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Intervention de Valérie Boyer

Réunion du 30 septembre 2008 à 15h00
Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Boyer, rapporteure :

Je voudrais tout d'abord vous présenter mes excuses, le projet de rapport ayant transpiré dans la presse avant qu'il ne vous soit présenté. Certains articles, hélas, ont fait état de fausses informations que j'ai été obligée de démentir tout le week-end, et encore aujourd'hui, ne souhaitant surtout pas que notre travail soit déformé et puisse être mal interprété.

La mission d'information, après avoir dressé un état des lieux, a formulé 80 propositions dans de très nombreux domaines. L'obésité n'est en effet pas seulement un problème de santé publique : elle est aussi, et peut-être d'abord, un problème de société. C'est pourquoi, au-delà des aspects sanitaires, nous avons fait des propositions dans le domaine de l'éducation, de l'information, de l'industrie agroalimentaire, de l'action des collectivités locales, mais aussi des discriminations dont sont victimes les personnes obèses, sujet encore tabou mais qui a été fort bien décrit par l'Observatoire des discriminations, lequel révèle par exemple qu'une personne obèse a trois fois moins de chances qu'une autre d'obtenir une réponse positive à sa candidature à un emploi. La mission souhaite que la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) se mobilise sur ce thème afin de veiller au respect des droits des personnes obèses et de la diversité corporelle.

L'augmentation de la prévalence de l'obésité est alarmante. Un quart de la population mondiale est aujourd'hui en surcharge pondérale. En France, c'est le cas d'un adulte sur deux, tandis qu'un sur six est obèse – les femmes étant particulièrement touchées – et qu'un enfant sur cinq est déjà en surcharge pondérale. Les personnes des milieux les plus défavorisés sont les plus atteintes par cette épidémie. Le régime crétois ou le régime méditerranéen ne sont plus appliqués aujourd'hui et leur rôle protecteur contre le risque de surcharge pondérale ne joue plus.

L'obésité est un enjeu majeur de santé publique, qui va jusqu'à menacer notre système de protection sociale. Le président de la Haute autorité de santé (HAS) a d'ailleurs lui-même déclaré que les pays qui ne sauraient pas maîtriser l'épidémie d'obésité mettraient en péril la pérennité de leur système de protection sociale. L'obésité infantile est un risque majeur d'obésité à l'âge adulte, laquelle, d'une manière générale, favorise l'apparition de maladies chroniques. Elle triple ainsi le risque de maladies cardiovasculaires et de diabète. Les problèmes respiratoires et rhumatologiques sont également fréquents chez les personnes obèses. Un lien a également été établi entre l'obésité et certains cancers et certaines maladies du vieillissement. Le surpoids et l'obésité altèrent gravement la qualité de vie et sont responsables de nombreux décès.

L'augmentation des cas d'obésité n'est pas sans lien avec celle du nombre de personnes reconnues en affection de longue durée. Le coût annuel de l'obésité et du surpoids pour l'assurance maladie est estimé à 10 milliards d'euros, soit 7 % de l'objectif national des dépenses de l'Assurance maladie (ONDAM) ; au rythme actuel de sa progression, ce coût pourrait doubler d'ici à 2020 et représenter alors 14 % de l'ONDAM. Il faut, à cet égard, souligner que le coût du surpoids est supérieur au coût de l'obésité. Et de l'avis de tous les spécialistes, l'incidence de l'obésité sur les finances sociales et l'économie est probablement sous-évaluée, les souffrances psychosociales qu'elle entraîne n'ayant pas encore été étudiées et chiffrées. Jusqu'à présent, l'approche de l'obésité se résume en effet à celle des pathologies qu'elle induit, le phénomène n'étant pas appréhendé dans sa globalité.

Nos 80 propositions s'organisent autour de huit grands axes.

Premier axe : améliorer le dépistage précoce de l'obésité ainsi que la prise en charge des personnes obèses et en surpoids.

Le dépistage précoce de la surcharge pondérale pourrait être assuré par des mesures simples, hélas loin d'être mises en oeuvre systématiquement aujourd'hui. On pourrait ainsi rendre obligatoire de mesurer le poids, la taille et l'indice de masse corporelle – l'IMC – des enfants lors de chaque visite médicale et d'inscrire ces données dans le carnet de santé où pourrait figurer une mention incitant à surveiller le rebond d'adiposité. Le poids, la taille, le tour de taille et l'IMC devraient aussi être systématiquement mesurés chez les adultes en surcharge pondérale. La protection maternelle et infantile – PMI – devrait être mobilisée sur le sujet et les parents mieux informés. La PMI ne doit plus être l'îlot sanitaire isolé qu'elle est aujourd'hui. Une coordination devrait ainsi être assurée avec la médecine scolaire et une contractualisation organisée avec les futures agences régionales de santé (ARS), notamment dans une optique de prévention ; le Président de la République a lui-même exprimé le souhait, dans son discours de Bletterans, qu'on accroisse les moyens de la prévention, notamment parce qu'il y va de l'avenir de notre protection sociale. Nous proposons donc d'instaurer une obligation de partage des données relatives au poids, à la taille et à l'IMC entre la PMI, l'école, la médecine de ville et l'hôpital.

