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Intervention de Georges Fenech

Réunion du 12 décembre 2007 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorges Fenech, rapporteur :

a indiqué que le projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale, adopté par le Conseil des ministres le 28 novembre dernier, tente de répondre à un problème majeur auquel notre pays, comme l'ensemble des démocraties occidentales, est aujourd'hui confronté : celui de la protection de la société, et tout particulièrement des plus jeunes, vis-à-vis des criminels les plus dangereux qui présentent une probabilité élevée de récidive.

Le rapporteur a indiqué que deux événements tragiques, l'affaire Évrard et l'affaire Dupuy, avaient récemment souligné les insuffisances des dispositifs existants à protéger la société face à des personnes particulièrement dangereuses.

Il a rappelé que plusieurs lois ont été adoptées au cours des années récentes pour mieux lutter contre la récidive : la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, qui a instauré la surveillance judiciaire et créé le placement sous surveillance électronique mobile, la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, qui a renforcé les obligations des personnes inscrites au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS) et la loi du 10 août 2007, qui a instauré des peines plancher pour les récidivistes et généralisé l'injonction de soins.

Le rapporteur a ensuite rendu hommage aux trois rapports rendus en 2005 et 2006, qui ont fait progresser la réflexion sur le sujet des délinquants dangereux, en mettant notamment en évidence la distinction fondamentale entre dangerosité psychiatrique et dangerosité criminologique : le rapport de la commission santé-justice, présidée par M. Jean-François Burgelin, le rapport d'information sénatorial de MM. Philippe Goujon et Charles Gautier et le rapport de M. Jean-Paul Garraud, parlementaire en mission, qui a notamment préconisé l'instauration de centres fermés de protection sociale, chargés de la prise en charge des personnes ayant purgé leur peine, mais présentant une dangerosité criminologique persistante.

Le rapporteur a ensuite indiqué que le projet de loi comprend, outre des dispositions renforçant l'efficacité du dispositif de l'injonction de soins, deux volets principaux : l'instauration d'une procédure de rétention de sûreté permettant de retenir dans des centres fermés les auteurs de certains crimes et la réforme du traitement par l'autorité judiciaire des auteurs d'infractions déclarés pénalement irresponsables en raison d'un trouble mental.

Abordant le premier volet, le rapporteur a indiqué que trois outils juridiques permettent de poursuivre une surveillance de certains condamnés à l'issue de leur incarcération : le suivi socio-judiciaire, l'inscription au FIJAIS, et la surveillance judiciaire.

Le suivi socio-judiciaire, institué en 1998, peut soit être prononcé par la juridiction de jugement à titre de peine complémentaire lorsque la loi le prévoit, soit être décidé postérieurement par le juge de l'application des peines, au titre de mesure de sûreté. Il s'accompagne d'obligations sociales ou médicales réalisées sous le contrôle du juge de l'application des peines.

L'inscription au Fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes, institué par la loi dite « Perben II », qui recense les personnes faisant l'objet d'une mesure ou d'une décision judiciaire pour avoir commis une infraction à caractère sexuel ou certains crimes particulièrement graves, permet tout à la fois de prévenir la récidive des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes déjà condamnés - certaines administrations de l'État pouvant consulter le fichier et l'utiliser pour contrôler l'exercice des activités ou professions impliquant par exemple un contact avec des mineurs -, de faciliter l'identification des auteurs de ces infractions, - les officiers de police pouvant le consulter directement dans le cadre de procédures concernant certains crimes - et de les localiser, du fait de l'obligation de justification régulière du lieu de résidence des personnes inscrites à ce fichier.

Le placement sous surveillance judiciaire, mesure de sûreté instituée en 2005, peut être ordonné par le juge de l'application des peines à l'encontre d'un condamné considéré comme dangereux au moment de sa libération. Elle peut s'accompagner, le cas échéant, d'une injonction de soins ou d'un placement sous surveillance électronique mobile. Cette mesure concerne les personnes condamnées à une peine privative de liberté d'une durée d'au moins dix ans pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru. Toutefois, la durée de la surveillance judiciaire ne peut dépasser celle des réductions de peines dont le condamné a pu bénéficier.

Le placement sous surveillance électronique mobile se heurte en outre à certaines limites : le nécessaire consentement du placé, les possibles problèmes de faisabilité technique et la durée limitée du placement qui sera de 2 ans renouvelables une fois pour les délits et deux fois pour les crimes, dans la limite de la durée de la libération conditionnelle, du suivi socio-judiciaire ou de la surveillance judiciaire prononcés par le magistrat.

