Au sein du réseau de la Fédération, les professionnelles sont formées de façon continue à la problématique des violences faites aux femmes grâce à un service de formation spécifique. Il existe également un échange soutenu de pratiques entre les différentes associations, ainsi que des remontées d'informations provenant des situations de femmes accueillies ou hébergées.
Nos centres assurent aussi des écoutes téléphoniques locales ou départementales ainsi que des accueils en externe et des hébergements de différents types (urgence, moyen séjour, C.H.R.S, centres maternels). Au total, nous recevons environ 40 000 femmes chaque année, dont plus de 3 000 sont hébergées.
Les femmes victimes de violences sont adressées à nos structures essentiellement par les services sociaux, mais aussi par le numéro d'appel national et par les numéros départementaux – particulièrement utiles aux femmes issues de l'immigration, qui sont séquestrées, et aux femmes issues de milieux socio économiques favorisés, qui ne se rendent jamais dans les services sociaux –, soit par différents partenaires.
Il est important de développer les campagnes de communication pour que les femmes puissent avoir connaissance de l'ensemble des dispositifs : après chaque campagne, on constate que le nombre d'appels et le nombre de femmes qui arrivent dans nos centres augmentent significativement.
Les femmes voient souvent dans nos associations l'ensemble des professionnels qui peuvent répondre à leurs difficultés et aux conséquences des violences : travailleuses sociales, juristes, psychologues. L'accompagnement est axé essentiellement sur la sortie de la violence et sur ses conséquences. Nous estimons que les violences ne sont pas un problème psychologique, masculin ou féminin, mais un phénomène sociétal dû aux inégalités hommesfemmes et à un certain nombre de discriminations à l'encontre des femmes. Ceci constitue la base de l'accompagnement global que nous proposons. L'accueil peut en outre être collectif, afin que les femmes échangent sur ces violences subies et profitent de l'expérience des autres, pour sortir plus rapidement du processus de violence.
Sortir de la violence c'est parler de l'emprise, phénomène très spécifique qui peut être comparé à ce qu'on observe dans les sectes. Ces femmes sous emprise ne vivent, ne pensent et ne fonctionnent qu'à travers le conjoint violent. Elles sont souvent dans un tel état de dépendance psychologique qu'elles ne peuvent plus réagir, ni même éviter les coups. Nous travaillons avec ces femmes à partir de la stratégie des auteurs violents. Nous analysons la situation de violence, indépendamment de leur histoire personnelle : stratégie des auteurs, sape de la base psychologique, peurs, terreur, coups, humiliations, isolement. Nous abordons les diverses formes de violence, parmi lesquelles il ne faut pas oublier la violence économique et la violence administrative. Il s'agit aussi de leur permettre de comprendre les représentations qui traversent les différentes institutions et qui freinent la réparation qu'elles espèrent parce qu'elles sont femmes et victimes de violences. On rejoint là la question des inégalités, des droits des femmes, ce qui ne les renvoie pas à leur responsabilité individuelle.
Les femmes sont accompagnées par différents professionnels, à travers des accueils collectifs ou individuels puis, éventuellement, dans des centres d'hébergement. Certaines n'ont pas besoin d'hébergement. Dans les Hauts-de-Seine, 25 % des femmes le demandent ; les autres recherchent d'abord un accompagnement, juridique, psychologique, social. Mais les centres d'hébergement d'urgence spécialisés pour les femmes victimes de violences sont très importants lorsque les femmes se sentent en danger. Or, ils n'existent pas partout ou sont en nombre insuffisant : dans certains départements, on ne peut accueillir qu'un quart des femmes qui le demandent. Il est essentiel que les femmes puissent être reçues par des équipes formées à cette problématique en particulier dans le cadre de l'urgence, ce qui améliore leur protection, raccourcit leur parcours dans la violence et la précarisation qu'elle induit.
Dans les centres d'hébergement, les femmes sont accompagnées de façon globale pour reconstruire une estime de soi mise à mal mais aussi sur la question de la parentalité : une victime de violences peut présenter un stress post-traumatique et un soutien peut l'aider à gérer les conséquences que la situation aura sur ses enfants.
La mise à l'abri est également très importante : 30 % des homicides sont commis au moment de la séparation qui est une période à risque. D'où la nécessité d'accompagner de manière très professionnelle la femme dans le processus de séparation en analysant l'ensemble des difficultés, et la question de sa sécurité.
Lorsque la question des enfants et de leur protection se pose, nos équipes font des signalements, pour permettre à la fois à la mère et aux enfants de se mettre à l'abri. Leur sécurité est pour nous indissociable. Il est très important, dans les processus engagés sur le plan judiciaire, dans le cadre de la protection de l'enfance et pour la protection des femmes, de ne pas oublier que la sécurité des enfants passe aussi par la sécurité de la mère.
En cas de nécessité, nous lançons un appel aux soixante associations de notre réseau pour que les femmes soient mises à l'abri dans d'autres départements. D'autres questions peuvent se poser, à commencer par celle de la confidentialité de l'adresse. En effet, une femme qui a des enfants devrait donner au conjoint violent l'adresse où elle se trouve avec eux. Un procès pour dissimulation d'adresse a été engagé contre la directrice et la présidente d'un de nos centres. Voilà pourquoi une demandons une modification sur ce point précis, qui rejoint la question de l'autorité parentale. La loi sur l'autorité parentale n'a pas pris en considération la question des violences conjugales. Cela met en danger les femmes et leurs enfants et entrave notre travail aux côtés de ces femmes.