Il faut aussi améliorer la prise en charge de l'obésité et des patients obèses. De l'avis de toutes les personnes auditionnées, celle-ci n'est pas satisfaisante aujourd'hui. Nous proposons donc de porter de neuf à trente et un le nombre de centres de référence régionaux ; de développer des unités thérapeutiques de prise en charge de l'obésité sur l'ensemble du territoire en fonction des besoins recensés ; d'organiser dans les maisons de santé de territoire, en lien avec les centres régionaux, une prise en charge pluridisciplinaire des personnes obèses par des équipes spécifiquement formées ; de doter chaque région de moyens de transport médicalisé adaptés, notamment pour les personnes présentant un IMC supérieur à 40 et de promouvoir l'éducation thérapeutique, dans le cadre des schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS).

Il convient également d'adapter les financements à la prise en charge des personnes obèses. La tarification à l'activité instaurée à l'hôpital doit intégrer le surcoût que représente la prise en charge des personnes très fortement obèses. Nous proposons aussi que les mutuelles et assurances complémentaires étudient la possibilité de prendre en charge certaines consultations, notamment de diététique.

Il faut mobiliser la médecine scolaire, notamment en étudiant la possibilité d'un rapprochement des médecins scolaires du ministère de la santé et en instituant une contractualisation avec les ARS. La médecine scolaire doit être un relais pour la prévention et l'éducation à la santé.

La médecine du travail doit également être mobilisée. Plusieurs expériences très intéressantes ont été menées dans diverses entreprises, qu'il conviendrait de valoriser.

Deuxième axe : améliorer la qualité nutritionnelle des aliments.

Il conviendrait notamment de développer l'information nutritionnelle pendant la grossesse, à la maternité, ainsi que chez les pédiatres, à l'intention des parents de jeunes enfants et de promouvoir l'allaitement maternel : nous proposons d'y inciter dans les maternités et d'informer les mères sur leurs droits concernant l'allaitement au travail, aujourd'hui trop souvent ignorés – en France, où l'on cherche surtout à ne pas culpabiliser les mères qui ne souhaitent pas allaiter, à peine la moitié des femmes le font, et pendant une durée courte. Nous proposons que les mères puissent donner leur lait dans les crèches, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, notamment dans certaines crèches publiques, et que les assistants maternels encouragent les mamans à continuer d'allaiter leur enfant, si tel est leur souhait, bien sûr, car il ne s'agit en aucun cas d'imposer, mais d'accompagner l'allaitement.

Nous proposons également d'impliquer les cantines scolaires et la restauration collective, notamment de rendre obligatoires les recommandations nutritionnelles relatives aux marchés publics de restauration collective et d'en étendre l'application à la restauration universitaire ; de renforcer la formation en nutrition des personnels de restauration collective, aujourd'hui insuffisante ; de fixer des normes relatives à l'environnement et à la durée des repas dans les cantines scolaires – il existe une très grande disparité entre communes sur ce point. Or ce n'est pas d'abord une question de moyens, mais d'organisation.

Une autre proposition, qui a déjà fait couler beaucoup d'encre, consiste à moduler la fiscalité applicable aux aliments en fonction de leur qualité nutritionnelle. Contrairement à ce qui pu être dit ici ou là, nous n'avons jamais proposé d'augmenter la fiscalité sur les barres chocolatées. Nous nous sommes en revanche étonnés qu'un kilo de pommes soit taxé à 5,5 %, soit autant qu'une pâte à tartiner. Des travaux sont actuellement menés au niveau européen sur l'étiquetage nutritionnel et la taxation des produits alimentaires : le Parlement européen recommande de diminuer la taxation des produits non transformés, comme les fruits et légumes. Compte tenu du droit communautaire en vigueur, la seule solution est donc d'engager une procédure au niveau européen pour obtenir que les produits non transformés soient assujettis à un taux inférieur au taux réduit actuel de 5,5 %. Nous ne proposons aucune taxation supplémentaire sans détaxation en contrepartie, mais il nous semble légitime de réfléchir, à ressources fiscales constantes, car il faut veiller à préserver le pouvoir d'achat de nos concitoyens, notamment les plus défavorisés d'entre eux, à une modulation de la fiscalité en fonction de la valeur nutritionnelle des aliments.

