Les articles de cette proposition de loi sont répartis sous cinq titres, concernant les groupements d'employeurs, la mobilité professionnelle, le soutien à l'emploi des jeunes et à la professionnalisation, la promotion du télétravail et le soutien aux seniors en difficulté. Mais ce dernier titre ne sera pas examiné pour les raisons liées à l'article 40 qui viennent d'être évoquées.
Les groupements d'employeurs existent depuis 1985. Régulièrement modifié et adapté, ce dispositif présente une utilité réelle pour l'emploi, même s'il ne concerne aujourd'hui que 35 000 salariés environ. Il est vrai qu'il est encore trop contraignant et d'utilisation peu aisée, sinon dans les secteurs de l'agriculture, du bâtiment et des travaux publics. En effet, l'organisation de ces métiers facilite la mise à la disposition d'entreprises successives, selon les saisons ou les chantiers, et la conversion par regroupement d'emplois à temps partiel en emplois à temps plein.
Les dispositions des quatre premiers articles visent à faciliter l'entrée dans un groupement d'employeurs dans un double objectif : répondre aux besoins des entreprises, qui doivent pouvoir recourir à des mains-d'oeuvre successives sans rompre le lien contractuel, et lutter contre le temps partiel subi.
L'article 4 vise notamment à permettre aux collectivités territoriales d'intégrer plus aisément les groupements, alors que cette possibilité était limitée jusqu'à présent : les métiers à caractère social en particulier en sont exclus. Or, comme le savent ceux ici qui sont aussi des élus locaux, beaucoup de ces postes ne peuvent pas être occupés à temps plein : je pense par exemple aux personnels scolaires dans les petites communes rurales, aux médecins coordinateurs des crèches ou à l'encadrement des assistantes maternelles.
Voilà pour les articles relatifs aux groupements d'employeurs, desquels vous trouverez une description plus détaillée dans le rapport complet.
Le titre II porte sur le prêt de main-d'oeuvre – terme peu heureux, mais c'est celui qui figure dans le code du travail – et l'encouragement à la mobilité professionnelle.
Aujourd'hui, l'article L. 8241-1 du code du travail prévoit que le prêt de main-d'oeuvre, qui a pour objet exclusif le prêt – c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas de prestation de services ou de conseil –, est possible avec un but lucratif dans trois secteurs d'activité : travail temporaire, agences de mannequins et organismes sportifs. Dans les autres cas, hormis le portage salarial et les groupements d'employeurs qui obéissent à d'autres dispositions, le prêt de main-d'oeuvre à but lucratif est interdit, sauf à encourir une incrimination pénale pour le délit de marchandage – et c'est très bien ainsi. C'est pourquoi l'article L. 8241-2 du même code n'autorise le prêt de main-d'oeuvre que si l'opération a un but non lucratif.
Malheureusement, la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation est variable s'agissant de la définition même du caractère « non lucratif ». Dans certains cas, est considérée comme non lucrative toute opération dans laquelle le prêt de personnel ne donne pas lieu à une facturation supérieure à ce que représentent les charges salariales et patronales et le montant du salaire du personnel prêté. Dans d'autres cas, dès lors qu'il y a mouvement d'argent de l'entreprise emprunteuse vers l'entreprise prêteuse, la même opération est considérée comme ayant un but lucratif. C'est ainsi que la direction départementale du travail a pu indiquer à des chefs d'entreprise que l'opération de prêt de main-d'oeuvre qu'ils s'apprêtaient à facturer à prix coûtant, voire à un prix inférieur, à l'entreprise emprunteuse, courait le risque d'être requalifiée sur le plan pénal en marchandage.
Il convient donc, tout en maintenant la stricte interdiction des prêts à but lucratif – c'est-à-dire consistant à faire des bénéfices « sur le dos » des salariés –, de sécuriser les opérations de prêt de main-d'oeuvre à but non lucratif, c'est-à-dire pour un coût qui n'excède pas les salaires et charges patronales et salariales relatives aux salariés prêtés. À cet égard, l'une des plus grosses fédérations professionnelles de notre pays, l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), a reconnu l'intérêt du dispositif, puisqu'elle a signé la semaine dernière, avec quatre syndicats représentatifs sur cinq, un accord portant sur l'emploi en temps de crise : le titre V, spécifique au prêt de main-d'oeuvre, a pour objectif de faciliter de telles opérations, en prévoyant par ailleurs une mécanique de convention tripartite que je me propose d'inscrire par voie d'amendement dans le texte de la proposition de loi.
Concernant le titre III relatif au soutien à l'emploi des jeunes et à la professionnalisation, l'article 8 institue, au bénéfice des entreprises de moins de cinquante salariés, un crédit annuel d'impôt de 1 000 euros par contrat de professionnalisation en cours concernant un jeune. Le Chef de l'État a souhaité, comme me l'a confirmé M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi, qu'il s'agisse plutôt d'une prime, laquelle relève non du législateur, mais du pouvoir réglementaire. La ligne budgétaire afférente étant déjà inscrite dans le projet de loi de finances de 2009, le versement relèverait alors logiquement du ministre compétent en la matière. Si, dans ces conditions, le décret était pris avant la fin de la navette parlementaire, l'article 8 de la proposition de loi serait alors satisfait et sa suppression pourrait être demandée.
Outre que la mise en place d'une prime est plus rapide que celle d'un crédit d'impôt, la majorité est également sensible au fait, d'une part, que le crédit d'impôt est une mécanique à guichet ouvert, c'est-à-dire sans limitation en termes de dépenses publique, contrairement à la prime que limite la ligne budgétaire, et d'autre part, que la réduction du nombre des niches fiscales étant à l'ordre du jour, il est difficile d'en inventer d'autres. Nous accueillerons donc avec bienveillance le décret du Gouvernement – à condition qu'il arrive avant la séance publique.
S'agissant du titre IV, le télétravail a fait l'objet d'un accord national interprofessionnel (ANI) signé en 2005 par le patronat et les syndicats représentatifs et s'appliquant, par le mécanisme de l'extension, à quasiment tous les salariés de notre pays. Toutefois seulement 7 % des salariés français sont en situation de télétravail contre près du double en moyenne européenne – je parle sous le contrôle de notre collègue Jean-Pierre Decool, qui a très largement inspiré les articles 9 à 11 de la proposition de loi.
Si cette dernière reprend les dispositions principales de l'ANI de 2005, alors qu'elles concernent pourtant quasiment tous les salariés, c'est parce qu'un tel accord ne s'applique pas aux branches ou secteurs – agriculture, professions libérales – qui restent hors du champ de l'accord. Le recours à la loi permet donc de sécuriser tous les salariés de toutes les entreprises de France en matière de télétravail.
À cet effet, l'article 9 définit le télétravail en reprenant simplement la définition retenue par les partenaires sociaux ; il empêche de présupposer une situation de télétravail pour le salarié ; il prévoit que les conditions de passage en télétravail et de retour à un poste sans télétravail font l'objet d'un accord spécifique formalisé, et clarifie le partage des responsabilités entre l'employeur et le salarié, notamment en termes d'achat de matériel ou de coûts d'assurance.
L'article 10 vise pour sa part à mobiliser les maisons de l'emploi en faveur du développement du télétravail en élargissant leurs missions à cet effet. Quant à l'article 11, il demande la présentation d'un rapport par le Gouvernement sur la promotion du télétravail dans les administrations.