Les circonstances ont fait que M. de Romanet et moi-même sommes venus plusieurs fois nous entretenir avec vous de la situation de la Caisse des Dépôts et consignations et de sa mobilisation en ces temps de crise. Je serai donc relativement concis mais je rappellerai tout de même certains événements intervenus l'année dernière. 2008 a vu le vote de la loi de modernisation de l'économie, qui a instauré une nouvelle gouvernance de la Caisse des Dépôts, caractérisée par l'élargissement de la commission de surveillance, le renforcement du lien de la Caisse des Dépôts avec le Parlement, la refonte de son règlement intérieur entérinant la constitution du comité des investissements et du comité des nominations, l'association plus étroite de la commission de surveillance à la gestion des fonds d'épargne et aux choix opérés par le Fonds stratégique d'investissement.
L'année 2008 a aussi montré la forte réactivité de la Caisse des Dépôts à la crise. Elle a su répondre aux attentes des pouvoirs publics qui se sont traduites dans le discours prononcé par le Président de la République le 25 septembre 2008 à Toulon. Elle s'est mobilisée en redéployant 16,5 milliards d'euros en direction des réseaux bancaires, en allouant un apport complémentaire de 2 milliards d'euros à Oséo, en finançant 10 000 programmes en VEFA.
La Caisse des Dépôts a aussi contribué à résoudre les problèmes de financement des collectivités territoriales frappées par la crise, en prélevant deux fois 2,5 milliards d'euros sur les fonds d'épargne. Le réseau de la Caisse des Dépôts, en leur accordant des prêts à hauteur de 1,8 milliard d'euros, s'est montré particulièrement performant. Par ailleurs, la Caisse des Dépôts a consenti une avance de 5 milliards d'euros à la Société de financement de l'économie française - qui lui a été remboursée le 19 décembre 2008 - et elle a, dans un deuxième temps, ouvert une enveloppe complémentaire de 8 milliards d'euros destinée à financer des prêts d'infrastructures.
On le voit, la Caisse des Dépôts a montré une forte réactivité, et je tiens à souligner le formidable travail de la direction des fonds d'épargne qui, en une période d'extrême nervosité des marchés, a su gérer les redéploiements nécessaires sans provoquer de dysfonctionnements.
L'année 2008 a aussi été celle de la recapitalisation de Dexia, à laquelle la Caisse des Dépôts a participé à hauteur de 2 milliards d'euros, le maximum de son engagement. À ce sujet, je remercie M. de Romanet qui a tenu bon et n'a pas accepté de dépasser cette limite. L'État, pour sa part, a contribué à la recapitalisation pour 1 milliard d'euros. L'effort consenti pour remettre Dexia à flot porte déjà ses fruits.
L'année 2008 a encore été celle de la création du Fonds stratégique d'investissement – FSI –, qui a déjà fait la preuve de son utilité. Le Fonds a défini des stratégies de filière et montré un grand dynamisme dans l'instruction des dossiers qui lui sont soumis. La commission de surveillance a suivi attentivement sa montée en puissance. M. de Romanet reviendra sur les apports de la Caisse des Dépôts au FSI, à présent définitivement bouclés : la Caisse des Dépôts apportera au Fonds 3 milliards d'euros en liquidités et 7 milliards d'euros en titres ; elle détiendra ainsi 51 % du capital du FSI. Le Fonds, filiale de la Caisse des Dépôts, se comporte comme telle, et respecte la doctrine d'investissement approuvée par la commission de surveillance.
Le résultat de la Caisse des Dépôts doit être apprécié en perspective. Il convient en effet de distinguer l'impact de la crise et l'évolution structurelle du résultat. On constate alors que si le résultat comptable est déficitaire, le résultat opérationnel, à 1,5 milliard d'euros, est positif. Je rappelle d'autre part que la Caisse des Dépôts a appliqué intégralement les dispositifs prudentiels, sans dérogation ni aménagement. Cela signifie que la comptabilisation des dépréciations va au-delà de ce qu'ont fait beaucoup d'autres établissements bancaires et que le résultat annoncé est sincère. Par ailleurs, si la constitution de provisions pour dépréciations comptables conduit à un résultat comptable négatif, le groupe détient un solide stock de plus-values latentes, dont 7 milliards d'euros dans l'immobilier. Avec l'apport des filiales, il y a là un facteur de stabilité qui confirme la valeur du modèle économique de la Caisse des Dépôts.
