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Intervention de Jean-Ludovic Silicani

Réunion du 7 mai 2009 à 9h45
Commission des affaires économiques

Jean-Ludovic Silicani :

D'origine italo-corse, je suis né à Alger de parents instituteurs. Ma famille a quitté l'Algérie peu avant la décolonisation pour s'installer en Île-de-France. C'est sans doute de cette culture familiale que me vient mon profond attachement au service public.

Ma formation est à la fois scientifique – je suis ingénieur civil des mines –, économique – je suis titulaire d'un DEA de sciences économiques – et administrative et juridique, grâce à l'expérience que j'ai acquise à l'ENA et au Conseil d'État. Cette triple compétence me sera certainement très utile pour exercer dans de bonnes conditions la présidence d'une autorité comme l'ARCEP.

Mes activités professionnelles ont été nombreuses et variées, dans trois grands domaines.

Je suis passionné par la modernisation de l'État et des services publics. C'est ce qui m'a amené au Conseil d'État et au contrôle de légalité des activités de l'administration. De 1995 à 1998, j'ai été commissaire à la réforme de l'État, sous l'autorité de deux Premiers ministres – Messieurs Juppé et Jospin ; plus récemment, j'ai rédigé à la demande du Gouvernement, un Livre blanc sur l'avenir de la fonction publique, avant d'être membre de la commission présidée par Édouard Balladur sur la réforme des collectivités locales.

Dans le domaine de la culture et des médias, j'ai été directeur de l'administration générale au ministère de la culture de 1986 à 1991, sous l'autorité de deux ministres successifs – François Léotard et Jack Lang. À ce titre, j'ai participé à l'élaboration de la réforme de l'audiovisuel, qui a donné lieu à la loi de 1986, toujours en vigueur. En 1992 et 1993, j'ai été directeur général de la Bibliothèque nationale de France. Depuis 2001, je préside le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, mis en place par Catherine Tasca.

Dans le domaine économique et technologique, grâce à ma double formation d'ingénieur et d'économiste, j'ai été, dans les années 80, rapporteur au Comité de développement des industries stratégiques, puis conseiller juridique auprès du ministre de l'industrie et de la recherche, et directeur auprès du président de l'Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR).

En 2003, revenu au Conseil d'État, j'ai été rapporteur à la section des travaux publics de deux projets de loi importants, l'un portant sur la modernisation du service des postes et des télécommunications, l'autre sur les communications électroniques.

J'ai beaucoup appris de ma collaboration avec de nombreux partenaires et plusieurs ministres, de droite comme de gauche, et j'ai entretenu de bonnes relations avec chacun d'entre eux.

Je souhaite rappeler, par ailleurs, que les fameuses « autorités administratives indépendantes » sont avant tout des administrations de l'État. Indépendantes par rapport au Gouvernement, elles sont placées sous le contrôle du Parlement et du juge, et ne représentent nullement un quatrième ou un cinquième pouvoir.

En outre, toutes les activités économiques, y compris dans le cadre d'une économie de marché, nécessitent une régulation publique. Cela vaut pour toutes les activités concurrentielles, contrôlées notamment par l'Autorité de la concurrence ou l'Autorité des marchés financiers, mais encore plus pour celles qui s'ouvrent à la concurrence. C'est le cas des secteurs de l'énergie, des postes et télécommunications, dans lesquels la régulation vise à assurer la constitution d'un véritable marché.

J'en viens à l'ARCEP.

Je commencerai par rendre hommage à Monsieur Jean-Claude Mallet pour le travail remarquable qu'il a accompli.

Quels seront les axes stratégiques et le mode de gouvernance de l'ARCEP au cours des prochaines années ?

Comme toute autorité indépendante, l'ARCEP est un organe des administrations publiques. À ce titre, elle contribue à la mise en oeuvre de politiques publiques, définies par le Parlement et le Gouvernement, dans trois secteurs : développement économique et emploi, défense des intérêts des consommateurs, aménagement solidaire et équilibré du territoire.

