Nous devons éviter toute négociation « donnant- donnant », ainsi que toute forme de chantage sur le projet de gazoduc Nabucco. Cela étant, il reste bien des incertitudes sur la construction de cette troisième voie alternative aux gazoducs passant par l'Ukraine, en complément des projets South Stream et Nord Stream. Pour que Nabucco soit rentable, il faudrait en effet atteindre un débit d'au moins 50 milliards de mètres cubes par an, objectif qui reste hors de portée sans un accord d'exploitation avec l'Iran. Or, nous en sommes encore loin.
En réponse à la question de M. Luca, je précise que nous avons certes besoin d'une Commission forte, mais aussi d'un Conseil, d'un Parlement et d'un haut représentant forts. Pour qu'il existe demain une Europe politique, capable de défendre nos intérêts sur la scène internationale, il n'y a pas lieu de privilégier une institution plutôt qu'une autre. Je m'en suis expliqué dans une tribune qui devrait paraître dans les jours à venir : un déséquilibre des pouvoirs au sein de l'Union européenne n'est nullement souhaitable ; il faut au contraire veiller à ce que chacune des institutions soit suffisamment puissante.
Quant aux prévisions de M. Almunia, le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, je rappelle que nous avons en matière de dette et de déficit des objectifs clairs, qui ont été détaillés par mon collègue Eric Woerth. Pour ce qui est de la croissance, nos prévisions sont effectivement différentes de celles de la Commission, mais j'observe que les économistes et les chefs d'entreprise sont bien incapables de prédire si la crise de grande ampleur qui nous affecte sera brève ou de longue durée. S'agissant des capacités de refinancement, les différences de notation entre les Etats posent effectivement problème ; les écarts de spread entre les taux des pays suscitent des tensions, mais je ne pense pas qu'elles puissent conduire à l'éclatement de la zone euro.
J'en viens à la récente crise gazière. Nous sommes déjà les champions des grandes déclarations en matière de sécurité énergétique – l'Union européenne a adopté un très beau texte à ce sujet en 2006 –, mais il faut que nous parvenions à nous entendre sur des décisions concrètes de financement et d'investissement.
En premier lieu, je note que l'objectif de réaliser un maillage garantissant l'approvisionnement des pays d'Europe centrale fait l'objet de l'unanimité : on ne peut pas accepter que la Bulgarie, la Slovaquie ou encore la République tchèque continuent à souffrir des difficultés que nous avons très récemment constatées. Comme il est extrêmement difficile de « tirer » des tuyaux en direction de ces pays, il faut suivre des voies plus longues et moins sûres, posant certains problèmes techniques. Il est en particulier très complexe de substituer au gaz d'origine russe du gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance d'Algérie.
Nous devrons par ailleurs multiplier le nombre des voies de transit, tout en ayant conscience que l'acheminement par l'intermédiaire de l'Ukraine restera essentiel, quand bien même les projets Nord Stream, South Stream et Nabucco auraient été réalisés : d'ici à 2020, nous aurons en effet besoin de 200 milliards de mètres cubes supplémentaires par an, soit précisément la capacité des nouveaux réseaux.
Une troisième priorité concerne la diversification énergétique. A ce propos, je rappelle que bien des États sont aujourd'hui demandeurs d'investissements nucléaires rapides, qui pourraient notamment être réalisés par des technologies développées en France. C'est déjà le cas de la Slovaquie et de l'Italie, et je suis persuadé que l'Allemagne évoluera également en ce sens après les élections législatives du mois de septembre prochain.
Au sujet de l'Allemagne, je ne reviendrai pas sur la délicate question de la mémoire ; je répète en revanche, à l'intention de M. Myard, que les écarts actuels de crédit entre les pays de la zone euro ne devraient pas conduire au pire. Nous travaillons sur diverses solutions, qui devraient pouvoir être appliquées dans les semaines à venir.
Pour répondre à M. Loncle sur la question de la relation franco-allemande, je ne crois pas en l'efficacité des plans de relance grandioses ; je me fierais davantage à des projets très concrets, notamment dans le domaine de l'industrie automobile. La France et l'Allemagne ont en effet des intérêts communs dans ce domaine.
Afin d'être tout à fait clair, je précise que tous les constructeurs actuels ne seront probablement plus présents sur la scène européenne dans les années qui viennent : des regroupements, voire des fusions, devraient en effet se produire ; nous devons nous y préparer. Certaines synergies entre la France et l'Allemagne me semblent notamment plus pertinentes que celles dont la presse se fait souvent l'écho. Il faudra agir vite, car le temps est compté. Je pense notamment à BMW, dont le développement ne pourra pas continuer à reposer sur la seule base des grosses motorisations et des grandes berlines : il faudra mettre au point des moteurs destinés à des véhicules de plus faible cylindrée, émettant moins de CO2. Or BMW n'aura pas les moyens financiers d'y parvenir en restant isolé.
La sécurité énergétique est un autre domaine dans lequel nous pourrions également avancer. Même si la position de l'Allemagne n'a pas beaucoup évolué sur ce sujet, il y a aujourd'hui des discussions en cours.
La défense est un troisième sujet de travail qui s'offre à nous. Dans la perspective d'un retour de la France dans les structures intégrées de l'OTAN, nous pourrions notamment discuter avec nos partenaires allemands de nouvelles possibilités de coopération militaire.
En dernier lieu, il me semble que l'Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ) devrait être complètement refondé. C'est un sujet dans lequel je compte m'investir personnellement.
Quant au Conseil de l'Europe, sujet sur lequel M. Rochebloine m'a interrogé, je rappelle que je prévois de me rendre devant cette institution le 27 janvier prochain, à la suite de Bernard Kouchner. Ces visites sont des gestes politiques qui comptent.
Enfin, je trouve effectivement très regrettable que les partis français, de gauche comme de droite, continuent à considérer le Parlement européen comme un pis-aller pour ceux qui n'auraient pas obtenu de siège dans un cadre national. On ne peut pas continuer à demander un renforcement des institutions européennes sans faire preuve d'une plus grande cohérence dans ce domaine.