Nous proposons aussi de promouvoir la consommation des fruits et légumes, de faciliter l'accès à l'eau de boisson et de garantir la qualité nutritionnelle des produits premier prix.

Troisième axe : garantir une information nutritionnelle de qualité et promouvoir l'activité physique.

En ce domaine, notre première proposition est d'accroître les moyens de l'information et de l'éducation nutritionnelles. L'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) ne dépense aujourd'hui que 5 millions d'euros par an en publicité quand l'industrie agroalimentaire en dépense, elle, 2 milliards. Un rééquilibrage s'impose.

Nous proposons de limiter la publicité dans les programmes de télévision destinés à la jeunesse pour les produits à forte densité énergétique, certains membres de la mission ayant même exprimé le souhait de l'interdire totalement.

Nous proposons enfin de lutter contre la sédentarité et de promouvoir les activités physiques et sportives. Aujourd'hui, un enfant fait de deux à trois heures de sport par semaine alors qu'il passe cinq heures par jour devant la télévision ! Il est à cet égard choquant qu'aient pu être créées des chaînes spécifiquement destinées aux bébés, lesquelles devraient au moins être encadrées, si ce n'est davantage.

Quatrième axe : améliorer l'étiquetage nutritionnel et l'accessibilité des personnes défavorisées aux produits non transformés, dont les fruits et légumes.

Cinquième axe : agir sur l'environnement et inciter à l'activité physique.

Nous proposons d'éviter l'utilisation de produits ajoutés notoirement obésogènes, comme le bisphénol A et d'interdire les acides gras trans : cela est en passe d'être fait, mais l'effort doit être poursuivi. Nous proposons d'encourager et de faciliter la pratique d'activités physiques et sportives à l'école et au travail. À cet égard, il faudrait sans doute en finir avec le discours culpabilisant et hygiéniste qui pousse certains à soulever des kilos de fonte en salle ou à courir des kilomètres quand il suffirait d'encourager à emprunter l'escalier plutôt que l'ascenseur. L'activité physique de nos concitoyens se limite en moyenne à dix minutes par jour, alors qu'un rapport de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) établit que la porter à vingt minutes permettrait déjà de réduire considérablement le taux de morbidité et de mortalité lié au surpoids et à l'obésité.

Sixième axe : renforcer l'éducation à la santé et à la nutrition.

L'éducation à la santé, notamment en matière de nutrition, devrait être rendue obligatoire durant toute la scolarité, alors que ce n'est aujourd'hui qu'une recommandation. Nous proposons également de favoriser l'apprentissage des savoirs ménagers. De l'avis de plusieurs personnes auditionnées, la perte de ces savoirs est, entre autres, l'une des causes du développement d'une alimentation de mauvaise qualité.

Nous proposons, enfin, de coordonner les actions sociales en matière de nutrition, d'aide familiale, de conseils de cuisine et de gestion du budget familial des caisses d'allocations familiales et des caisses primaires d'assurance maladie, et de faire figurer cette orientation dans les prochaines conventions d'objectifs et de gestion de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), ainsi que dans les conventions pluriannuelles d'objectifs et de moyens des caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) et des caisses d'allocations familiales (CAF).

Septième axe : développer la formation en nutrition et définir de nouveaux métiers.

Nous proposons d'améliorer la formation en nutrition des personnels des établissements scolaires mais aussi des assistants maternels, car ils représentent un mode de garde très important dans notre pays ; d'organiser les métiers de la diététique et de la nutrition, notamment en élevant le niveau de formation des diététiciens, aujourd'hui recrutés à bac + 2, en clarifiant le statut des médecins nutritionnistes et en définissant la nomenclature de leurs actes, en renforçant la formation initiale et continue des médecins en nutrition et prise en charge de l'obésité ; de renforcer la formation en nutrition de l'encadrement sportif ; de créer un nouveau métier, celui de conseiller en savoirs ménagers-vendeur spécialisé en nutrition dans les grandes surfaces.

Huitième axe enfin : mieux respecter les droits des personnes obèses.

Nous proposons de demander à la HALDE de se mobiliser sur le thème de l'obésité et au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) de prendre une délibération relative à la diversité corporelle. Vous l'aurez compris, la prise en charge de l'obésité ne peut être que globale. Nous ne proposons pas là des mesures-gadgets : nous proposons d'agir sur tous les leviers à même d'améliorer la lutte contre l'obésité dans notre société. Dans cette logique, nous demandons que la lutte contre l'obésité soit décrétée grande cause nationale ou fasse l'objet d'une loi-cadre.

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