Je partage l'opinion de M. Debré quant à la nécessité de ne pas encombrer la loi avec des détails qui relèvent du pouvoir réglementaire. Concernant le terme de « sage-femme » et son éventuel remplacement par le terme de maïeuthérapeute, même si l'on constate effectivement une masculinisation de ce métier, je pense que cela est prématuré, la profession n'étant aujourd'hui pas favorable à cette substitution. Néanmoins, compte tenu du caractère sinistré de la carrière de gynéco-obstétricien et de la médicalisation croissante du métier de sage-femme, on peut penser que dans une dizaine d'années l'essentiel des accouchements seront pratiqués par des sages-femmes, comme c'est déjà souvent le cas dans le secteur public.
S'agissant du numerus clausus, je ne partage pas les critiques de M. Debré quant à son caractère étatique dans la mesure où il est décliné au niveau régional et universitaire, en concertation avec les professionnels. On sait que 70 % des professionnels de santé s'installent sur le territoire où ils ont suivi leurs études. Si l'on souhaite réguler l'offre de soins sur le territoire français, il est donc indispensable, faute d'une régulation de l'installation aujourd'hui impossible, de procéder à une régulation régionale au niveau de l'entrée dans les études.
L'application de cette nouvelle première année dès la rentrée 2009 ne me semble pas prématurée. Il s'agit en effet d'un texte très attendu et une circulaire du 1er août 2008 a déjà fourni aux doyens d'université un cadre de réflexion pour adapter le contenu des enseignements. Par ailleurs, les étudiants sont depuis longtemps informés de cette perspective de réforme. Enfin il est prévu pour le système de réorientation au bout du premier semestre une soupape de sécurité pour que les facultés de sciences disposent d'un peu de temps pour se préparer. S'agissant de ce système de réorientation, toutes les études statistiques menées montrent qu'un étudiant qui, au bout d'un semestre, obtient une note moyenne inférieure à six a des chances quasi nulles de réussir le concours en fin d'année. La réorientation en faculté de sciences lui permet d'éviter cette « noyade », en complétant sa formation afin de revenir, mieux préparé, vers la première année des études de santé.
La présente proposition de loi ne porte que sur les professions médicales, mais il faudra ensuite réformer les professions paramédicales et développer des passerelles entre ces deux catégories de professions, afin de tenter de mettre fin au gâchis humain qu'on est souvent amené à déplorer aujourd'hui. L'accès aux études en sciences humaines n'est nullement fermé aux étudiants des cursus de santé : ces sciences constituent en effet une excellente voie de réorientation à l'issue de la première année d'études médicales, mais elles ne peuvent pour autant être envisagées comme destinées à améliorer le niveau des étudiants afin de leur permettre de réintégrer ensuite la première année des études de santé.
Fixé globalement entre 11 000 et 12 000 étudiants, le numerus clausus n'est pas figé, comme l'a montré son évolution ces dernières années, mais dans la gestion des effectifs et des carrières des professions médicales il faut tenir compte de l'inertie liée à la durée de leur formation, qui est particulièrement longue.
Le développement de passerelles entre les études de santé et d'autres cursus permettra d'instiller une culture autre que scientifique dans les professions de santé : ce sera une sorte de bouffée d'oxygène. Ainsi, des étudiants en lettres, sélectionnés sur dossier, pourront rejoindre une filière d'études de santé, et ce en sus du numerus clausus. Cette solution paraît plus simple que celle proposée par le rapport de M. Jean-François Bach, consistant à créer un concours spécifique pour les bacheliers non scientifiques. Les sciences humaines sont déjà enseignées en première année de médecine et c'est d'ailleurs le coefficient le plus élevé qui leur est affecté. Toutefois, le fait que cet enseignement ait actuellement lieu au second semestre n'est pas exempt d'inconvénients, de telle sorte qu'il serait envisageable de l'assurer dès le premier semestre.
Le regroupement des étudiants en première année des études médicales et pharmaceutiques va nécessairement se traduire par des promotions d'un volume plus important et par un plus grand nombre d'étudiants par groupe de travaux dirigés, mais il est permis d'espérer que des nouveaux groupes seront créés. Dans certaines facultés, les doyens ont déjà commencé à réfléchir à l'organisation matérielle de cette réforme : ainsi, à Montpellier, l'enseignement sera dispensé sur trois sites, en tirant parti de la mise en commun d'enseignants de médecine et de pharmacie, mais aussi des visioconférences et d'Internet, permettant l'accès aux cours pendant plusieurs semaines. Ces aménagements paraissent réalisables pour la prochaine rentrée, d'autant que le budget de l'enseignement supérieur progressera de 6 % en autorisations d'engagement pour 2009. Les craintes des étudiants sont compréhensibles, mais aucune université n'estime que la réforme ne pourra pas entrer en vigueur dès 2009.
Les nouveaux métiers évoqués par Mme Catherine Lemorton relèvent des professions paramédicales, sur lesquelles il est désormais essentiel d'orienter la réflexion. Il faut par ailleurs rappeler que les étudiants qui arrêtent après la troisième d'études médicales bénéficient d'équivalences dans les écoles d'infirmiers ou dans les facultés de sciences. Quant au « droit au remords » ouvert après deux ans d'engagement dans une filière, moyennant le passage devant une commission, il est prévu qu'il soit maintenu dans les conditions actuelles, notamment celle d'avoir été admissible dans la filière finalement choisie.
S'agissant du tutorat, il ne pourra être pleinement mis en place que quand le nombre d'étudiants aura diminué.
La culture commune aux médecins et aux pharmaciens ne s'acquiert pas principalement en première année, mais on peut estimer qu'elle sera renforcée par la réforme, dans la mesure où les enseignants seront mis en commun. De ce point de vue, la nécessité, pour les enseignants en pharmacie, d'effectuer un minimum de 192 heures de cours ne sera pas pénalisante, car les travaux dirigés ainsi que le temps de préparation des cours seront intégrés dans le calcul de ces heures.