S'agissant du développement économique et de l'emploi, le secteur des communications électroniques et des services postaux représente un chiffre d'affaires compris entre 50 et 70 milliards d'euros par an, ce qui représente de 4 à 5 % du PIB. Ce secteur est concerné par deux grands chantiers, dans lesquels l'ARCEP a un rôle déterminant. Il s'agit tout d'abord de parvenir à une utilisation optimale des fréquences hertziennes. Ces fréquences représentent un bien rare, qui appartient au domaine public : il convient donc de les utiliser de façon optimale. Le passage de la télévision analogique à la télévision numérique ainsi que la libération de fréquences par le ministère de la défense constituent des opportunités qu'il faut saisir. L'optimisation du dividende numérique ainsi obtenue nous permettra d'améliorer la qualité des émissions et de multiplier l'offre de services offerts par les opérateurs.

C'est donc dans ce cadre que doit être traitée la quatrième licence de téléphonie mobile. L'autorité de régulation ayant mené des études préalables, il appartient désormais au Gouvernement de fixer les conditions d'un appel d'offres et de fixer le prix. Lorsqu'il aura pris connaissance de l'évaluation complémentaire que va lui transmettre la Commission des participations et des transferts et pris sa décision, l'ARCEP lancera l'appel d'offres et désignera en toute impartialité l'opérateur qui obtiendra cette quatrième licence. Un paquet de fréquences fera l'objet d'un appel d'offres ultérieur, mais il sera vendu aux enchères. Cette méthode inédite demandera à l'ARCEP des efforts importants en termes d'ingénierie.

Un autre chantier important attend l'ARCEP avec le lancement du plan fibre optique. Cette technologie, véritable révolution économique et sociétale qui permettra à tous les ménages d'accéder un jour au très haut débit, représente un investissement de plus de 10 milliards d'euros. Le Conseil des ministres qui s'est tenu hier a décidé que la Caisse des dépôts mobiliserait 250 millions d'euros pendant trois ans pour équiper les zones susceptibles de ne pas bénéficier de la fibre optique en raison de la faible densité de leur population.

Il appartient à l'ARCEP d'établir, avant la fin du mois de juin, le cadre juridique du développement de la fibre optique et de fixer les conditions d'utilisation des technologies multifibre et monofibre sur l'ensemble du territoire – sachant que France Télécom soutient la technologie monofibre. C'est un enjeu important car, faute de sécurisation juridique, les opérateurs tarderont à développer le réseau de la fibre optique.

J'en viens à la défense des intérêts des consommateurs.

Certes, le développement de la concurrence, en provoquant la baisse des prix, semble favorable aux consommateurs. Mais gardons-nous de faire uniquement confiance à cela !

Pour garantir aux consommateurs la qualité des services, la préservation de leur santé et les meilleurs prix, l'ARCEP dispose de moyens d'action puisqu'elle peut mettre en demeure les opérateurs de remplir leurs obligations en la matière et, le cas échéant, prononcer des sanctions. Si je suis nommé président de l'ARCEP, j'y veillerai scrupuleusement.

La santé des consommateurs est un sujet extrêmement sensible. À la suite de la table ronde qui s'est tenue le 23 avril autour de la ministre de la santé, les membres du Grenelle des ondes se sont réunis hier. Il est important d'écouter les spécialistes, médecins et scientifiques. Dans leur majorité, les études parues sur la question ne font pas état de véritables risques concernant les antennes-relais, mais elles se montrent moins catégoriques pour les téléphones portables. Si des décisions sont prises dans le cadre du Grenelle des ondes, l'ARCEP les mettra en oeuvre dans la mesure où cela relèvera de sa compétence. L'utilisation optimale du spectre et l'augmentation de la puissance des émissions, outre qu'elles amélioreront la couverture du territoire, devraient permettre de réduire la puissance des ondes émises par les téléphones portables, que certains soupçonnent de nocivité.

