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Intervention de Matthieu de Montchalin

Réunion du 2 juillet 2008 à 10h00
Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Matthieu de Montchalin, libraire à Rouen :

Le travail que réalisera le Conseil du livre nous permettra certainement de gagner en objectivité. Comme toujours, les chiffres sont complexes et l'on peut les interpréter de différentes façons, ce qui n'empêche pas de les mettre à contribution pour faire émerger un certain nombre de réalités.

Je voudrais pour ma part vous parler d'aménagement du territoire. C'est un élément que je n'ai pas vu apparaître dans le débat sur le prix du livre mais auquel les députés, dont la circonscription n'est pas nécessairement urbaine ou universitaire, devraient être sensibles. Outre ma librairie de Rouen, j'ai ouvert en 2000 une librairie à Yvetot, chef-lieu de canton situé à mi-chemin entre Le Havre et Rouen et à plus de trois quarts d'heure de trajet de l'une et l'autre ville. La ville compte 12 000 habitants et 6 600 enfants y sont scolarisés. La dernière librairie avait fermé quinze ans auparavant. Aujourd'hui, ma librairie réalise 600 000 euros de chiffre d'affaires uniquement avec des clients au comptant, c'est-à-dire sans bénéficier de marchés publics. Elle est pourtant soumise à la concurrence d'un « espace culturel » du centre Leclerc d'Yvetot, qui vend beaucoup de best-sellers, et à celle d'un magasin Cultura à proximité. Elle a donc trouvé des clients qui achètent des livres de fonds et pas seulement des best-sellers.

M. Xavier Garambois a estimé que le marché britannique se porte bien. Il y a plus de titres publiés et plus d'éditeurs, dit-il. Mais y a-t-il plus de libraires ? Surtout, quelle est la répartition géographique des librairies ? En trouve-t-on dans les petites villes ? On m'objectera peut-être que l'Internet permet de se faire livrer rapidement à domicile. Mais tout lecteur sait bien qu'il peut lui prendre l'envie de feuilleter des livres sur la table d'une librairie, sans savoir à l'avance celui qu'il choisira. Cela, aucun système Internet au monde ne le permettra.

L'Internet offre un service et les libraires n'y sont pas hostiles, contrairement à ce que l'on a dit trop souvent. Nous souhaiterions simplement qu'il y règne le même esprit que dans la vie réelle : que les propositions soient multiples et que les clients puissent faire leur choix sans être obligés de passer par un ou deux acteurs dont le poids financier aurait écrasé tous les autres, interdisant l'entrée de certains petits libraires sur ce marché. Or, sur l'Internet, les investissements sont tels que l'on ne peut tenir face aux multinationales, notamment Amazon, si l'on ne dégage pas de marges.

Si l'on modifiait certains éléments de la loi Lang, la librairie d'Yvetot disparaîtrait : elle fait peut-être 600 000 euros de chiffres d'affaires mais seulement 25 euros de bénéfice. Les librairies implantées dans de petites villes sont fragiles. Il serait bon que la représentation nationale prête attention à ces milliers de points de vente répartis sur le territoire.

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