Je ne conclurai pas sans évoquer la nécessaire évolution des relations financières entre la Caisse des Dépôts et l'État. Étant donné la dégradation des fonds propres des fonds d'épargne, il a été convenu avec le Gouvernement que le résultat de 108 millions issu de la section des fonds d'épargne ne ferait pas l'objet d'un prélèvement de l'État. Pour la section générale, la participation de la Caisse des Dépôts au budget de l'État au titre de l'exercice 2008 sera réduite à la contribution représentative de l'impôt sur les sociétés. Par ailleurs, la Caisse des Dépôts a versé les sommes auxquelles elle s'était engagée dans le cadre de l'opération Icade. Cependant, la situation à laquelle s'est trouvé confronté l'État n'avait pas été envisagée : alors qu'une contribution de 500 millions d'euros correspondant aux dépôts des professions juridiques était escomptée dans la loi de finances, en l'absence de résultat, la clause de versement minimum au titre de « l'actionnariat État » n'a pas été activée.
Étant donné cet événement inédit, la commission de surveillance a, plus que jamais, souhaité engager une discussion avec l'État pour clarifier leurs relations financières. En temps ordinaire, ces relations se limitent au paiement de la contribution représentative de l'impôt sur les sociétés et à la répartition du résultat en trois tiers : un tiers affecté au renforcement des fonds propres de la Caisse des Dépôts, un tiers au versement à l'État, un tiers aux missions d'intérêt général. Mais, de tout temps, à chaque fois que la Caisse des Dépôts a affiché un résultat exceptionnel, une discussion serrée s'est engagée entre la Caisse des Dépôts et l'État pour définir quelle part de ce revenu exceptionnel devait lui revenir. C'est une méthode insatisfaisante de gouvernance d'un établissement public, car certaines décisions relatives à des cessions d'actifs ont sans doute été affectées par ce procédé.
Il convenait donc de clarifier aussi ce point, tout en portant par écrit la manière précise dont les choses doivent se passer lorsqu'il arrive que la Caisse des Dépôts ne se trouve pas en position de verser à l'État la contribution qu'il escomptait. Cela s'est produit pour l'exercice 2008, on l'a vu, mais un résultat semblable aurait été constaté pour des exercices précédents si les normes IRFS avaient déjà été appliquées.
Il importe également de dire clairement ce que sont les missions d'intérêt général, dont la définition fait l'objet d'un débat récurrent et de préciser l'objet des conventions. De fait, plus la situation des ministères dépensiers est contrainte, plus leur tendance est grande à contourner la norme de dépense en passant des conventions avec la Caisse des Dépôts en vue d'obtenir des prêts bonifiés. Or, la Caisse des Dépôts ne peut être un auxiliaire de débudgétisation. Je remercie donc M. de Romanet d'avoir demandé au Premier ministre que toutes les conventions envisagées entre les ministères et la Caisse des Dépôts soient soumises à l'examen de la commission de surveillance préalablement à leur signature. Nous devons en effet nous assurer que ces conventions n'entraînent pas de création de charges pour la Caisse des Dépôts. Enfin, selon les moments, les frais induits par la bonification des prêts sont supportés par les fonds d'épargne ou par la section générale. Sur tous ces points, une clarification est nécessaire, qui ne doit pas tendre à enfermer la Caisse des Dépôts dans un carcan mais conduire à une parfaite transparence dans ses relations financières avec l'État et éviter les à-coups dus aux prélèvements « sauvages » effectués en cours d'année. Aussi bien M. de Romanet que moi-même avons été très marqués par la promesse faite par le ministère du budget au ministère du logement que 100 millions d'euros seraient ainsi versés à l'ANRU – une promesse dont ni la commission de surveillance ni le Parlement n'avaient jamais eu à connaître, et matérialisée par un simple courrier dont le nouveau directeur général a appris l'existence lors de son entrée en fonction…
D'évidence, la clarification des relations financières entre la Caisse des Dépôts et l'État s'impose. La Commission de surveillance en ayant émis le souhait, des discussions se sont engagées à ce sujet avec le Premier ministre et le Président de la République. L'État est convenu d'y travailler et un inspecteur des finances a été désigné à cette fin ; la Caisse des Dépôts, pour sa part, a confié une mission de réflexion à un contrôleur général. Tout cela se fait de manière dépassionnée et l'article paru dans Le Monde à ce sujet ne correspond pas à la réalité des contacts qui se sont établis entre l'État et la Caisse des Dépôts. En aucun cas une mission de l'inspection générale des finances ne se rendra à la Caisse des Dépôts pour une inspection : la Caisse des Dépôts n'est pas sous la tutelle de l'État, et son contrôleur est la Cour des comptes. L'inspecteur des finances désigné par le ministère des finances est chargé de recenser et d'examiner les questions en suspens, et un premier rendez-vous est prévu fin juillet à ce sujet. Ce travail devait être engagé car il est grand temps d'en finir avec les non-dits. Il est anormal que les relations financières entre la Caisse des Dépôts et l'État puissent dépendre d'un simple courrier entre le directeur du Trésor et le directeur général de la Caisse des Dépôts, en dehors du contrôle du Parlement. Si, donc, nous parvenons à débloquer cette situation, nous aurons fait oeuvre utile.