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Intervention de Jean-Michel Lemétayer

Réunion du 24 mars 2009 à 16h15
Commission des affaires économiques

Jean-Michel Lemétayer, président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles :

Ce qui compte, c'est en effet le dernier chiffre, la somme obtenue après que la calculette a fonctionné, comme dit M. Auclair. C'est assez complexe : on peut contribuer au pot commun d'un côté, recevoir, plus ou moins, de l'autre, et sous différentes formes, y compris dans le cadre du plan protéines.

Concernant ce dernier, tout dépendra de la façon dont les producteurs répondront aux incitations prévues dans le plan. L'enveloppe qui lui est affectée devrait permettre de doubler les surfaces de production de protéines. Cette dernière est déficitaire en France et en Europe depuis les accords de Blair House qui ont assigné la culture du blé à l'Europe et celle des protéines, en particulier le soja, aux autres pays. Les Etats-Unis, le Brésil et l'Argentine en sont, aujourd'hui, les plus gros producteurs.

Je veux insister sur l'importance des prix. A la FNSEA, j'explique toujours que les prix ont beaucoup plus d'importance que les quelques centaines de millions d'euros de DPU pour lesquels on se bagarre. J'ai fait faire le calcul pour ma région, qui présente la particularité d'avoir des producteurs de porc qui sont en même temps céréaliers. Les conséquences des décisions prises par Michel Barnier se résument à 6,7 centimes d'euro par kilogramme de porc. Le producteur de porc, dans ma région comme ailleurs, est bien plus soucieux des variations des prix sur le marché de Plérin que de l'évolution de son DPU en 2010 car, d'ici là, il a le temps de périr…

Je me rendrai demain au congrès de la FNPL – Fédération nationale des producteurs de lait – au Mans. La baisse du prix du lait qui s'annonce a dix fois plus d'importance que la modification du DPU. Cela vaut pour les zones de plaine comme pour les zones de montagne – même si cela n'enlève rien à l'importance des efforts qu'il fallait faire en faveur du lait à l'herbe et du lait en zone de montagne. D'ailleurs les producteurs de lait, dont j'ai été longtemps le président, se sont toujours battus sur les prix.

Permettez-moi, à ce sujet, une parenthèse. Imaginez un instant la situation où nous serions aujourd'hui si le président Chirac n'avait pas obtenu de M. Schröder un accord pour maintenir jusqu'en 2013 l'enveloppe budgétaire agricole à son niveau actuel ! Imaginez où nous serions si l'on avait écouté Tony Blair… Je ne veux pas rentrer dans des débats politiques – j'espère prendre suffisamment de hauteur par rapport à tout cela – mais je voulais faire ce rappel.

Concernant la viticulture, alors qu'à la lecture de la presse, on a l'impression que nous avons vécu une bonne période, déjà s'élèvent des voix de producteurs de vin de pays ou de vin de table, affirmant que la situation n'est pas si bonne qu'on le dit. Je n'ai pas de souci pour le Château Latour de François Pinault ni pour le Château Cheval Blanc du patron de LVMH. Je me préoccupe de ceux qui produisent des vins de pays et de table.

La FNSEA a fait le choix de ne pas doter en DPU les hectares viticoles, préférant garder une enveloppe d'environ 280 millions d'euros dans l'OCM, c'est-à-dire la gestion du marché. Nous considérons qu'il vaut mieux agir sur la politique des marchés de la viticulture et sur l'indispensable politique de promotion. Vous avez été nombreux à intervenir, lors de l'examen de la dernière loi sur la santé, pour soutenir la promotion du secteur viticole. Si nous avions doté en DPU les hectares viticoles, nous aurions dû doter aussi les Champenois. Or je ne pense pas que le producteur de champagne ait besoin d'une dotation de 200 euros à l'hectare, pas plus que les grands vins que j'ai cités.

Dans le secteur de l'arboriculture, nous menons également une politique des prix et des charges. Si l'on considère globalement le revenu de la ferme France, tous secteurs confondus, on voit qu'il est déterminé non seulement par les prix et les aides mais aussi par les charges. Dans les secteurs soumis à la concurrence extérieure, on mesure le poids des charges sociales et salariales. Quand la France importe des fruits et des légumes du Maghreb ou d'Amérique du Sud, elle n'est pas en situation de concurrence équitable. C'est vrai aussi des départements d'outre-mer, concurrencés par exemple sur la banane.

