Je suis heureux de la méthode retenue – table ronde, groupe de travail, comparaisons internationales,... – et de l'accord des professionnels pour reconnaître qu'après vingt-sept ans de bons et loyaux services, la loi Lang mérite bien une évaluation. C'est là un langage raisonnable que nous n'avons malheureusement pas toujours entendu ces deux derniers mois. Cette loi n'est pas une vache sacrée, et je remercie les professionnels de l'avoir reconnu.
La loi Lang, que j'ai lue, il est vrai, avec des yeux de néophyte – mais le rôle des parlementaires n'est-il pas de relayer les questions d'ordre général que nos compatriotes se posent ? – dispose, en son article 5 : « Les détaillants peuvent pratiquer des prix inférieurs au prix de vente au public mentionné à l'article 1er sur les livres édités ou importés depuis plus de deux ans, et dont le dernier approvisionnement remonte à plus de six mois ». Comment aujourd'hui cette dernière condition pourrait-elle s'appliquer alors que les libraires, a-t-on fait remarquer, travaillent à flux tendus ? Cette disposition a pour le moins vieilli.
Quant aux 16 ou 20 % d'invendus, pourquoi ne prévoirait-on pas des soldes alors qu'il en va ainsi depuis toujours dans le commerce ? C'est d'ailleurs à partir de cette réflexion que nous avons bâti notre amendement. À cette interrogation, le directeur du livre à la Fnac répond que la baisse du prix d'un invendu n'a pas de conséquence sur la vente du livre en question – c'est ce que j'appellerai l'élasticité entre prix de vente et vente. C'est vrai s'agissant des livres d'actualité : si j'écris un livre intitulé Comment rebâtir la France ? Il n'y aura pas grand monde pour l'acheter, d'autant que l'offre en la matière ne manque pas, et la mise au pilon s'imposera. En revanche, concernant les beaux livres, qui coûtent souvent très cher, un ouvrage sur le rugby, par exemple, trouvera toujours preneur s'il est soldé. L'élasticité est donc un problème plus subtil qu'on ne le croit et le débat doit également porter sur ce point.
Quant aux 16 ou 20 % de retours, il s'agit là du pourcentage le plus élevé de tous les secteurs d'activité. On parle de bouger les choses en la matière. Tant mieux. Mais encore faut-il bouger sérieusement, d'autant qu'en termes écologiques – entre l'impression, les transports aller et retour, la mise au pilon – le bilan n'évitera pas des questionnements.
Pour revenir par ailleurs sur l'exemple de En attendant Godot, si le prix du livre a pu jouer, sa réussite après un lent démarrage est surtout due au fait qu'il s'agit d'une oeuvre magnifique, ce qui explique qu'elle ait trouvé son public.
Comme pour toute la culture, le vrai sujet, en fait, tient à l'Internet. Si le livre a mieux résisté à cet égard que le disque c'est parce qu'il est portable – il se range n'importe où. Le livre est un outil beaucoup plus moderne qu'un disque, et c'est pour cette raison qu'il résiste mieux à la vague Internet, et non forcément du fait de la loi sur le prix unique, qui n'est qu'un élément parmi d'autres. Ce n'est d'ailleurs également qu'un élément, celui des soldes, qui a fondé notre raisonnement. Aussi, qu'il nous soit fait crédit de penser que nous aimons aussi la lecture et les lecteurs.
Pour être maire d'Agen et non élu du sixième arrondissement de Lyon, j'ai été particulièrement intéressé par les propos de M. de Montchalin concernant l'aménagement du territoire. Aussi la vraie question qui se pose est-elle de savoir comment Internet va percuter dans les années qui viennent l'économie du livre. À se crisper sur la loi Lang, on peut craindre en effet qu'elle ne devienne une ligne Maginot alors que la guerre est ailleurs, à savoir sur l'adaptation de l'industrie du livre à Internet.