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Intervention de Marc Bernier

Réunion du 30 septembre 2008 à 15h00
Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Bernier, rapporteur :

Nos politiques sont focalisées sur l'installation des médecins en libéral, méconnaissant d'autres formes d'exercice plus adaptées aux motivations des jeunes praticiens, notamment des femmes. C'est pourquoi je recommande de favoriser l'« exercice », et non l'installation, en développant des statuts alternatifs : exercice mixte ville-hôpital, salarié en centre de santé ou en clinique, collaborateur libéral, exercice en cabinet secondaire, médecine ambulante, collaborateur salarié, cumul exercice-retraite, etc (proposition n° 13).

En outre, pour pallier la pénurie de médecins, qui est appelée à s'aggraver dans les années à venir, il faut économiser du temps médical, en approfondissant la coopération entre les professionnels de santé (proposition n° 14). Cela suppose de décharger les médecins de certaines tâches administratives, ce qui passe par une redéfinition des champs de compétences des différentes professions de santé, et par le développement des structures tels les réseaux de santé ou l'hospitalisation à domicile (proposition n° 15) et des outils informatiques (proposition n° 16) qui leur permettent de travailler ensemble. Nous proposons d'approfondir la coopération entre les professionnels plutôt que les simples délégations de tâches qui reposent sur un lien de subordination très strict entre le médecin prescripteur et le professionnel paramédical délégataire.

Pour cela, on construit des « maisons de santé pluridisciplinaires », ce qui me paraît utile, pourvu qu'un véritable projet médical, porté et partagé par les professionnels, nous assure qu'il ne s'agit pas simplement d'opérations d'immobilier médical. C'est pourquoi il faut développer ce que nous appelons des « pôles de santé », qui réunissent tous les acteurs – médecins, infirmiers, hôpitaux locaux, établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes – autour d'un projet médical de territoire. Ces pôles présentent trois avantages principaux : d'abord, ils permettent de structurer un vrai maillage de l'offre de soins, sur un bassin de vie entier, avec une ou plusieurs maisons de santé situées de préférence autour des hôpitaux et des cabinets « satellites » dans les villages éloignés des chefs-lieux de cantons ; ensuite, ils favorisent la coopération entre les professionnels, notamment pour la permanence des soins ; enfin, ils peuvent attirer de nouveaux professionnels en offrant des statuts d'exercice variés, des possibilités de travail en équipe, et en accueillant des stagiaires (proposition n° 17).

Les structures hospitalières jouent un rôle important dans le maillage territorial de l'offre de soins de premier recours parce qu'elles constituent des points d'appui pour l'ensemble des professionnels : là où l'hôpital ferme, le médecin hésitera à s'installer. Il faut donc consolider le maillage du territoire en hôpitaux, quitte à déroger dans certains cas aux seuils d'activité appliqués par les agences régionales de l'hospitalisation (ARH) (proposition n° 18) et à trouver des modalités de financement tenant compte de ces exceptions géographiques, par exemple par des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) dédiées à la continuité territoriale (proposition n° 19).

Enfin, les cursus de formation des professionnels de santé ne sont pas organisés de façon à favoriser une bonne répartition des effectifs sur l'ensemble du territoire. En effet, 80 % des étudiants s'installent dans la région où ils ont été formés. Il faut en tenir compte dans l'organisation des formations qui devront être régionalisées (propositions n°s 20 et 21). Il me paraît aussi utile de proposer aux étudiants, dès le début de leurs études, des bourses assorties d'engagements d'exercice dans des zones sous-dotées (proposition n° 22).

On s'aperçoit aussi que les étudiants n'ont guère l'occasion de découvrir ces zones : il serait donc judicieux d'y rendre obligatoires des stages de découverte en début d'études et des stages actifs en fin de cursus (proposition n° 23), de préférence dans des maisons de santé pluridisciplinaires (proposition n° 24).

Par ailleurs, la médecine générale a été reconnue comme une spécialité, mais cette filière universitaire peine encore à se mettre en place. Les enseignants manquent et il faudrait en titulariser pour structurer la filière (proposition n° 26) et mieux calibrer le nombre de postes d'internat ouverts, afin d'éviter qu'il reste des postes non pourvus en médecine générale à l'issue des épreuves classantes nationales donnant accès à l'internat, comme c'est souvent le cas (proposition n° 27).

Dans le cadre de la réorganisation des études médicales sur le schéma « licence, mastère, doctorat » (LMD), il serait aussi utile d'aménager des passerelles entre les études de médecine, certains cursus paramédicaux et des filières scientifiques de l'université (proposition n° 28). De telles passerelles peuvent attirer des étudiants vraiment motivés par la médecine générale de premier recours, notamment par le dialogue avec le patient et les missions de santé publique, auxquels leur formation doit d'ailleurs mieux les préparer (proposition n° 29), tandis que les étudiants de la filière classique s'en détournent. Il faut favoriser la médecine de premier recours et donner aux généralistes les mêmes droits qu'aux spécialistes.

Enfin, il serait regrettable que la collectivité consente de tels efforts de revalorisation de la médecine générale si une large part des diplômés de cette filière, par lassitude, s'en détournent. C'est pourquoi je recommande d'organiser pour eux des évolutions de carrière attractives, par des formations complémentaires accessibles seulement après cinq ans d'exercice de la médecine générale de premier recours et non plus immédiatement après le diplôme (proposition n° 30).

Nos propositions sont audacieuses, pour répondre aux vives attentes qui se sont exprimées au cours de nos auditions. Elles font consensus et nous les exprimerons au cours de l'examen du projet de loi qui nous sera bientôt soumis.

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