Au sein de Bercy – mais je reviendrai sur ce sujet. Avant cela, je tiens à souligner qu'en évoquant en bloc la mobilisation de 40 milliards d'euros, on additionne des éléments très divers et que ces milliards d'euros n'ont pas tous été décaissés. Cette somme se répartit en effet en deux ensembles. D'une part, 25,5 milliards d'euros sont la réponse apportée au « stress de liquidités » de l'automne 2008. Cela nous a conduit à décentraliser 16,5 milliards d'euros de fonds du LDD et du LEP et à les rétrocéder aux banques, à ouvrir une ligne de crédit supplémentaire de 2 milliards d'euros à Oséo, à ouvrir un crédit de 5 milliards d'euros à la Société de financement de l'économie française et à recapitaliser Dexia à hauteur de 2 milliards d'euros. D'autre part, nous avons soutenu l'investissement public, en fonds propres directement, par l'engagement de 10 000 VEFA portés par la SNI et par l'ouverture d'enveloppes supplémentaires sur fonds d'épargne : 6,7 milliards d'euros pour 100 000 logements, 8 milliards d'euros pour des prêts « infrastructures » et 2,7 milliards d'euros pour des prêts aux collectivités.
Les fonds d'épargne présentent quant à eux un solde positif de 108 millions d'euros pour l'exercice 2008. La progression des prêts a été considérable : 10,6 milliards d'euros de nouveaux prêts ont été attribués, soit une augmentation de 44%.
Quelques mots sur les relations financières entre la Caisse des Dépôts et l'État, qu'il serait effectivement très sain de clarifier car, par crainte que l'État ne veuille récupérer la totalité des plus-values que nous pourrions réaliser, nous pourrions être amenés à prendre de mauvaises décisions de gestion.
Je rappelle que je propose à la commission de surveillance d'affecter une certaine part du résultat de la Caisse des Dépôts à l'État mais que la commission n'est pas obligée de faire sienne ma proposition. Symétriquement, je n'ai pas l'obligation de proposer le versement d'un prélèvement sur résultat à l'État. En prenant mes fonctions, n'ai-je pas prêté serment de défendre les intérêts patrimoniaux de la Caisse des Dépôts ? Pour cette raison, il m'aurait été impossible de proposer à la commission de surveillance de verser une contribution au budget de l'État au titre de 2008 : le résultat comptable de l'exercice montrant une perte, une telle option aurait conduit à décapitaliser la Caisse des Dépôts. Le fait que l'État veuille se faire conseiller par une mission de l'inspection des finances est légitime car il s'agit d'une affaire complexe. Pour ma part, j'ai chargé un contrôleur général de la Caisse des Dépôts de préparer les discussions que nous aurons avec l'État et des relations avec cette mission. L'enjeu, je le disais, est d'autant plus grand que la prospérité de la Caisse des Dépôts a presque doublé en dix ans. Encore faut-il souligner qu'en valeur relative les résultats sont beaucoup plus importants qu'ils ne l'étaient il y a dix ans - mais ils sont aussi beaucoup plus difficiles à cerner car, avec la création du Fonds stratégique d'investissement, une part grandissante de notre résultat proviendra de l'enrichissement de nos filiales, sans entrée de trésorerie à la Caisse des Dépôts proprement dite. Cette remise à plat me permettra donc d'expliquer que je ne proposerai pas de verser à l'État une part trop forte de notre résultat social, faute de quoi nous n'aurions plus de trésorerie.
J'en conviens, notre communication aurait sans doute pu être meilleure, mais c'est aussi que je ne souhaitais pas entrer inutilement dans une polémique.
J'en viens à nos relations avec l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale - l'ACOSS. En 2008, nous avions assuré à l'Agence un accès permanent à la liquidité, qui a entraîné pour nous un manque à gagner de 20 millions d'euros, ce qui m'a conduit à écrire le 24 décembre 2008 au directeur de l'ACOSS que je souhaitais renégocier la convention. Il ne s'agit pas pour la Caisse des Dépôts de gagner de l'argent, mais de faire payer à l'Agence le juste prix du risque que nous prenons en nous engageant à lui fournir à tout moment des liquidités à hauteur de 25 milliards d'euros. Si à ce jour les discussions achoppent, c'est que l'Agence souhaite que nous nous engagions sur un tarif pour un accès à des liquidités, entre 25 et 31 milliards d'euros. Compte tenu de l'importance que cette ligne prend dans notre bilan, nous ne sommes pas en mesure de chiffrer le risque. La négociation n'est donc pas conclue, mais elle pourrait l'être dans les prochains jours puisque le conseil d'administration de l'Agence se réunira avant la fin du mois de juin.