Le rapporteur a estimé qu'au total les différentes mesures existant aujourd'hui sont insuffisantes à l'égard de personnes particulièrement dangereuses, dont le risque de récidive est particulièrement élevé, qui ne relèvent pas d'une hospitalisation d'office car ne souffrent pas de troubles mentaux, et qui ont purgé la totalité de leur peine. Leur prise en charge en milieu ouvert ne suffisant pas, il était nécessaire de prévoir une procédure permettant de placer ces condamnés en rétention à l'issue de leur détention.

Le rapporteur a indiqué que l'article 1er du projet de loi instaure une mesure de rétention de sûreté réservée aux auteurs de certains crimes - meurtre, assassinat, torture ou acte de barbarie et viol - commis sur mineurs de moins de 15 ans - il a indiqué qu'il présenterait un amendement visant à élargir le champ d'application de la mesure à l'ensemble des mineurs, quel que soit leur âge - et qui ont été condamnés à une peine de réclusion supérieure ou égale à 15 ans.

Il a précisé que la rétention de sûreté est conçue comme une mesure résiduelle : elle ne sera prononcée que dans les cas où elle constitue l'unique moyen de protéger la société contre un risque dont la probabilité de récidive est particulièrement élevée.

Bien en amont d'un possible placement en rétention de sûreté, deux ans avant la date prévue pour leur libération, les condamnés susceptibles de relever du champ d'application de la rétention de sûreté devront être convoqués par le JAP qui pourra, au vu du bilan de leur suivi médical et psychologique en détention leur proposer un traitement au sein d'un établissement pénitentiaire spécialisé, dans le but de tenter d'éviter une mesure de rétention de sûreté.

La rétention de sûreté ne pourra par ailleurs être prononcée qu'après une évaluation de la personne, réalisée un an avant la fin prévue de la peine par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, déjà compétente en matière de placement sous PSEM. Cette commission se prononcera au vu de tous les éléments utiles et après une expertise médicale obligatoire, pour laquelle le rapporteur a indiqué vouloir, par amendement, prévoir la dualité obligatoire.

La décision de placement en rétention de sûreté prise par une commission régionale devra en outre être motivée et ne pourra intervenir que si les obligations résultant de l'inscription au FIJAIS, de l'injonction de soins et du PSEM, mesures prononcées dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire ou d'une surveillance judiciaire, sont jugées insuffisantes pour prévenir la récidive.

La rétention de sûreté consistera dans le placement dans un « centre de rétention socio-médico-judiciaire de sûreté », placé sous la double tutelle du ministère de la Justice et du ministère de la Santé, au sein desquels les personnes retenues bénéficieront d'une prise en charge médicale et sociale spécifique, dispensée par une équipe pluridisciplinaire. L'objectif du placement est « la fin de la rétention ». La rétention prendra fin dès lors que la dangerosité particulière qui l'aura motivée prendra fin également et que la personne pourra bénéficier d'un autre mode de suivi. Un premier centre devrait ouvrir en septembre 2008 à Fresnes, au sein de l'établissement public national de santé.

Le rapporteur a ensuite estimé que la procédure de placement en rétention de sûreté présente une série de garanties, au nombre desquelles figurent l'intervention des juges, la présence obligatoire de l'avocat au cours d'un débat contradictoire, la possibilité de recours à tous les stades de la procédure et le réexamen annuel de la situation des personnes placées en rétention.

Le projet de loi instaure en outre une véritable alternative à la rétention de sûreté : la surveillance judiciaire dite « élargie ». Désormais, s'agissant des personnes susceptibles de relever du champ d'application de la rétention de sûreté, la surveillance judiciaire pourra être prononcée pour une durée non limitée comme aujourd'hui à la durée totale des réductions de peine accordées. La commission régionale pourra prolonger les effets de la surveillance judiciaire, en cas de nécessité et si la dangerosité de la personne le justifie, pour un an renouvelable sans limitation.

Si ces personnes ne respectent pas leurs obligations, elles pourront être placées en rétention de sûreté, même si la mesure n'avait pas été envisagée ab initio par la juridiction de jugement, ce qui sera le cas des personnes condamnées avant l'entrée en vigueur de la loi pour des faits entrant dans le champ d'application de la loi et placées sous surveillance judiciaire. L'article 12 du projet de loi prévoit en effet l'application aux personnes soumises à une mesure de surveillance judiciaire au 1er septembre 2008 ou qui le seront à partir de cette date des dispositions permettant la prolongation de la surveillance judiciaire, et, en cas de violation des obligations, le placement éventuel en rétention de sûreté.

Abordant le second volet du projet de loi, le rapporteur a souligné que le projet de loi modifiait en profondeur les procédures applicables devant les juridictions d'instruction et les juridictions de jugement lorsque l'auteur de l'infraction est susceptible d'être irresponsable pénalement.

