Je voudrais d'abord remercier les ministres pour leur présentation budgétaire car, en les écoutant, on a le rare plaisir de ne pas se sentir vieillir : chaque année, c'est la même chose !
Chaque année, on nous présente une comptabilité de l'année précédente dont le déficit approche les 10 milliards d'euros ; c'est en tout cas ce qui se passe depuis 2002. Une année sur deux ou trois, on assiste à la reprise de la dette sociale, qui avoisine 50 milliards, 80, ou 27, comme cette année.
Le ministre nous annonce allégrement qu'il va alléger les charges pesant sur l'année actuelle en faisant transférer des déficits de trésorerie qui pèsent sur l'ACOSS ou sur les comptes de l'assurance maladie. Nous avons donc des raisons de nous réjouir : nous allons dépenser un petit peu moins en frais financiers dans le cadre de ce PLFSS parce que nous allons alourdir de 27 milliards d'euros la dette sociale qui pèse sur la sécurité sociale !
Chaque année aussi, on nous présente un ONDAM sans l'assortir toujours de mesures concrètes. On nous annonce 2,2 milliards d'euros d'économies dans le cadre de la maîtrise médicalisée, mais on serait bien en peine de nous expliquer comment on pourra y parvenir.
Chaque année encore, avec une imagination débordante, les services de votre ministère « fabriquent », en quelque sorte, une présentation particulière des comptes. Cette année, c'est l'ONDAM médico-social qui est particulièrement touché par cette poussée créative. À tel point que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) – qui n'est pas un organisme très contestataire – et son président, M. Cordier, ont refusé d'adopter les comptes de la caisse.
Tout cela étant habituel, devrions-nous nous en émouvoir plus particulièrement ? Je le crois : cette année, nous passons d'une gestion délétère et d'une présentation irréelle à une situation véritablement surréaliste. En effet, votre présentation de la comptabilité de la sécurité sociale ne prend pas en compte la réalité de la crise économique qui affecte déjà la France et va considérablement s'amplifier dans les mois qui viennent, surtout si l'on ne prend pas les mesures économiques qui s'imposent.
Cette crise économique aura évidemment des conséquences sociales, en premier lieu sur le niveau de chômage et de précarité de nos concitoyens. Le reste à charge sera plus difficile à assumer et les recettes de la sécurité sociale seront encore plus fragilisées.
J'aimerais bien penser, comme Yves Bur, qu'en 2009 la crise se traduira seulement par une baisse des recettes de quelques centaines de millions d'euros. Mais on sait déjà que les comptes sont fondés sur une progression des cotisations sociales de la masse salariale de 3,5 %. Si la croissance a du mal à dépasser 0 %, je ne suis pas du tout certain que la masse salariale puisse aller bien au-delà.
Nous risquons de connaître une dégradation très significative de l'accès aux soins et des comptes de l'assurance maladie. Il est moralement insupportable de constater que les pouvoirs publics ont trouvé la légitimité, et la ressource, d'intervenir massivement pour préserver notre système bancaire d'une crise systémique, alors que nous risquons d'entrer dans les mois ou les années qui viennent dans une crise sanitaire qui aura, elle aussi, un caractère systémique.
En tant que parlementaires, vous savez tous, mes chers collègues, ce qu'est la désertification médicale, tout comme l'impossibilité, pour une partie croissante de la population, d'accéder à des soins de bonne qualité, sans oublier les problèmes rencontrés par les hôpitaux publics.
On peut toujours se féliciter du non-dépassement de l'ONDAM hospitalier, ce qui ne résulte que d'une décision administrative. Mais on ne dit pas que les hôpitaux connaissent des déficits considérables, qui dépassent aujourd'hui 750 millions d'euros.
Le taux de progression de l'ONDAM a été fixé à 3,1 %. Mais ce n'est que 1 % de plus que ce qu'exige la reconduction des moyens existants, en raison de la progression de la masse salariale. Dans un hôpital, 70 % des charges sont liées au personnel et ne sont pas directement compressibles.
L'assurance maladie connaît une situation très tendue. Sur les retraites, on ne peut pas dire que l'on avance. Monsieur le ministre du travail a l'intention de convoquer des commissions pour parler de la pénibilité. Je rappelle que c'était déjà un des thèmes en discussion en 2003, au moment de la réforme Fillon. Monsieur le député de l'époque et monsieur le ministre d'aujourd'hui, trouvez-vous normal, cinq ans plus tard, d'en être encore à instituer des commissions et à consulter des partenaires sociaux sur des éléments qui pourraient constituer des blocages ? Ce n'est pas le sens de l'urgence sociale et de l'équité qui vous taraude !