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Intervention de Benoît Bougerol

Réunion du 2 juillet 2008 à 10h00
Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Benoît Bougerol, président du Syndicat de la librairie française :

Mes quelques milliers de confrères et moi-même nous sentons également sur la sellette, ainsi que tous nos collaborateurs – la librairie représente en effet 13 000 salariés hors grandes surfaces. À ma connaissance, aucun libraire n'a été consulté avant la présentation de ces amendements. En tout cas, le Syndicat de la librairie française ne l'a pas été. Nous avons donc eu peur. Il n'est toutefois pas dans nos habitudes de prononcer un mot plus haut que l'autre : s'il y a eu des réactions fortes, elles ne sont pas le fait du monde de la librairie. Les librairies indépendantes, souvent qualifiées de maillon faible de la chaîne du livre, avaient pourtant tout lieu de s'inquiéter plus que les autres.

L'état des lieux et la réflexion de fond dont le Conseil du livre a chargé M. Hervé Gaymard seront utiles, même s'ils font suite à de nombreux autres travaux. Le travail considérable de Sophie Barluet s'appuie sur d'autres études. Celle que le Syndicat national de l'édition, la direction du livre et le Syndicat de la librairie française (SLF) ont consacrée aux librairies indépendantes a abouti à un projet repris à l'article 70 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007. Il faut aussi mentionner la mission de M. Antoine Gallimard, l'avis budgétaire de M. Michel Herbillon au nom de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2006, qui avait pour thème le soutien au livre et à la lecture, et le rapport d'information de M. Jacques Valade au nom de la commission des affaires culturelles du Sénat sur l'avenir du secteur de l'édition. Il existe donc beaucoup de matière. On peut, bien entendu, aller plus loin, mais il faut alors entendre tous les acteurs, notamment les libraires, et non une seule enseigne.

La loi du 10 août 1981 sur le prix unique du livre, votée à l'unanimité, est une loi de concurrence. Elle est en cela l'aboutissement des grands débats du XIXe siècle sur la liberté de la presse et la liberté d'édition et de commerce du livre. Aux termes de cette loi, tout le monde peut vendre des livres. Il n'est nul besoin de diplôme, d'autorisation ou de brevet. Aucun critère économique n'est exigé : une pharmacie ou une jardinerie peut vendre des livres, tout comme un site Internet ou une grande surface.

La concurrence est donc considérable. Elle n'est régulée que par un élément, le prix unique du livre, qui est en quelque sorte le fil tendu du funambule. La loi de 1981 est une loi d'équilibre. Lorsque l'équilibre est fragile, donner un petit coup sur le fil ou le couper revient au même : le funambule tombe. Nous sommes dans ce cas de figure. Modifier le délai d'autorisation des rabais ou donner à un site Internet la possibilité de proposer des réductions de 30 ou 40 % sur tous les ouvrages du fichier exhaustif du livre qui auraient plus d'un ou deux ans – comme l'a fait Amazon aux États-Unis pendant des années, en proposant 40 % de remise et en faisant 40 % de perte –, c'est aboutir rapidement à une déstabilisation générale.

La loi instaure également une très forte concurrence sur les prix qui se joue non pas entre les détaillants, mais entre les éditeurs. Avant de publier un livre et de fixer son prix, l'éditeur observe très précisément ce que font ses concurrents. C'est vrai pour les dictionnaires, les annales d'examens, les livres scolaires, les livres pratiques ou techniques, mais aussi pour la littérature, qui est pourtant le marché de l'offre par excellence. Il existe en effet des seuils psychologiques que l'éditeur se gardera de dépasser – 20 euros pour un livre de 250 pages, par exemple –, même s'il s'agit d'un petit tirage difficile à vendre. En outre, les éditeurs ont déjà le droit de solder leurs livres pour peu qu'ils respectent l'égalité entre les détaillants. S'ils pouvaient vendre à bas prix un livre qui ne trouve pas acheteur au lieu de l'envoyer au pilon, ils le feraient donc.

Rappelons enfin que le réseau des bibliothèques publiques est très développé en France. De ce fait, la question de l'accès au livre n'est pas au premier chef une question de pouvoir d'achat. Il s'agit plus de faire face à la concurrence d'autres activités dans le temps consacré aux loisirs, que ce soit les jeux vidéos, la télévision ou la randonnée…

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