André Flajolet et André Chassaigne ont évoqué l'attractivité de la médecine générale. Le médecin généraliste étant l'organisateur et le pilote des soins ambulatoires, nous avons voulu rénover profondément la filière universitaire de médecine générale. Vous avez ainsi adopté, le 8 février 2008, un statut universitaire des personnels enseignants titulaires et non titulaires de médecine générale. La commission d'intégration est en cours de constitution pour la nomination des premiers professeurs à la rentrée 2009-2010. Depuis l'année universitaire 2007-2008, 40 postes de chefs de clinique de médecine générale ont été créés, dont 20 redéployés à partir des autres spécialités. Les candidatures sont en cours.
Un projet de décret définira les modalités de l'activité libérale, de préférence en cabinets de groupe pour les professeurs et maîtres de conférence, exclusivement selon un mode regroupé dans ces structures pour les chefs de clinique comprenant au moins un médecin généraliste. Par dérogation, il sera possible aux chefs de clinique d'exercer la première année de leur activité de soins sous forme de remplacement dans un lieu unique.
La dernière loi de financement de la sécurité sociale a institué un contrat URCAM spécifique aux enseignants de médecine générale, qui officialise, après une évaluation jugée positive par les intéressés, le contrat transitoire mis en place à la rentrée 2007.
Notre politique de revalorisation de la filière universitaire de médecine générale s'imbrique parfaitement dans la stratégie du Gouvernement en matière de démographie médicale.
Sur la question de la démographie médicale et de l'implantation sur un territoire d'une offre de soins de premier recours, médicale et paramédicale, adaptée aux attentes des jeunes, j'aime citer cette phrase d'un jeune médecin, qui résume parfaitement les changements de la médecine de premier recours : « Mon père avait peur de voir un médecin s'installer à côté de chez lui ; moi, j'ai peur que le médecin installé à côté de chez moi ne parte ! »
Mon action repose sur un faisceau de mesures cohérentes. Quelles que soient les modalités de régulation envisagées – incitation ou coercition –, on ne fera pas l'économie de cette réflexion sur l'organisation de ce qui représente la moitié de l'offre de soins.
Premier axe : la formation des médecins en fonction des besoins de chaque région et de la population, afin de rééquilibrer les flux de spécialistes dans les régions. Sachant que 70 % des jeunes s'installent dans la région où ils ont fait leurs études, on peut faire jouer en amont un levier efficace.
Deuxième axe : la définition d'un schéma régional d'organisation des soins ambulatoires, véritable schéma d'aménagement de l'offre de soins sur le territoire régional. Des expériences menées en Mayenne et en Basse-Normandie, en concertation avec les professionnels, les patients et les élus, ont ainsi permis de faire converger les financements et les subventions vers des projets opérationnels.
Une information des jeunes professionnels sur tous ces mécanismes d'incitation est vraiment nécessaire. L'Agence régionale de santé se comportera comme un guichet unique d'aménagement du territoire en matière médicale. Il faut un schéma régional car les régions dites « surdotées » peuvent comporter des zones de désertification. On dit toujours qu'il y a beaucoup de médecins en Provence-Alpes-Côte-d'Azur, mais l'arrière-pays niçois est « sous-doté » ! S'il n'y a pas assez de médecins dans le Nord-Pas-de-Calais, certains quartiers de Lille en ont suffisamment ! Une approche finement territorialisée est donc indispensable.
Troisième axe : l'incitation à l'exercice coordonné au sein de pôles ou de maisons de santé pour pérenniser une offre de soins de proximité et de qualité pour les malades et des professionnels.
Quatrième axe : la généralisation des coopérations entre les professionnels pour libérer du temps médical, mieux répondre aux besoins de la population et, ainsi, passer du modèle du médecin isolé, dont personne ne veut plus, à une présence sanitaire coordonnée.
Cinquième axe : l'organisation et la gestion de la permanence des soins, en cohérence avec l'urgence, au niveau de l'ARS.
Les négociations conventionnelles continuent et j'espère qu'elles aboutiront à des mesures de régulation adaptées, dans le droit fil de ce qui a été imaginé lors des états généraux de l'organisation des soins.
