport à la sanction pénale. Le but n'est clairement pas de traquer les internautes mais de les désinciter à télécharger illégalement, d'une part en mettant en place une riposte graduée, confiée à une autorité administrative indépendante et, d'autre part, en améliorant l'offre légale. L'objectif de ce texte est précisément de détourner les ayant-droits et les internautes de la voie pénale. Vous remarquerez qu'il met fin à une situation absurde où contre le téléchargement illégal de masse, la seule possibilité ouverte était de saisir le juge pénal en se fondant sur le délit de contrefaçon prévu par le code de la propriété intellectuelle passible de trois ans de prison et 300 000 euros d'amende !

L'approche équilibrée contenue dans ce projet de loi a été améliorée en grande partie par nos collègues sénateurs. Je pense notamment aux articles relatifs à l'obligation pour les fournisseurs d'accès à internet (FAI) d'informer les internautes des moyens de sécurisation de leur connexion, à l'amélioration de la procédure de riposte graduée dans le sens d'un plus grand respect de la vie privée des abonnés, ou encore à la question de la chronologie des médias et aux mesures techniques de protection.

La défense du droit des auteurs et des titulaires de droits voisins doit constituer une priorité pour la représentation nationale : l'économie de la création tout entière repose sur le droit de la propriété littéraire et artistique. Les conditions de vie et de travail des créateurs et des artistes ne sont pas des questions absolument nouvelles, mais elles se posent avec une acuité renouvelée à l'ère du numérique. Ce texte, fruit d'un travail long et abouti, est un excellent signal, à la fois pour nos concitoyens internautes, mais également pour tout le secteur.

Pour ma part, suite aux auditions que j'ai menées, je vous propose un certain nombre d'amendements :

– En vue d'améliorer le droit des internautes auquel des faits sont reprochés par la Haute Autorité, un premier amendement permet à l'abonné de demander divulgation des faits qui lui sont imputés ; j'ai également déposé un amendement qui permettra à l'abonné, dès le premier mail envoyé par la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), d'envoyer des observations par écrit.

– Par ailleurs, en raison des progrès constants de la technologie et des difficultés qu'elle pose au regard de la mise en oeuvre effective de la riposte graduée, il est prévu de renforcer la mission d'observation du piratage de l'HADOPI afin de mieux cerner l'évolution des pratiques en la matière.

– Enfin, le sujet qui me tient le plus à coeur est sans doute l'économie de la création à l'heure de l'internet. Le développement massif d'une l'offre légale attractive, lisible et plurielle est un prérequis indispensable pour désinciter à l'avenir les actes de piratage. C'est pourquoi une dernière série d'amendements vise à promouvoir davantage le développement d'une offre légale attractive. Je souhaite tout d'abord que l'HADOPI rende compte annuellement des progrès en matière d'offre légale et réévalue périodiquement la labellisation des sites proposant ce type de service. Par ailleurs, je souhaite ajouter expressément aux missions du Centre national de la cinématographie (CNC), du Centre national du livre (CNL) et du Centre national des variétés, de la chanson et du jazz (CNV) le soutien et l'encouragement au développement de cette offre légale. Dans le même ordre d'idée, je vous propose un crédit d'impôt au bénéfice des auteurs et des producteurs qui investissent sur de nouveaux formats sur internet. Enfin, la pédagogie devant être au coeur de ce projet de loi, je préconise que les enfants soient sensibilisés, dans le cadre des enseignements artistiques, aux dangers considérables que fait peser le téléchargement illégal sur la création. J'ai longuement travaillé cette question de l'éducation artistique et culturelle en milieu scolaire dans le cadre d'une mission d'information. Il s'agit d'un sujet très important.

En conclusion, internet a ouvert et ouvre un monde numérique nouveau, notamment pour le secteur de la culture. Il n'y a pas de culture sans création. Nous sommes aujourd'hui à la tangente de deux mondes : l'ancien, le monde du papier, des compact discs (CD), où les canaux de diffusion des oeuvres étaient limités et le nouveau, celui du numérique et des réseaux, monde multiforme et multicanaux, où la création pourrait trouver à s'épanouir, à se développer, grâce à de nouveaux modèles économiques, à de nouveaux formats. Or internet est à la fois une chance pour notre culture, la création ainsi que la démocratisation culturelle, mais il est aussi porteur de risques dévastateurs s'il n'est pas maîtrisé. Il convient d'agir avant qu'il ne soit trop tard.

Gardons à l'esprit que ce texte n'est pas un cataplasme pour des industries culturelles en difficultés ni une tentative pour maintenir les oripeaux du passé, il prépare au contraire l'avenir de notre création et donc du patrimoine que nous offrirons à nos enfants.

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