Le problème de la dépendance administrative concerne aussi les hommes : un conjoint, homme ou femme, perd ses droits au séjour en cas de rupture de la vie commune, même si celle-ci est causée par un décès, ce qui entraîne des situations dramatiques.
S'agissant de la traite des êtres humains, du proxénétisme et de l'esclavage moderne, délits sanctionnés par le code pénal, les victimes sont très majoritairement des femmes.
Dans ce domaine aussi, nous avons constaté quelques avancées dans la législation. le CESEDA prévoit qu'une victime de la traite des êtres humains ou de proxénétisme peut se voir délivrer un titre de séjour, mais à condition de porter plainte contre les trafiquants ou les proxénètes. Le renouvellement de ce titre est soumis au pouvoir discrétionnaire du préfet. En fait, tout dépend de l'issue de la procédure pénale, comme si la victime était responsable de l'arrestation ou de la condamnation des proxénètes !
La loi prévoit aussi des structures d'hébergement et d'accompagnement social des victimes, traumatisées et souvent dans une situation extrêmement précaire.
Ces quelques avancées, obtenues ces dernières années grâce à la mobilisation des associations, nous paraissent très imparfaites. Nous demandons que les victimes de la traite et du proxénétisme obtiennent de plein droit la délivrance et le renouvellement du titre de séjour, à condition qu'elles rompent avec les proxénètes ou les trafiquants. Nous revendiquons précisément ce titre de séjour pour qu'elles puissent se libérer de cette exploitation. Mais nous demandons que la condition du dépôt de plainte ne soit pas impérative car les femmes ont peur de porter plainte en raison du risque de représailles, notamment contre leur famille. Nous demandons également une application effective des dispositifs d'hébergement et d'accompagnement social prévus par la loi, qui demeurent très insuffisants par rapport aux besoins alors qu'ils sont absolument nécessaires.
Le vide juridique et administratif est encore plus grand pour les femmes et les jeunes filles confrontées à des situations d'esclavage domestique. Aux termes du code pénal l'esclavage moderne est un délit, le fait d'« imposer des conditions de travail et d'hébergement contraire à la dignité humaine ». Dans la pratique, les préfectures exigent que la femme porte plainte et que les poursuites pénales aboutissent à la condamnation des exploiteurs. Or d'après le Comité contre l'esclavage moderne beaucoup de plaintes n'aboutissent pas faute de preuves : les exploiteurs nient leurs actes et la personne soumise à l'esclavage, enfermée au domicile, n'a ni témoin ni document qui permettent à la justice de se prononcer. De surcroît, en raison du lien familial fréquent entre les exploiteurs et leur victime, le risque de représailles les dissuade de porter plainte. Afin que les victimes d'esclavage, de la traite et de prostitution puissent se libérer, elles doivent bien entendu apporter des éléments sur leur situation – par exemple un récit probant après un contact avec des associations compétentes –, mais nous demandons surtout qu'elles se voient délivrer un titre de séjour, même en l'absence de procédure pénale et même si celle-ci n'aboutit pas, car elle aboutit rarement.
Si la polygamie est illégale sur le territoire français depuis 1993, elle est encore une réalité, sans être quantifiée. Ces femmes sont sans titre de séjour et n'ont pas pu bénéficier du regroupement familial. Elles sont dans une très grande dépendance, notamment économique, vis-à-vis de leur conjoint : elles ne peuvent pas travailler et elles sont sans ressources. Nous insistons sur le fait qu'elles n'ont pas choisi d'être dans cette situation, leur mariage ayant toujours été arrangé par les familles.
Certes, elles peuvent bénéficier d'une régularisation si elles décohabitent et divorcent, mais encore faudrait-il qu'elles disposent d'un endroit où aller avec leurs enfants et d'un minimum de ressources.
Nous partageons entièrement les analyses et les recommandations de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, qui s'est penchée sur ce cercle vicieux dans son rapport du 9 mars 2006. Elle préconise d'aider ces femmes à mener, dans la sécurité, un parcours de décohabitation, en les faisant bénéficier, de façon globale et simultanée – c'est essentiel car ce processus ne peut pas se faire par étapes – d'un premier titre de séjour et d'un accompagnement social et juridique leur permettant de travailler, d'avoir des ressources et un logement, pour pouvoir in fine entamer une procédure de divorce. Ce rapport extrêmement important semble être passé aux oubliettes, c'est bien dommage. Nous demandons que ces recommandations soient prises en compte