André Flajolet m'a posé des questions très précises sur l'activité libérale des médecins à l'hôpital. Les hôpitaux publics comptent 37 000 médecins hospitaliers, parmi lesquels 4 300 exercent une activité libérale, dont 1 600 en secteur 2 ou en dépassement d'honoraires. L'activité libérale a été instaurée par la loi Debré il y a maintenant cinquante ans, avec l'objectif de « garder les meilleurs » médecins à l'hôpital. Cela suscite régulièrement des interrogations et des critiques. La redevance versée par les praticiens qui exercent une activité libérale à l'hôpital public a pour but de rémunérer les ressources mises à disposition par l'hôpital. Un recours a été formé par le Syndicat national de défense de l'exercice libéral et par le Syndicat national de chirurgie plastique, et une décision du Conseil d'État en date du 19 juillet 2007 a indiqué que la redevance due par les praticiens libéraux ne devait pas être assise sur le tarif opposable mais bien sur les honoraires réellement perçus par ces praticiens dans le cadre de cette activité. Le nouveau dispositif a donc élargi l'assiette de la redevance, mais nous en avons légèrement diminué le taux afin que les médecins dont les taux de dépassement sont modérés ne soient pas pénalisés. Grâce à ce dispositif, seuls les médecins qui pratiquent des dépassements très élevés verront leur contribution fortement augmentée. Ces nouvelles dispositions s'inscrivent parfaitement dans la façon dont l'activité libérale doit être considérée à l'hôpital, dans le respect du tact et de la mesure.
Enfin, j'ai indiqué que, dans le cadre de l'urgence, les établissements privés qui participent à la permanence des soins devaient offrir aux malades un certain pourcentage de prestations à tarif opposable.
André Flajolet m'a aussi posé une question sur la coordination des agences régionales de santé, mais je n'ai pas réussi à savoir s'il regrettait, ou pas, que ne soit pas créée une Agence nationale de santé. (Sourires.)
En votant les lois de financement de la sécurité sociale, le Parlement organise des enveloppes financières, qui sont gérées par les organismes d'assurance maladie. De son côté, le gouvernement organise le système de santé en faisant voter des lois – comme celle-ci – d'organisation des soins. Ensuite, l'administration sanitaire – le bras armé – met en ordre ce que le gouvernement et le Parlement ont imaginé. L'Agence régionale de santé va unifier l'assurance et l'organisateur – le système ayant été jusqu'à présent« lobotomisé » ! Cela étant dit, il faut que le pilotage des organismes d'assurance maladie, d'un côté, et de l'administration sanitaire et sociale, de l'autre – puisque les ARS agiront en matière sanitaire, mais aussi sociale –, soit cohérent pour éviter tout dysfonctionnement. À cet égard, certains ont imaginé une agence nationale de santé. Je répète ce que j'ai toujours dit : je ne serai pas la ministre de la santé qui fermera le ministère de la santé. Or, instaurer une agence nationale, c'est donner les clés à un organisme qui n'est plus le ministère de la santé. J'ai donc proposé une solution pragmatique pour éviter tout risque de coordination « molle » : un comité de coordination des ARS, présidé par le ministre de la santé, vérifiera la cohérence du dispositif. Dans le projet, ce comité constitue le point de validation obligé de toutes les instructions concernant les agences régionales de santé, ce qui suppose une adaptation de l'organisation actuelle, mais sans la bouleverser. Je crois avoir trouvé la bonne réponse, mais la voie reste ouverte – si certains le souhaitent – à une évolution vers une organisation plus intégrée. Le pilotage pourrait ainsi être renforcé.
