Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens à saluer l'initiative de Jean-Luc Warsmann, qui ouvre, par cette proposition de loi, le vaste chantier de la simplification du droit.
Les grands textes, notamment la Constitution, énoncent des principes avec lesquels on ne peut qu'être d'accord. Nul n'est censé ignorer la loi, certes, mais, quand on voit le nombre de lois et la complexité des règlements en vigueur, on est un peu perdu ! Le Conseil constitutionnel a depuis quelques années posé comme principe fort l'intelligibilité de la loi. La réalité est parfois bien loin de la théorie. Bien entendu, je suis conscient que, lorsque la réalité est complexe, le droit ne peut pas être d'une simplicité biblique. Néanmoins, il me semble possible d'améliorer la situation et je vous remercie de mettre tout votre poids de président de la commission des lois pour faire avancer ce chantier titanesque.
Ce chantier passe bien entendu par la réparation des malfaçons du droit, et votre proposition de loi, qui n'est, je l'espère, que la première d'une longue série, s'y emploie. Mais, en plus de réparer les dégâts, il est nécessaire de colmater les fuites et de s'attaquer à l'une des sources du problème, notre manière de travailler et de fabriquer la loi, qui aboutit à une « intempérance normative ». Ce n'est pas la seule source, mais c'est celle sur laquelle nous sommes les plus à même d'agir.
En tant que jeune député, issu de la société civile, je suis entré à l'Assemblée nationale avec un regard de citoyen qui n'avait, jusqu'à présent, jamais fréquenté de près le système politico-administratif de la France. Je suis assez sidéré par ce que j'ai pu observer, depuis la fin du mois de juin, concernant la fabrication du droit au sein même du Parlement. Certains processus seraient à revoir sérieusement.
Il faudrait d'abord commencer par prendre davantage de temps, pour mieux étudier les textes en amont et disposer de toute l'information, afin de pouvoir discuter et voter en pleine connaissance de cause. Qu'ai-je vu ? Des textes qui nous arrivent à la chaîne, dont on prend connaissance deux à trois semaines avant qu'ils ne soient à l'ordre du jour, sans étude d'impact, sans véritables documents annexes d'explication, et avec un rapport parlementaire publié la veille pour le lendemain.
Il faut aussi du temps pour bien échanger, se concerter, auditionner. L'agenda d'un député est très chargé les mardis et mercredis, au point de devoir sacrifier des réunions auxquelles on aimerait bien aller, mais que faire quand on en a trois à la même heure ? J'aurais bien aimé assister à la réunion de la commission des lois qui a débattu de ce texte. Mais elle avait lieu en même temps que le débat sur les régimes spéciaux de retraite ! Je sais que cette question est récurrente, mais il existe des moments plus calmes dans l'agenda, où ceux qui souhaitent s'investir, s'informer et échanger peuvent être présents sans avoir à faire des choix cornéliens.
Il faut aussi pouvoir prendre le temps de débattre, avec un nombre de séances suffisant et surtout, à des heures décentes. Finir à quatre heures et demie du matin une séance qui a débuté à vingt et une heures trente, pour voter sur un texte aussi sensible et important que la maîtrise de l'immigration, est-ce normal ? Est-ce dans ces conditions que l'on peut faire un bon travail de rédaction de la loi ? Je ne le pense pas.
Cette proposition de loi a malheureusement suivi le mode opératoire habituel. Mais je comprends parfaitement que, pour une première, on ne puisse pas tout faire. L'essentiel est d'enclencher le mouvement, de créer une dynamique. Je souhaite seulement que les prochains textes, et notamment le projet de loi de simplification du droit que le Sénat commence à examiner, puissent être l'occasion pour les parlementaires d'expérimenter d'autres méthodes de travail.
La fabrication du droit se fait d'abord au Parlement, mais elle relève aussi de l'administration, qui est chargée du domaine réglementaire. Et si les parlementaires portent assurément une responsabilité dans la complexité et les malfaçons du droit, c'est le système politico-administratif français dans son ensemble qui est en cause.
Aussi faut-il que la qualité de la réglementation soit au coeur de la procédure administrative, et instaurer une véritable charte de la qualité. La loi organique relative aux lois de finances, qui a placé la performance au coeur de l'action de l'État, a ouvert beaucoup de chantiers. Il faut poursuivre dans cette voie et imposer la qualité de la réglementation comme un critère de performance et une priorité politique.