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Intervention de Charles Duchaine

Réunion du 25 novembre 2008 à 18h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Charles Duchaine, vice-président du tribunal de grande instance de Marseille, magistrat instructeur à la juridiction interrégionale spécialisée de Marseille :

Rien ne changera, puisque l'article 131-21 du code pénal prévoit la situation où des biens d'origine licites sont mêlés à des biens d'origine illicites. La saisie pénale n'affecte en rien le patrimoine : au moment de la saisie, l'immeuble peut être loué, habité, voire vendu, du moment que les intérêts de l'État sont sauvegardés. Nul n'est tenu de rester dans l'indivision. Dès lors qu'un des propriétaires au moins est poursuivi et que sa part indivise est confisquée, l'État peut imposer la vente de l'immeuble, à condition de restituer aux autres propriétaires indivis la part qui leur revient. Cela ne soulève aucune difficulté.

En revanche, monsieur le président, l'article 706-147 me pose problème. Nous sommes tous d'accord pour dire que, la saisie étant un préalable nécessaire à la confiscation, il doit y avoir parfaite adéquation entre leurs deux champs. Mais pourquoi parler de « saisie de patrimoine » ? L'article 131-21 détermine le domaine de la confiscation ; sur cette base sont prises les mesures de saisie. Je ne vois pas l'utilité de cet article – sauf en ce qu'il introduit une distinction entre les compétences des différents juges.

Dans la pratique, avant la loi du 5 mars 2007 qui a élargi le champ de l'article 131-21, nous distinguions la saisie des biens en lien direct avec l'infraction, que nous qualifions de « saisie pénale », et celle des biens qui ne l'étaient pas, que nous qualifions de « saisie patrimoniale ». Nous considérions que les premières relevaient du juge d'instruction et les secondes du juge des libertés de la détention, sur le fondement de l'article 706-103.

Avec le recul, il apparaît que c'était une mauvaise lecture : l'article 706-103 n'a jamais eu vocation à permettre une mesure conservatoire en vue de la confiscation ; son objectif est la prise de sûreté judiciaire sur des biens qui, par définition, ne sont pas confiscables, afin de garantir le paiement des amendes, l'indemnisation des victimes et des confiscations qui nous auraient échappé, suite par exemple à la dissipation d'un bien.

Aujourd'hui ne subsistent que deux grands domaines : celui des peines de confiscations, défini par l'article 131-21 du code pénal (auquel doit correspondre celui de la saisie) ; et celui des sûretés judiciaires, définies par l'article 706-103 du code de procédure judiciaire, qui relève du juge des libertés et de la détention : dans la mesure où la loi ne prévoit pas expressément la possibilité de confiscation, il s'agit d'une atteinte au droit de propriété. En revanche, dès lors que la loi prévoit que le patrimoine est confiscable, on se trouve dans le premier cadre et les dispositions sur les saisies s'appliquent.

Partant, la notion de « saisie de patrimoine » et l'article 706-147 ne me semblent pas présenter d'intérêt, d'autant que les articles suivants expliquent la procédure à suivre pour chaque catégorie de biens concernés. À la limite, peu importe que ces biens soient ou non en rapport avec l'infraction dès lors qu'ils sont énumérés par l'article 131-21.

Reste à savoir si vous souhaitez qu'un seul magistrat ait compétence pour appliquer la totalité de l'article 131-21, ou si vous préférez distinguer les confiscations qui relèvent du juge d'instruction ou du procureur de la République et celles qui relèvent du juge des libertés et de la détention. Mais dans ce cas il se pose une autre question : les cas de confiscation qui, dans le projet d'article 706-147, seraient confiés au juge des libertés et de la détention, ne me semblent pas être les bons ; il faut laisser au magistrat en charge de l'enquête le soin de prendre les mesures de saisie sur des biens dont la loi prévoit qu'ils sont confiscables. Le juge des libertés et de la détention devrait plutôt intervenir pour les saisies en valeur, qui ne sont pas prévues par la loi ou déterminées par le dossier, mais qui sont des saisies par équivalence, davantage attentatoires au droit de propriété.

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