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Intervention de Loïc Bouvard

Réunion du 31 mars 2009 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLoïc Bouvard, rapporteur :

Le projet de loi qui vous est soumis pour avis programme les dépenses militaires de notre pays pour six ans. Son exécution a déjà commencé, 2009 en constituant la première annuité.

Ce texte dote les armées de 185 milliards d'euros de crédits pour la période 2009-2014, et prévoit un effort continu au cours de la période 2015 – 2020. Les mesures qu'il contient nous permettront de disposer d'un outil militaire plus efficace, car modernisé et plus mobile. Une telle réforme s'impose, à l'heure où notre pays entame une importante évolution stratégique.

En annonçant officiellement, le 11 mars dernier, que la France reprendrait toute sa place au sein des structures de commandement intégrées de l'OTAN, le Président de la République a choisi de mettre fin à une situation qui, en fait, desservait nos intérêts depuis un certain temps. En effet, alors que notre pays assume une part importante des charges financières et humaines nécessaires au fonctionnement et aux opérations de l'OTAN, il ne prend part ni à la planification des missions auxquelles il participe, ni à la définition de la stratégie de l'Alliance pour l'avenir. Je crois au contraire qu'il est important pour la France de participer à la rénovation du lien transatlantique !

Le projet de loi de programmation pour 2009 – 2014 indique les conditions de notre retour au sein de l'OTAN : nos forces nucléaires restent indépendantes, nous conservons une capacité autonome d'appréciation des situations et sommes libres de participer ou non à une mission; enfin, aucune troupe française ne sera placée sous commandement étranger en temps de paix.

Nos alliés américains et européens attendaient ce retour depuis longtemps, et l'ont unanimement salué, comme le savent bien ceux qui, comme moi, participent aux travaux de l'assemblée parlementaire de l'OTAN. Une fois ce rapprochement effectué, la France sera mieux à même de développer l'Europe de la défense, en partenariat avec les Etats-Unis.

Sur ce point, je ne peux que citer Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense de 2002 à 2007 : « les réticences de certains pays européens à faire les efforts nécessaires pour renforcer la Défense européenne seront d'autant plus faciles à surmonter qu'ils auront l'assurance que celle-ci ne se construit pas contre l'OTAN ». Ce changement d'attitude est nécessaire : alors que 21 des Etats membres de l'Union européenne participent à l'OTAN, la France et la Grande-Bretagne représentent à elles seules près de la moitié des dépenses européennes d'investissement militaire, et les deux tiers des budgets de recherche !

De plus, parce qu'une fois ce retour accompli, la France sera mieux en mesure de participer à ce que l'on peut appeler « l'européanisation » de l'OTAN. Notre pays devrait ainsi diriger le commandement allié pour la transformation, situé à Norfolk, dont la tâche est d'adapter l'OTAN aux nouvelles conditions géopolitiques, dans lesquelles la Russie n'est plus un ennemi, et qui voient émerger des puissances nouvelles, comme la Chine et l'Inde.

Présente dans l'OTAN, la France n'en abandonne pas pour autant ses ambitions européennes. Le deuxième semestre 2008 a été l'occasion de montrer notre attachement au projet d'Europe de la défense, né à Saint-Malo en 1998 et explicitement rappelé dans le rapport annexé au présent projet de loi. De nombreuses initiatives ont été lancées sous la Présidence française de l'Union européenne, parmi lesquelles je retiendrai les deux plus emblématiques. D'abord, la création d'un programme de formation et d'échanges pour les officiers européens. De cet « Erasmus militaire », nous pouvons attendre l'émergence d'une doctrine militaire commune.

En second lieu, une nouvelle version de la stratégie européenne de sécurité a été mise au point, pour prendre en compte les menaces pesant sur la sécurité informatique, et les risques climatiques.

Ces efforts pourraient être prolongés, au cours des prochaines années, par des programmes plus ambitieux. Je plaide ainsi pour la création d'une agence européenne de l'armement, qui centraliserait les besoins des Etats membres, et permettrait de conduire des programmes authentiquement européens. Il serait également souhaitable de conduire une revue des programmes nationaux à l'échelle européenne.

De plus, le traité de Lisbonne institue des coopérations structurées permanentes dans le domaine de la défense, ce qui permettra aux pays réellement intéressés de développer plus facilement de grands programmes d'équipement, auxquels les autres Etats membres pourront participer par la suite.

Enfin, je souhaite que l'Europe se dote d'un véritable livre blanc, qui aille plus loin que la stratégie européenne actuelle, et définisse les intérêts communs des pays européens, les menaces qui pèsent sur eux, et les moyens dont l'Union doit être dotée pour les combattre.

Nous ne pourrons atteindre ces objectifs diplomatiques qu'en réformant nos armées. Il nous faut donc les adapter aux standards les plus exigeants. La présente loi de programmation militaire s'efforce, par conséquent, de moderniser à la fois le fonctionnement, mais aussi l'équipement, de notre outil de défense.

