On sent dans vos propos, monsieur le président, la volonté d'unité et de cohérence de la profession agricole française. À l'opposé de ceux qui n'ont qu'une vision partielle de notre agriculture, vous en avez montré la diversité, qui explique pourquoi toute réorganisation est si compliquée.
Vous l'avez dit, la discussion actuelle porte sur le volume et la répartition d'aides qui seront en définitive remises en cause à l'horizon 2013. Cela risque d'occulter un problème important : le soutien aux marchés. Par rapport aux autres pays européens, la France a livré en la matière un beau combat. Toutefois, si nous avions obtenu le maintien de quelques systèmes d'intervention par productions, cela aurait résolu une partie des problèmes actuels.
La disparition de ces systèmes est un de nos plus gros échecs européens. Trop souvent, on veut appliquer un raisonnement économique général à l'agriculture. Mais on ne peut pas comparer la production d'automobiles, qui se régule au point qu'une voiture est quasiment fabriquée à la commande, aux aléas d'une production agricole, qui plus est mondiale. Le marché agricole ne ressemblera jamais à un autre marché ! Peut-être faudrait-il revenir au système précédent. Ce n'est pas parce que la Commission a décidé que l'on supprimerait les quotas laitiers et que l'on ne conserverait que quelques petits filets prétendument protecteurs, que les choses sont définitivement acquises. Le combat continue.
S'agissant de la répartition des aides, on peut regretter qu'avant même d'examiner les véritables revenus des exploitations agricoles, on se soit attaché à ce que pensait l'opinion publique. On en a oublié l'origine historique de certaines aides, comme l'aide aux céréales, liée à la chute du cours mondial du blé en 1992.
Toutefois certaines productions ont davantage besoin de soutien économique que d'autres. Ainsi, depuis le début de la nouvelle législature, l'attention de l'Assemblée – et, en particulier, celle de la sous-commission Agriculture – a souvent été appelée sur le faible revenu des producteurs d'ovins. S'il y a unanimité nationale sur un point, c'est bien sur la nécessité d'une redistribution des aides en leur direction. Pour la « prime à l'herbe », se pose néanmoins la question de savoir s'il faut appliquer ou non un principe de dégressivité entre 0,8 et 0,5 UGB par hectare : les ovins ayant tendance à pâturer dans des endroits où personne ne veut aller, les taux de chargement à l'hectare sont nécessairement beaucoup plus faibles. Cela supposerait de trouver encore un peu d'argent, mais cela mérite réflexion.
On est obligé de financer la gestion des risques par une redistribution des aides du premier pilier, puisqu'il a fallu renoncer aux systèmes de soutien au marché.
Les situations peuvent être très disparates au sein d'un même secteur de production. Ainsi, pour la production de lait de montagne, il existe une grande diversité entre les revenus des producteurs de lait des Hautes-Vosges et de ceux du Haut-Doubs : personne, dans la région Franche-Comté, ne contestera la redistribution des aides vers les premiers. Mais on contesterait peut-être leur redistribution vers d'autres exploitations, plus riches.
Cette diversité de situations des producteurs, il faut réussir à la dépasser. Peut-être n'a-t-on pas assez mis l'accent sur la production de protéines, notamment grâce à des plantes comme la luzerne. À l'heure du Grenelle de l'environnement, alors que nous importons la plus grande partie des protéines destinées à nos animaux, peut-être vaudrait-il mieux encourager la culture de cette plante plutôt que dégager 50 millions d'euros afin de soutenir le revenu des agriculteurs biologiques, qui, s'ils ont besoin d'aide au moment de leur reconversion, enregistrent par la suite des résultats comparables aux fermes traditionnelles. Soutenir les protéines permettrait non seulement de répondre à nos besoins, mais aurait, de surcroît, un impact très positif sur l'environnement.