Le débat sur le bilan de santé doit dépasser le simple débat sur les aides et se situer à une autre échelle, car le véritable enjeu est le revenu des agriculteurs.

Quand on module les aides, il faut s'assurer qu'elles seront bien gardées pour l'agriculture. Il faut des garanties que le budget européen de l'agriculture qui est mis à disposition des Etats membres ne vienne pas à glisser – car des tentations existent – vers d'autres secteurs, sous prétexte d'entrer dans le champ de la ruralité. Transférer de l'argent du premier pilier, consacré au volet économique et au soutien aux revenus, vers le deuxième pilier ne me gêne pas dès lors qu'on dit clairement comment il sera utilisé pour le secteur agricole. Si c'est pour continuer à assumer le paiement de la PHAE et la compensation des handicaps naturels, et soutenir l'installation des jeunes, cela présente un intérêt. J'étais en revanche très réticent pour aller très loin dans la modulation dès lors qu'on ne nous disait pas clairement ce qu'on allait en faire.

J'ai évoqué dans mon propos liminaire l'éventualité d'une renationalisation de la politique agricole. Dans un pays comme le nôtre, et même si l'on se dit à Bercy que, la France devenant contributeur net, il serait peut-être bon de voir les choses autrement, je pense que nous avons intérêt à garder à notre politique agricole son caractère communautaire. La question mérite d'être examinée de façon prospective, puisque vous allez avoir un débat. La France est observée. Elle a intérêt à montrer de quelle manière elle veut légitimer la future politique agricole et alimentaire.

Au moment du bilan de santé, je me suis opposé à toute augmentation des quotas laitiers en l'absence de marché. Or, au lieu de se servir des quotas, qui existent encore, on fait tout l'inverse : on décide d'augmenter la production alors qu'il n'y a pas de marché ! Le débat est revenu sur la table hier. Les tenants du maintien des décisions du bilan de santé, largement soutenus par Mme Fischer Boel, ont imposé leurs vues, de sorte que les décisions d'augmentation des références vont s'appliquer à la prochaine campagne. Une telle attitude est inqualifiable. Les Italiens et les Espagnols, qui veulent plus de lait, défendent cette thèse. Où cela va-t-il conduire les producteurs ?

Je suis un tenant de la régulation. Je réponds par là même à la question sur les génisses, puisque c'est un des leviers de la régulation du nombre de « moules à veaux ». Sur les droits de plantation comme sur les droits à produire du lait, je suis favorable à des leviers de régulation de l'offre. Si on veut assurer un certain niveau de rémunération de nos producteurs par les prix, il faut avoir la volonté de gérer l'offre. Nous menons une politique du « tout marché » avec, comme seule logique, le régime de paiement unique alors que nos concurrents américains disposent d'un mécanisme leur permettant d'agir quand les prix sont trop bas et de compenser les pertes de revenu par les deficiency payments. Je ne pense pas que M. Obama, malgré ses beaux discours, modifiera la politique de soutien aux fermiers américains si les prix et les marchés se dégradent.

Au-delà du bilan de santé, et même si un virage a été pris dans une direction très libérale, nous devons maintenir la position française et ne pas baisser les bras. Nous devons, au contraire, continuer à parler de régulation de l'offre, parce qu'une partie importante de notre revenu en dépendra par les prix. Sinon, nous vivrons de nouveau ce que nous avons connu en 2007. A quoi aura servi aux céréaliers que les prix soient montés à 250 euros la tonne, s'ils demain ils restent bloqués à 120 euros la tonne pendant trois ans ?

Les jeunes qui souhaitent s'installer comme producteurs ont besoin de lisibilité et de sécurité. Celle-ci passe par une politique différente de celle qu'on a fixée, particulièrement en 2003, avec le découplage des aides et une notion d'aide séparée de la production.

La décision concernant les droits de plantation en viticulture remonte à l'OCM viticole. Nous l'avons combattue et avons gagné trois ans. Nous arrivons à l'échéance de ce temps. Je n'y peux rien, sinon continuer à me battre.

Pour répondre à la question concernant mes activités au COPA, j'en arrive à me réjouir qu'elles se terminent dans quelques jours… J'ai failli être mis en minorité à Bruxelles sur le dossier laitier. J'ai arraché un vote à une faible majorité parce qu'il y a des gens qui pensent qu'il faut développer la production, et même, pour certains, qu'il faut « faire le ménage » en laissant périr les plus faibles.

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