Madame la ministre, comme nous l'avons déjà dit lors de son examen, la loi de modernisation de l'économie, loi de dérégulation, est à contretemps des besoins dans la situation de crise que nous connaissons. Les fournisseurs des grandes surfaces, qu'ils soient transformateurs de produits agricoles ou petits industriels, s'en sont d'ailleurs rendu compte.
Quant au statut de l'autoentrepreneur, il ne suffit pas de donner une bouée à quelqu'un en lui disant qu'il peut prendre la mer et qu'il pourra toujours s'accrocher à un bateau. Nous l'avons dit, ce dispositif aura du succès et les autoentrepreneurs seront des centaines de milliers, car ce statut peut apparaître comme la seule solution dans une marée de désespoir. Nous contestons toutefois son caractère pérenne, car il devrait être transitoire pour assurer le passage à un autre statut. Du reste, le fait de permettre le cumul du statut d'autoentrepreneur avec un salaire ou une retraite montre bien qu'il ne s'adresse pas seulement à ceux qui veulent créer une entreprise. Il crée en outre une concurrence déloyale, qui suscite une vive opposition de la part de l'ensemble des chambres des métiers et dont nous mesurerons plus tard les effets collatéraux. Aujourd'hui, il s'agit de créations d'entreprises mais, demain, il s'agira de fermetures.
Votre plan de relance a eu des effets positifs en matière de trésorerie. En revanche, la relance de la consommation, qui est une solution importante, paraît un peu « petit bras ». Les quelques mesures que vous avez annoncées ne nous ont guère rassurés et sont d'ailleurs dérisoires par rapport à l'augmentation du salaire de certains grands patrons, des stock-options ou des retraites chapeaux.
Je m'interroge sur l'absence de volontarisme du Gouvernement face à l'« effet Obama ». Quel est votre sentiment sur les mesures prises par les États-Unis – pays que vous connaissez bien et qui est parfois cité comme modèle –, beaucoup plus coercitives que celles prises dans notre pays puisqu'elles consistent notamment à taxer les grandes entreprises, à bloquer les rémunérations et à contrôler les banques ?
Nous devrions également analyser ensemble, et vous êtes la mieux placée pour le faire, la réalité de la perte des emplois industriels et des industries, filière par filière. En effet, des filières entières vont disparaître, avec la duplicité et la complicité de chefs d'entreprises qui tirent parfois prétexte de la crise pour fermer leurs entreprises. Certains, dans le secteur de la chimie notamment, ne veulent pas affronter l'application du programme REACH, d'autres, sous-traitants de groupes aujourd'hui fragilisés, en profitent pour fermer leurs entreprises parce qu'ils ont plus à gagner dans d'autres secteurs – je l'ai observé à Grenoble à propos de Caterpillar, et mes collègues pourraient citer d'autres exemples. Les quotas de CO2 et la question de l'énergie incitent aussi certains à cesser leur activité en en faisant porter la responsabilité à la crise. Disposez-vous d'instruments permettant de mesurer ce phénomène ? Si celui-ci se poursuit, le redémarrage sera difficile après la crise, car un trop grand nombre d'entreprises auront fermé.
La suppression de la taxe professionnelle inquiète les collectivités locales, qui renoncent à leurs investissements d'infrastructures et d'équipements publics, ce qui a des conséquences pour les entreprises du BTP. L'initiative du Président de la République en la matière est une mesure de contre-relance.
Pour ce qui concerne les hedge funds, aucune mesure n'a été prise à l'échelle européenne pour assainir la situation. Nous souhaiterions connaître votre sentiment à ce sujet, qui nous préoccupe beaucoup compte tenu du rôle que ces fonds sont encore amenés à jouer dans notre industrie.
Nous souhaiterions également que vous puissiez nous éclairer sur les grandes manoeuvres en cours dans le domaine de l'énergie, notamment autour de l'entreprise Areva, l'un de nos joyaux industriels. Il y va en effet de l'avenir énergétique de l'Europe et du pays, ainsi que de celui de grandes entreprises qui tiennent jusqu'à présent le cap d'une croissance annoncée et durable.