Nous nous mobiliserons principalement, en 2009, en faveur des entreprises mais, dans le cadre de notre plan stratégique Elan 2020, nous avons aussi d'autres priorités, dont le logement social. À la fin mai, nous en avions déjà financé 27 000, dans le cadre du Plan de cohésion sociale, plus de 40 % de notre objectif annuel. Il y aura, de nouveau, augmentation du flux des prêts en 2009 par rapport à 2008. Toutefois, le dispositif d'« éco-prêt logement social » mis à la disposition des bailleurs sociaux démarre lentement, et il faudra inciter les organismes de logement social à y recourir. Nous avons aussi pour priorité de soutenir la modernisation des universités ; nous avons déjà signé des conventions avec 109 établissements universitaires, engagé dans ce cadre 13 millions d'euros en 2008 et déjà 3 millions d'euros en 2009. En créant une société de projet associant l'État, la Caisse des Dépôts et les universités concernées, nous sommes heureux d'avoir monté le premier partenariat « public-public », destiné à rénover le campus universitaire bordelais. D'autres conventions nous lient à l'École vétérinaire de Maisons-Alfort et à AgroPariTech à Saclay, et nous avons des projets à Strasbourg et à Lyon.
Je vous parlerai brièvement du FSI et de l'action de la Caisse des Dépôts en faveur des entreprises. Notre priorité, en 2009, est d'aider les entreprises à se repérer dans le maquis des aides. À cette fin, nous avons créé en partenariat avec Oséo des plates-formes d'entrée uniques, afin d'orienter les PME vers les dispositifs de financement appropriés à leurs besoins. Il s'agit de points d'accès uniques, dotés d'un portail numérique national très performant, et grâce auxquels les entreprises sont orientées vers les sociétés de capital risque en mesure de répondre à leurs besoins de fonds propres. Nos directeurs régionaux ont réorienté leur action pour se faire les délégués régionaux du FSI. Le Fonds est à présent installé, il a trente-sept collaborateurs et il est en ordre de marche, prêt à recevoir, mi-juillet, les apports prévus. La Caisse des Dépôts lui apportera ses lignes de capital risque, des lignes d'infrastructures, et complètera cet apport par ses participations dans les très grandes sociétés du CAC 40 dont elle possède 1 à 2 %.
Le travail de la Caisse des Dépôts consiste aussi à « apprivoiser » les fonds souverains, et ce travail commence à porter ses fruits. Ainsi, un accord a été signé avec la Mubadala Development Company (Mubadala), société d'investissement et de développement d'Abu Dhabi, en vue de réaliser des investissements conjoints dans des entreprises françaises, notamment dans le secteur des biotechnologies. Par ailleurs, le « Club des investisseurs de long terme » s'est ouvert à sept nouveaux membres dont la Banque de développement de Chine. Celle-ci a émis le souhait de créer un fonds d'investissement en France auquel elle s'est déclarée prête à apporter plusieurs centaines de millions d'euros pour co-investir dans les PME. Nous ne sommes pas tout à fait dupes, et nous nous rendons bien compte qu'il s'agit aussi d'appréhender un peu de la technologie française. La question est donc de savoir si nous acceptons le principe de ce co-investissement, au risque, peut-être, d'une perte technologique, ou si nous prenons le pari d'un accord gagnant-gagnant.
Enfin, j'anticiperai sans doute certaines de vos questions en vous parlant de Transdev et de l'évolution de son capital, sujet sur lequel je n'ai pas pris publiquement la parole. Je tiens à dire que nous sommes fiers de disposer de cette filiale d'excellente qualité et nous souhaitons accompagner son développement. Il se trouve que le secteur du transport collectif de voyageurs compte quatre acteurs et, comme le président Michel Bouvard, je considère qu'il y en a un en trop. De l'intérêt s'étant manifesté pour Transdev, nous avons ouvert le dossier, mais Transdev n'est pas à vendre. Si une alliance voyait le jour, elle devrait avoir un intérêt certain. Nous voulons préserver ce qui fait la force de Transdev, et nous serons très attentifs à ce que la qualité de sa relation avec les collectivités territoriales ne soit pas diluée à l'occasion d'une opération financière. Des discussions exploratoires sont engagées, et quand notre opinion sera arrêtée, nous en ferons état.