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Intervention de Roland Courteau

Réunion du 10 mars 2009 à 16h00
Mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes

Roland Courteau, médecin psychiatre :

Pour ce qui est de ma pratique, je suis psychiatre des hôpitaux, chef d'un service où, depuis des années, sont développés deux pôles, l'un de victimologie, l'autre de prise en charge des auteurs de violence. Ce dernier pôle abrite la plus importante consultation de France de sujets en obligation de soins en dehors de la prison. Je suis aussi président de la Ligue française pour la santé mentale, dont le vice-président est Boris Cyrulnik, laquelle a ouvert une consultation spécialisée pour les violences conjugales.

Que peut-on faire de mieux en matière de prise en charge des victimes ?

Nombre d'équipes pratiquent la prise en charge de victimes, qu'elles relèvent de la santé publique ou du monde associatif. En revanche, ce secteur souffre d'un manque d'organisation. Pour développer une prise en charge « de masse » des victimes de violences conjugales et sexuelles, il faudrait pourtant un peu d'organisation et des consultations adaptées le flux qui leur est adressé.

Un autre élément clinique très fort en matière de victimologie, tient à la parole. L'une des meilleures techniques pour l'amélioration de l'état des victimes est celle du groupe de parole ; c'est un outil très efficace pour accompagner, après le temps de l'accueil, l'évolution d'une femme victime de violences sexuelles ou conjugales. Pour dépasser l'histoire traumatique, chacun use de sa propre créativité et travaille avec son propre thérapeute. Mais chacun a aussi intérêt à étayer son évolution sur le témoignage de celles et de ceux qui ont été victimes et qui ont trouvé des pistes de dégagement de l'histoire traumatique.

Boris Cyrulnik a théorisé le concept de résilience de façon positive. Mais il faut maintenant développer des techniques qui la favorisent. Par le groupe de parole, on s'enrichit de l'imaginaire des autres, de leur capacité à métaboliser et à dépasser le traumatisme. Aussi orientons-nous systématiquement vers le groupe les victimes qui ne progressent pas individuellement.

Que préconiser ? À mon avis, on peut faire mieux à moyens constants : les solutions ne tiennent pas à une question d'argent.

Ma première préconisation est, comme celle du rapport Henrion, l'amélioration de la formation des professionnels de santé. N'oublions pas cependant que la compétence de nombre de praticiens s'est forgée aussi à travers la pratique de terrain et le volume des cas dont ils se sont occupés. De nombreux efforts de formation ont en tout cas déjà été fournis, même s'il ne s'agit pas forcément de formations spécifiques. Le développement de la formation est en effet plutôt bien conduit en France.

Ma deuxième préconisation est le fléchage de l'ensemble du réseau de prise en charge, après le passage aux urgences. Organiser un tel fléchage nécessite beaucoup d'énergie, se heurte aux chapelles – en victimologie comme ailleurs –, et doit surmonter l'une des inhibitions du ministère qui craint, s'il faut flécher, de devoir trier, donc évaluer. À cet égard, ma solution est simple : il suffit de dire, de façon symbolique, à ceux qui, sur le terrain – qu'il s'agisse d'associations ou de services publics – accueillent les victimes dans le cadre d'une consultation spécialisée, qu'ils font partie du réseau.

Ma troisième préconisation, que j'ai faite également pour la prise en charge des auteurs, est de donner du symbole – je ne parle pas d'argent – aux équipes de psychiatrie publique qui consacrent une partie de leurs moyens à créer une consultation spécialisée de prise en charge des victimes. Pour cela il faudrait donner à ces consultations spécialisées un caractère intersectoriel, et, surtout, en leur signifier qu'elles sont bien chargées de prendre en charge les victimes.

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