En matière de tarifs postaux, il faut offrir les meilleurs prix aux consommateurs. À cet égard, l'ARCEP est chargée de fixer un cadre pluriannuel aux tarifs postaux. Certains économistes prévoient une inflation nulle en 2009. L'ARCEP rencontrera les représentants de La Poste pour que cette nouvelle donne économique se traduise dans les tarifs postaux. Si je suis nommé président, j'en discuterai avec le président de La Poste.

S'agissant de la téléphonie, l'ARCEP a pour mission d'orienter les prix vers les coûts, c'est-à-dire à la baisse, en particulier les numéros surtaxés (services à valeur ajoutée), qui sont manifestement excessifs.

J'en viens à la fonction de régulation de l'ARCEP.

S'il existe plusieurs autorités indépendantes, c'est que leurs rôles sont différents. L'Autorité de la concurrence est chargée de garantir une concurrence maximale, tandis que l'ARCEP, plus sectorielle, recherche la concurrence optimale. La première, qui vise uniquement la baisse des prix, suppose un nombre très élevé d'opérateurs. Mais, si les prix sont trop bas, les opérateurs cessent d'investir et le marché en souffre. L'ARCEP doit donc trouver un niveau de concurrence raisonnable, susceptible de préserver les intérêts des consommateurs tout en permettant le développement d'un réseau d'opérateurs compétitifs et innovants.

L'aménagement solidaire et équilibré du territoire constitue la troisième politique publique dans laquelle l'ARCEP joue un rôle essentiel. L'Autorité doit notamment s'assurer que les engagements pris par les opérateurs de téléphonie mobile sont honorés. Ce n'est pas le cas : l'ARCEP devra donc, dans les plus brefs délais, les amener à tenir leurs engagements, en particulier ceux relatifs à la troisième génération. Pour cela, la loi donne à l'ARCEP la possibilité de mettre les opérateurs en demeure, d'appliquer des sanctions conditionnelles, ou encore de ne pas renouveler leur licence.

Le plan fibre optique permettra, à terme, à tous les ménages de bénéficier du haut débit, et plus tard, du très haut débit. Si nous voulons que les PME s'installent dans les zones rurales, il faut leur offrir un accès Internet de qualité.

S'agissant de La Poste, l'ARCEP doit notamment garantir le respect du service universel et l'accessibilité au service postal.

Le mode de gouvernance de l'ARCEP passe par la collégialité. Celle-ci a été renforcée par Jean-Claude Mallet. Si je suis nommé, j'agirai de la même façon. Mon expérience au Conseil d'État m'incite à tenir compte des expertises et des compétences les plus diverses, et à travailler de façon collégiale. Cela dit, la collégialité ne doit pas nous empêcher de prendre une décision. Les autorités indépendantes, plus que les administrations classiques, consultent largement avant de prendre leurs décisions et les expliquent de façon approfondie. L'ARCEP justifiera ses décisions auprès des opérateurs, des populations et des élus. J'ajoute que le Comité des réseaux d'initiative publique, mis en place au sein de l'ARCEP, associe régulièrement les élus locaux à ses travaux.

Vis-à-vis de ses partenaires du secteur privé, l'ARCEP conserve son indépendance mais s'attache à comprendre leurs préoccupations, dans le respect de l'intérêt général et en accord avec les autres institutions publiques. Le Parlement a une place importante au sein de l'ARCEP puisqu'il nomme quatre de ses membres et auditionne son président, avant sa nomination et, après celle-ci, dès lors qu'il le souhaite. Je me tiens donc à votre entière disposition pour répondre à vos questions, vous expliquer ce que nous envisageons de faire et vous rendre compte des engagements que nous prenons. L'ARCEP travaille également en amont avec le Gouvernement. Elle entretient de bonnes relations avec les juges, administratifs et judiciaires, et avec les autres autorités indépendantes, en particulier l'Autorité de la concurrence et le Conseil supérieur de l'audiovisuel.

L'ARCEP entretient également des relations étroites avec les institutions européennes, puisque le Gouvernement a la sagesse de l'associer à l'élaboration des projets relatifs aux directives et aux règlements européens.

Si je suis amené à présider cette instance, je veillerai à ce qu'elle exerce pleinement toutes ses compétences.

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