D'abord, le choix a été fait, plutôt que d'imposer un modèle global difficile à réaliser pleinement, d'adapter nos armées aux menaces contemporaines, à savoir le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive, et la multiplication de conflits régionaux susceptibles de menacer nos intérêts.

Aussi, nos forces sont-elles investies d'une nouvelle fonction stratégique, intitulée « connaissance et anticipation », qui vise à garantir notre capacité d'appréciation autonome des situations. Couvrant notamment le renseignement, cet aspect de notre défense fait l'objet d'un effort bienvenu, qui inclut l'embauche de 700 personnels spécialisés, et le renforcement de nos moyens spatiaux, dont certains en coopération avec d'autres Etats européens.

Les autres fonctions stratégiques ne sont pas négligées pour autant. La dissuasion se voit dotée de crédits suffisants pour la maintenir au niveau technique le plus avancé. Notre appareil militaire prépositionné, qui participe à la fonction de prévention, est ajusté pour correspondre aux principales zones de tension, aujourd'hui concentrées autour d'un arc de crise allant de la Méditerranée à l'océan Indien. Enfin, les instruments de protection du territoire et de la population évoluent pour prendre en compte les nouvelles menaces, en particulier biologiques et informatiques.

Nos forces armées sont également dotées des matériels nécessaires pour intervenir efficacement partout où elles pourraient être appelées. Tenant compte des besoins exprimés par nos soldats, le présent projet de loi privilégie, dans un premier temps, la protection de nos troupes et leur mobilité sur les théâtres d'opération.

A terme, les armées devraient pouvoir compter sur une force opérationnelle terrestre de 88 000 personnes disposant d'environ 250 chars Leclerc, 650 véhicules blindés de combat de type VBCI, 80 hélicoptères de combat dont des Tigre, 130 hélicoptères de manoeuvre, notamment des NH 90, et de l'ordre de 25 000 équipements individuels du combattant de type Félin.

En deuxième lieu, une marine dotée de 4 sous-marins nucléaires lanceurs d'engins, 6 sous-marins nucléaires d'attaque, 1 porte-avions et son groupe aérien, 18 frégates de premier rang, 4 bâtiments de projection et de commandement.

Enfin, une composante aérienne mettant en oeuvre 300 avions de combat modernes, Rafale et Mirage 2000, des systèmes de détection et de contrôle avancé de type Awacs, 14 ravitailleurs de type MRTT et environ 70 avions de transport.

Contrairement à la précédente, la loi de programmation militaire pour 2009 – 2014 fixe un équilibre financier qui couvre tout le budget de la défense. Les dépenses d'équipement augmentent ainsi de 49 à 58 % du budget total, tandis que les effectifs diminuent de 314 à 276 000 personnes. Diverses réformes de fonctionnement permettent également de réaliser des économies, notamment le regroupement des implantations de défense au sein de 90 bases interarmées et un nouveau fonctionnement des structures centrales du ministère de la défense.

Pour aider à la réalisation de ce projet ambitieux, le contrôle du Parlement doit s'exercer sur les lois de finances initiales et surtout sur la réalisation des budgets que nous aurons votés. L'exécution de la précédente loi de programmation a donné lieu à des erreurs qui ne doivent pas être reproduites. L'excellent rapport d'information, présenté sur ce sujet par nos collègues Yves Fromion, Patricia Adam et Patrick Beaudoin devant la Commission de la défense, en fournit malheureusement des exemples édifiants.

Plusieurs mesures réformant les administrations centrales du ministère de la défense répondent directement aux critiques adressées à l'exécution de la précédente loi.

D'abord, le présent projet de loi donne plus de pouvoir au chef d'état-major des armées dans le domaine des équipements. Une équipe de programme est ainsi créée, qui suivra chaque programme du début à la fin, et sera placée sous son autorité en matière de conception, de définition et d'utilisation des équipements.

D'autres réformes doivent permettre de réduire le coût du maintien en condition opérationnelle des équipements. Une structure intégrée est ainsi créée pour les matériels terrestres, similaire à celles qui existent pour la marine et l'armée de l'air. Les coûts de l'entretien seront également négociés avec les industriels, en prévoyant des indices de performance afin de mieux maîtriser ce poste de dépenses.

Enfin, la loi de programmation militaire pour 2009 – 2014 autorise la cession au secteur privé de la société nationale des poudres et explosifs et de ses filiales. Une telle mesure permettra de réduire les dépenses. La même opération, décidée pour la société DCN, avait ainsi permis de réduire le coût de l'entretien d'environ 20 %.

Le présent projet de loi vise donc à doter la France d'un outil militaire suffisamment crédible pour faire entendre sa voix, et celle de l'Europe, au sein de l'Alliance Atlantique. Partageant cet objectif global, et la méthode choisie pour le remplir, je vous demande de donner un avis favorable à son adoption.

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