Le traitement actuel de l'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental fait l'objet de critiques que le rapporteur a estimé fondées. En ce qui concerne les ordonnances rendues par le juge d'instruction, la terminologie de « non-lieu » demeure insatisfaisante. En effet, cette expression est entendue, certes à tort, par les victimes et leurs familles comme l'affirmation que le crime ou le délit n'a pas eu lieu, alors même qu'il s'agit parfois d'actes extrêmement graves. Par ailleurs, l'ordonnance de non-lieu clôt le dossier et met fin aux poursuites sans débat préalable, sans informer les victimes des mesures prises à l'égard de l'auteur à la suite de cette décision et sans statuer sur les conséquences civiles de l'acte commis.

Le rapporteur a rappelé que le débat contradictoire devant la chambre de l'instruction ne pouvait avoir lieu qu'en appel de l'ordonnance de non-lieu, cette dernière pouvant être vécue comme un traumatisme par les familles de victimes.

Il a indiqué que la personne irresponsable pénalement étant cependant responsable sur le plan civil, les victimes pouvaient demander des dommages et intérêts. Mais il appartient à la partie civile de présenter sa demande, en application du nouveau code de procédure civile, auprès du tribunal compétent ou auprès de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions.

Le rapporteur a précisé que projet de loi modifiait en profondeur le traitement des affaires pour lesquelles la personne poursuivie est susceptible d'être déclarée pénalement irresponsable.

La procédure applicable devant le juge d'instruction est modifiée sur deux points. Premièrement, à la fin de l'information, si l'irresponsabilité pénale est susceptible d'être retenue, les parties et le procureur de la République pourront demander la saisine de la chambre de l'instruction, qui devra statuer, à l'issue d'une audience publique et contradictoire. Deuxièmement, si le dossier n'est pas transmis à la chambre de l'instruction – lorsque aucune demande n'a été formulée ou si le juge d'instruction ne transmet pas d'office le dossier –, le juge d'instruction ne rendra plus une ordonnance de non-lieu mais une ordonnance d'irresponsabilité pénale.

Le rapporteur a indiqué que la procédure applicable devant la chambre de l'instruction était également modifiée. Alors que la procédure actuelle ne permet à celle-ci de statuer qu'en appel des ordonnances du juge d'instruction, elle pourra désormais examiner en premier et dernier ressort un dossier qui a fait l'objet d'une demande de transmission. La nouvelle procédure est donc constitutive d'un « double degré automatique ». En outre, à cette audience, le président ordonnera soit d'office, soit à la demande de la partie civile ou du ministère public, la comparution personnelle de la personne mise en examen si son état le permet. Le rapporteur a estimé qu'il convenait de préciser que la personne mise en examen pouvait également comparaître à sa demande, si son état le permet, afin de garantir le caractère équitable de la procédure.

Le rapporteur a souligné que la possibilité d'entendre les témoins est sans doute l'innovation majeure de la procédure applicable devant la chambre de l'instruction. Elle répond au souhait des victimes que cette audience permette d'examiner de manière approfondie l'imputabilité des faits à la personne mise en examen et son éventuelle irresponsabilité.

A l'issue de l'audience, la chambre de l'instruction pourra rendre trois types de décisions. Si elle estime qu'il n'existe pas de charges suffisantes contre la personne mise en examen d'avoir commis les faits qui lui sont reprochés, elle prononcera un non-lieu « classique ». Si elle estime qu'il existe des charges suffisantes contre la personne mise en examen d'avoir commis les faits qui lui sont reprochés et qu'elle est pénalement responsable, elle ordonnera son renvoi devant la juridiction de jugement – tribunal correctionnel ou cour d'assises selon les cas – suivant la procédure existante. Enfin, si elle estime les charges suffisantes mais que la personne est irresponsable pénalement, elle rendra un arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Le rapporteur a précisé que, par cet arrêt, la chambre de l'instruction déclarera qu'il existe des charges suffisantes contre la personne d'avoir commis les faits qui lui sont reprochés et qu'elle est irresponsable pénalement. Elle ordonnera le renvoi de l'affaire devant le tribunal correctionnel compétent, si la partie civile le demande, pour qu'il se prononce sur la responsabilité civile de la personne et prononcera, s'il y a lieu, une ou plusieurs des mesures de sûreté à l'encontre de la personne, qui prennent la forme d'interdictions.

Le rapporteur a ajouté que projet de loi modifiait également la procédure applicable devant le tribunal correctionnel ou la cour d'assises. Si un accusé ou un prévenu doit être déclaré irresponsable pénalement pour cause de trouble mental, la cour d'assises ou le tribunal correctionnel ne rendra plus une décision d'acquittement ou de relaxe, mais une décision de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

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