Monsieur Brottes, je ne peux pas laisser dire certaines choses. Je suis la fille de deux résistants qui ont participé à l'élaboration du Pacte de 1945, auquel je suis autant attachée que vous. Il n'est pas mis en pièces, mais renforcé. Puis-je rappeler que le taux de remboursement des prestations maladies est passé de 50 % en 1950 à 78 % aujourd'hui, qu'il n'a jamais régressé et que nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à être pris en charge dans le cadre de ce Pacte ? La France figure sur le podium des trois pays qui consacrent le plus d'argent à leurs dépenses de santé. Avec le maillage hospitalier le plus resserré au monde, nos dépenses hospitalières sont les plus élevées du monde, la prise en charge des dépenses de l'hôpital par l'assurance maladie s'élevant à 92 %. Depuis plusieurs années, notre système de santé solidaire offre une prise en charge de 77 % à 78 %, sans jamais régresser. Les systèmes de mutuelles et d'organismes complémentaires font monter ce taux de 12 %, avec une intervention massive de l'État à travers deux mécanismes : l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé – ACS, qui a permis d'augmenter considérablement les publics destinataires – et l'aide aux organismes complémentaires par 7 milliards de mesures fiscales. Notre couverture des dépenses de santé est donc la plus élevée du monde ! Voilà la vérité !
La permanence des soins souffre d'insuffisances, que nous connaissons et dénonçons. Certains travaux ont été réalisés à ce sujet, dont l'excellent rapport de Philippe Boënnec. Le coût de la permanence des soins par rapport au taux d'insatisfaction justifie vraiment que la gestion du risque et l'organisation des soins soient réunies dans une même main ! Dans le projet, la permanence des soins – sujet éminemment sensible pour la commission chargée des « territoires » – est une mission de service public assurée par les médecins libéraux et les établissements de santé et organisée par l'agence régionale de santé, après avis du représentant de l'État territorialement compétent. Celle-ci réunit en son sein les acteurs impliqués jusqu'à maintenant dans les CODAMUPSTS – comités départementaux de l'aide médicale urgente, de la permanence des soins et des transports sanitaires. Elle va ainsi gagner en souplesse et s'adapter aux spécificités locales. Il sera possible de s'affranchir du paiement à l'acte et de mettre en place des modes de rémunération forfaitaire. La responsabilité civile des professionnels libéraux participant à la régulation des appels téléphoniques sera couverte par la responsabilité administrative afin d'inciter les professionnels à participer à cette activité. Cette régulation devra se faire à partir d'un numéro d'appel national accessible sur l'ensemble du territoire, auquel pourront être associés, en fonction des besoins, d'autres numéros d'appel – comme SOS Médecins. Enfin, en cas de refus de déférer à des réquisitions, les pénalités seront augmentées afin de garantir à la population une réponse à ses besoins de santé –nous le verrons lors de la discussion, certains souhaitent une avancée à ce propos.
François Brottes a également abordé l'accès financier aux soins et les dépassements, sujets sur lesquels je me suis beaucoup impliquée depuis mon arrivée au ministère. Malgré nos efforts sur les mécanismes d'accès à la complémentaire santé, 7 % de la population ne bénéficie d'aucune couverture complémentaire, la moitié pour des raisons financières et l'autre moitié par choix personnel. Nous avons soutenu un double dispositif, la CMUC et l'ACS dont nous avons d'abord revalorisé le montant pour les plus de soixante ans. En 2007, le plafond de ressources a été augmenté. Depuis 2008, l'aide prend la forme d'un chèque. En outre, une information individuelle des bénéficiaires potentiels a été réalisée auprès des 360 000 titulaires isolés du minimum vieillesse et des 600 000 bénéficiaires de l'allocation logement. Ces efforts ont porté leurs fruits, puisque les bénéficiaires de l'aide à la complémentaire santé ont augmenté de 34,5 % depuis août 2007. Je suis favorable au développement de l'ACS. À cet égard, je soutiendrai l'amendement que souhaite déposer le président de la commission des affaires sociales : porter cette aide à 500 euros pour les plus de cinquante ans, permettrait d'augmenter de 120 000 le nombre de bénéficiaires.
Pour lutter contre les dépassements d'honoraires, nous avons mené une politique très résolue : transparence des tarifs ; information écrite préalable aux patients – mise en place il y a deux jours – ; sanction des dépassements contraires au tact et à la mesure et des dépassements illégaux ; promotion d'Infos soins, grâce à une plateforme, disponible en ligne et par téléphone, sur les tarifs des professionnels de santé, dont le champ a été étendu des consultations médicales aux actes dentaires et, depuis janvier 2009, aux actes techniques des médecins.
