J'ai également pris du plaisir à participer aux travaux de cette commission. Et j'estime également que vous avez trouvé, monsieur Ailleret, la bonne façon de présider les travaux : chacun de nous a pu s'exprimer et faire le choix, le cas échéant, de ne pas venir à certaines séances, ce qui a été mon cas. De même, je n'ai eu aucun scrupule à ne pas participer à la réunion qui s'est tenue à l'Élysée le 19 décembre. En effet, alors que la commission avait fait son travail et que vous aviez remis votre rapport aux autorités de l'État, je ne voyais pas la nécessité de réunir à nouveau une partie de ses membres. En outre, le Président de la République avait annoncé, quelques heures avant cette réunion, ce qu'il allait décider, ce qui me paraît pour le moins cavalier.
Dans les travaux de cette commission, on peut distinguer deux périodes : avant et après septembre. Avant, tout allait dans le sens d'une transformation de La Poste en société anonyme et de l'entrée de capitaux privés dans l'entreprise. Puis est venue la crise économique et financière, et les mains qui s'approchaient du pot de confiture s'en sont vite retirées. Désormais, plus question d'ouvrir La Poste à des capitaux privés. L'ouverture du capital était toujours présentée comme inéluctable, mais plutôt en direction d'organismes publics comme la Caisse des dépôts. On ne peut donc analyser l'évolution de ce dossier sans prendre en compte la crise actuelle. Songeons à Natixis, une des banques les plus exposées à la crise des subprimes, ou à Fortis, acteur public qui est en train de mettre les mains dans le marché du carbone… Nous avons le devoir d'être attentifs – notamment parce que les premiers responsables ne le sont pas – à l'évolution de ces institutions, de même qu'à celle de la Banque postale, qui concerne des millions de Français.
Par ailleurs – et je l'ai déjà dit pour EDF, pour GDF et pour d'autres entreprises publiques –, il faudra bien, un jour, faire le bilan de la politique de libéralisation des entreprises publiques menée par l'Union européenne. Élie Cohen, membre de la commission sur le développement de La Poste, m'a dit que la Commission elle-même travaillait sur ce bilan. Mais elle est juge et partie ! Il faudrait examiner de qui s'est passé de façon sérieuse, le cas échéant en recourant à des critères différents de ceux de la Commission européenne.
On nous dit que La Poste doit trouver 2,8 milliards d'euros pour se développer. Je constate simplement que l'État ne fait pas face à ses responsabilités. J'estime à environ un milliard d'euros le montant qu'il devrait payer pour compenser ce qu'il exige de La Poste. Il reste donc environ 2 milliards à trouver. Qui osera dire qu'au moment où l'État met sur la table des dizaines et des centaines de milliards, il est dans l'incapacité de faire face à cette obligation sans que La Poste change de statut ? Pour ma part, monsieur Ailleret, l'idée que la France soit le seul pays dont l'entreprise postale est publique ne me gêne pas du tout. D'ailleurs, j'aimerais que vous nous précisiez quelles sont les entreprises postales européennes en concurrence avec La Poste, car aucune n'a le même périmètre. En Italie, c'est une banque qui a une activité postale ; ailleurs, la poste n'a pas du tout d'activité bancaire, etc. Il y a donc un choix de périmètre que nous devons confirmer – ou plutôt que la majorité devra confirmer.
Dernier point : de nombreuses organisations syndicales se rallient à l'idée de constituer un pôle public financier dans ce pays. Lorsque nous aurons à discuter du futur projet de loi sur La Poste, cet aspect des choses devra être mis sur la table. Car c'est aussi avec ce moyen, et avec la Banque postale, dont le capital est d'ores et déjà ouvert, qu'on pourra trouver les financements dont La Poste a besoin pour réaliser ses investissements.