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Intervention de Hubert Védrine

Réunion du 3 mars 2009 à 16h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Hubert Védrine :

En effet ! Et un pari comporte toujours des risques. Cela m'évoque les propos du premier ministre canadien, pour qui l'avenir de l'OTAN se joue en Afghanistan. Là aussi, c'est un pari risqué ! Il serait dangereux que la justification de la réintégration de la France se joue sur la défense européenne. Je le répète, mon expérience m'a appris que les obstacles que rencontre la construction de la défense européenne n'ont rien à voir avec la position de la France vis-à-vis du commandement intégré de l'OTAN, et je ne pense pas que le changement de cette position puisse débloquer quoi que ce soit. Il ne faut pas confondre le climat dans lequel se déroulent les rencontres de diplomates et de parlementaires et les questions de fond.

C'est la raison pour laquelle je disais tout à l'heure que lorsque les autorités françaises se rendront compte qu'elles ont pris le risque de banaliser la position française sans rien obtenir de significatif en matière de défense européenne, elles en viendront à se demander s'il n'est pas possible d'organiser un pôle européen au sein de l'OTAN, ce qui exigera un très grand courage politique, et ce sera plus dur car toute la machine est précisément conçue pour éviter cela. Peut-être un président des États-Unis plus ouvert que le Pentagone pourrait-il accepter un jour une approche différente, mais cela n'est rien moins que certain.

Ainsi, dans la pénible affaire du Kosovo, après que l'ensemble des pays concernés ont estimé que les moyens politico-diplomatiques étaient épuisés et qu'il fallait recourir aux moyens de l'OTAN, celle-ci devant être employée comme prestataire de moyens militaires pour casser les résistances de l'armée serbe, le simple fait d'avoir obtenu une concertation quotidienne des chefs d'état-major des principaux pays participants – États-Unis, Allemagne, France, Italie et Royaume-Uni – sur les cibles et l'opposition exprimée parfois par la France à la destruction de certaines d'entre elles ont été jugés insupportables par le Pentagone, par les États-Unis et par le commandement en chef des forces américaines, c'est-à-dire de l'OTAN. Ce précédent est d'ailleurs l'une des raisons invoquées ensuite par l'administration Bush pour refuser le recours à l'OTAN et imposer des coalitions ad hoc permettant aux États-Unis d'agir à leur gré.

Peut-être la machine pourrait-elle être modifiée par un président des États-Unis qui en ferait une priorité absolue, mais ce n'est actuellement pas le cas, car le président Obama a d'autres soucis. La machine est faite au nom de l'efficacité ou de la rapidité pour intégrer et pour éviter que des pays ne s'organisent différemment.

Je ne crois donc pas au paradoxe selon lequel le chemin de l'introuvable défense européenne passerait par une intégration accrue. Puisqu'il s'agit d'un pari, prenons donc rendez-vous !

Vous évoquez, monsieur Folliot, la « banalisation » des questions de défense : il s'agit en fait de la fin de sa sanctuarisation. Le consensus entre la droite et la gauche qui s'était établi dans ce domaine est fragilisé, car il n'y a plus guère aujourd'hui de gaullisme dans la droite, ni de mitterrandisme dans la gauche. Ce qui restait de ce consensus risque d'être mis à mal par la décision de réintégration, qui sera source de controverses.

La question du coût, pour laquelle je ne dispose pas d'éléments, mériterait d'être posée. En effet, si on évoque les avantages du retour de la France, comme les gains en termes d'influence, son coût doit également être pris en compte.

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