Un secteur optionnel est actuellement en cours de négociation, avec l'objectif de renforcer l'offre à tarif opposable. Je serai très vigilante sur ce point.
Quant aux franchises, elles n'ont pas eu d'effet dissuasif sur l'accès aux soins, comme l'a démontré le rapport que je vous avais promis et que j'ai remis en séance publique lors de la discussion du PLFSS.
Monsieur Chassaigne, ce projet n'entraîne pas la privatisation de la santé. Au contraire, il réaffirme le rôle de l'État en tant que garant de notre système de santé. Je remarque d'ailleurs qu'on me reproche à la fois, parfois dans une même phrase, de privatiser et d'étatiser !
J'ai voulu, par exemple, que les communautés hospitalières de territoire ne concernent que l'hôpital public, afin de préserver ce statut public auquel je suis attachée de toutes mes fibres. Ce que nous avons voulu dire, c'est que les établissements de santé peuvent être amenés à remplir des missions de service public – la santé de nos concitoyens relevant, par définition, d'une mission de service public. Ainsi, pour la première fois, un article de loi définit les missions que les établissements de santé, quels qu'ils soient, doivent remplir. Les missions des établissements de santé relevant du service public sont clairement identifiées. L'agence régionale de santé, par son rôle de pilote de l'organisation des soins et de garante de l'accès aux soins de la population, identifiera les territoires dans lesquels, en cas de carence ou d'insuffisance de certaines activités de soins, il convient de déléguer de telles missions à des établissements privés. Ces missions seront précisées dans le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens. Ainsi, l'article 1er du projet dispose que « lorsqu'une mission de service public n'est pas assurée sur un territoire de santé, le directeur général de l'agence régionale de santé désigne [l'] établissement de santé qui en [est] chargé ». Autrement dit, c'est seulement en cas de carence d'une telle mission dans un territoire de santé que l'ARS pourra demander à un établissement privé d'exercer une mission de service public.
Dans les missions de service public, figure aussi l'enseignement. Certains établissements privés sont des établissements de pointe et il peut être intéressant pour un étudiant d'y faire une partie de sa formation. Il est donc très important de pouvoir confier de telles missions à un établissement privé. Néanmoins, je le répète, cette participation à des missions de service public sera assortie de trois obligations : assurer la permanence des soins, accueillir les malades en très grande précarité – je pense aux titulaires de la CMUC et de l'AME – et offrir un pourcentage de prestations à tarif opposable qui sera négocié avec l'agence régionale de santé selon les besoins de la population.
Bref, nous définissons des missions de service public ; nous les attribuons éventuellement, avec beaucoup de soin et en fonction des besoins du territoire ; et nous les assortissons d'obligations très claires.
Sur la gouvernance des hôpitaux, le projet crée un statut unique pour les établissements publics de santé. Un conseil de surveillance remplace le conseil d'administration. Ses attributions sont recentrées sur une double compétence : d'une part, la définition des orientations stratégiques, notamment celles contenues dans le projet d'établissement, d'autre part, le contrôle de la gestion et du fonctionnement de l'établissement. Le conseil de surveillance exerce ainsi un contrôle sur l'ensemble de l'activité de l'établissement et délibère sur le compte financier. À cette fin, son président a accès aux informations concernant le fonctionnement de l'établissement. J'ai souhaité laisser un espace à la représentation nationale pour qu'elle s'exprime sur la composition du conseil de surveillance. Je souhaite qu'il respecte trois collèges et qu'il soit limité en nombre. Le projet de loi propose également que le président du conseil de surveillance soit élu parmi les membres des collèges des élus et des personnalités qualifiées. Et le mode de désignation des directeurs des établissements publics de santé est modifié pour donner plus d'importance au niveau régional. Cette gouvernance est, je crois, particulièrement adaptée à l'hôpital et ne remet absolument pas en cause le statut public de l'hôpital public !
Monsieur Chassaigne, selon vous, la transformation d'un service de chirurgie ou de maternité aurait pour but de faire des économies, et il suffirait de décider d'y mettre des médecins et des moyens pour garder ce service tel qu'il est !