Je tiens à préciser d'emblée qu'ayant en tout et pour tout cinq semaines d'ancienneté dans le groupe, dont une semaine mobilisée par le salon du Bourget, je suis loin d'en avoir une connaissance exhaustive et que je ne serai donc certainement pas en mesure de répondre aujourd'hui à toutes vos questions.
Avec un chiffre d'affaires de 12,7 milliards d'euros, un effectif de 68 000 personnes et une présence dans 50 pays, Thales est l'un des grands groupes français et des leaders mondiaux des systèmes électroniques. Il est présent sur trois marchés principaux : la défense, qui compte pour la moitié de son chiffre d'affaires, l'aéronautique et l'espace, qui en représentent un quart, et, pour le dernier quart, la sécurité – notamment la sécurité civile, la sécurité des transports terrestres ou celle des réseaux de communication.
Thales est à la fois un équipementier, avec des activités telles que la radio tactique dans le domaine militaire ou l'avionique militaire et civile, et un grand systémier. Je découvre ainsi que le groupe est très présent sur le marché des très grands logiciels. Ainsi, Thales Raytheon Systems, la joint-venture conclue avec les Américains, développe actuellement le futur système de contrôle du trafic aérien militaire de l'OTAN, l'« Air Command and Control System Level of Capability », ou ACCS LOC 1, dont certains logiciels comptent près de 13 millions de lignes de code, ce qui les place parmi les plus gros logiciels développés par des sociétés.
Le spectre de métiers de Thales est donc très large, avec l'électronique – hardware ou software – pour dénominateur commun.
De par son histoire, le groupe est également très international, la moitié de ses effectifs étant situés à l'étranger, avec plus de 8 000 personnes en Grande-Bretagne, 4 500 en Allemagne, 3 600 en Australie – où Thales est l'un des deux grands industriels de défense –, plus de 2 600 en Italie et environ 2 000 respectivement aux Pays-Bas, en Espagne et aux États-Unis.
Il s'agit enfin d'un groupe très technologique, qui investit près de 20 % de son chiffre d'affaires en recherche et développement et dont le personnel est composé pour près de 60 % d'ingénieurs et de cadres, dont 25 000 ingénieurs dans la recherche & développement, parmi lesquels 10 000 ingénieurs logiciels. Ces chiffres m'ont frappé dès mon arrivée : à côté des produits, la structure humaine du groupe est un actif formidable.
Par ailleurs, l'actionnariat de l'entreprise a évolué, le groupe Dassault remplaçant Alcatel-Lucent dans le rôle d'actionnaire industriel au sein du pacte qui contrôle le groupe Thales. L'État et Dassault détiennent 53 % du capital de ce groupe, 27 % pour l'État et près de 26 % pour Dassault. En outre, l'État bénéficiant de droits de vote doubles, le pacte dispose donc de 60 % des droits.
Du point de vue de Thales, cette évolution est de nature non seulement à souder davantage des alliances stratégiques entre les deux groupes sur des programmes communs, comme celui du Rafale, mais aussi à ouvrir la voie vers des recherches de coopération et d'optimisation des relations dans des domaines plus nouveaux, comme celui des drones. En effet, Dassault et Thales souhaitent faire valoir dans l'avenir leurs compétences en matière de systèmes de mission dans ces nouvelles technologies, qu'il s'agisse des systèmes de préparation de missions pour avions militaires ou des simulateurs d'avions militaires. Dassault est également présent dans l'aéronautique civile avec son activité d'avions d'affaires, qui représente plus de la moitié de son chiffre d'affaires, et Thales dans l'avionique pour avions civils, y compris d'affaires. Il y a donc matière à des réflexions communes permettant à chacune des deux parties d'optimiser ses propres produits et j'ai grande confiance dans le potentiel d'appui réciproque que possèdent les deux sociétés.
Le management semble désormais stabilisé et l'entreprise est en bonne santé. Cependant, des progrès sont toujours possibles et tout manager doit d'ailleurs se demander en permanence si le mode de management est en phase avec l'évolution des marchés. Pour ma part, je me pose des questions et associe mon équipe à cette réflexion, dans la perspective d'avoir fait le tour de la question d'ici à la fin de l'année. De même, je n'ai pas de consignes particulières en matière de stratégie et m'inscris naturellement dans la continuité de celle de mon prédécesseur – sous réserve bien sûr des remises en cause qui pourraient être rendues nécessaires par l'environnement. Là encore, je me suis donné jusqu'à la fin de l'année pour apprécier ce qu'il convient de faire.
Certains sujets sont déjà sur la table et seront étudiés dans les prochains mois, comme l'éventuelle montée en puissance de Thales au capital de DCNS ou d'éventuelles discussions avec Safran en vue d'ajuster les frontières entre des activités relevant d'un même domaine.
Pour ce qui est des perspectives à l'international, la défense – qui représente, je le rappelle, 50 % du chiffre d'affaires du groupe – semble présenter une dynamique favorable par contraste avec l'aéronautique civile ou d'autres services à l'industrie, où les effets de la crise se font sentir. Cette dynamique est sensible en France grâce à la loi de programmation militaire et au plan de relance, ainsi qu'à l'ampleur des engagements pris sur des programmes majeurs. Elle est également sensible à l'exportation, où se manifeste assez nettement l'effet d'entraînement, résultant de l'appui apporté par le Gouvernement. De grands prospects ont été identifiés, mais ils restent à conclure – ce qui rend délicat de les évoquer plus en détail ce soir.