La loi de 1981 et, plus généralement, la politique du livre, ont fait l'objet ces dernières années d'un état des lieux. Je citerai notamment le rapport de la mission Livre 2010, dirigée par Sophie Barluet, qui a interrogé plus de 200 professionnels à l'occasion de 50 heures de débat, le rapport précité de M. Michel Herbillon, le rapport précité de M. Jacques Valade, le rapport sur la librairie indépendante, effectué par Antoine Gallimard à la demande de Christine Albanel, ainsi que l'étude sur la librairie indépendante réalisée conjointement par le Syndicat de la librairie française, le Syndicat national de l'édition et la direction du livre et de la lecture du ministère de la culture et de la communication.
Aucun des auteurs de ces cinq rapports n'avait à se pencher sur la nécessité ou non de remettre en cause la loi de 1981 au moyen de la baisse des prix, mais plutôt d'approfondir l'esprit de la loi en défendant plus spécifiquement ce qui a été appelé la libraire indépendante de référence, car, dans le monde du livre, l'intellectuel et l'économique sont toujours intimement liés : on ne trouve pas, d'un côté, un monde d'intellectuels déconnectés des réalités économiques et, de l'autre, des économistes qui n'ont aucun goût pour les choses intellectuelles. La péréquation, c'est justement la rencontre entre un développement économique et une qualité.
Pour les libraires, le conseil prend du temps et a un coût. C'est ce qui explique que leur marge bénéficiaire nette s'établisse à 1,4 ou 1,6 % selon les estimations, soit, en moyenne – car c'est visiblement moins à Yvetot ! – 1,40 euro sur 100 euros de chiffre d'affaires. Or pour être défendu dans la durée, le livre de fond, qui représente aujourd'hui une très grande part du marché du livre, a besoin de passeurs pour continuer à être porté. Pour ne prendre qu'un exemple, ce n'est qu'après une année, pendant laquelle les éditions Galaade ont vendu moins de 500 exemplaires du livre de l'auteur américain Irvin Yalom, qui avait bénéficié d'une subvention du Centre national du livre (CNL) pour être traduit, que ce livre a commencé, grâce au travail de conseil des libraires et à des relais éditoriaux dans la presse, à développer sa propre économie, à être bénéficiaire, à être édité en poche et à trouver place dans les bibliothèques où les publics les plus démunis peuvent désormais y avoir accès gratuitement.
La politique du livre qui a été définie par les gouvernements successifs que j'ai eu l'honneur de servir tend bien à défendre la librairie indépendante. C'est ainsi que le Plan Livre, présenté par la ministre de la culture et de la communication en novembre dernier, prévoit l'augmentation des aides accordées par le CNL aux libraires, en lien avec la création d'un label pour les libraires indépendants de référence, délivré par le CNL – le décret est en cours d'examen au Conseil d'État –, ainsi que l'exonération, proposée par le rapport Gallimard et votée depuis dans le cadre de l'article 70 de la loi de finances rectificative pour 2008, de la taxe professionnelle pesant sur ces librairies.