Monsieur le ministre, je vous concède volontiers que le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN est un sacré pari – mais n'est-ce pas là la nature même de la construction européenne ? Depuis 1990, année qui a vu la disparition du mur de Berlin et le changement de nature qui en est résulté pour l'OTAN, la France fait le pari qu'elle pourra susciter un élan européen pour construire une Europe de la défense en restant hors du commandement intégré. Au bout de près de vingt ans, il est incontestable que ce pari a fondamentalement échoué. La défense européenne reste très embryonnaire et il n'est donc pas illégitime d'envisager une autre solution, alors même que de nouvelles perspectives se dessinent. En effet, si les dernières réticences au traité de Lisbonne sont surmontées, la coopération structurée permanente que prévoit ce traité devrait offrir un dispositif institutionnel qui servira de base à la construction d'une défense européenne. La coopération structurée permanente intéresse les Européens, et cela même en République tchèque.
Un autre point important, selon mes interlocuteurs européens, est que la France ne doit plus apparaître comme le « mauvais élève » qui proposerait un « plan B » témoignant de sa volonté de dynamiter ce qui existe déjà. Le pari mérite donc d'être pris, car nous n'avons pas d'alternative. Le fait que la France ne consacre plus que 1,7 % de son PIB à sa défense ne nous met guère en situation de peser seuls sur la scène internationale. Il faut donc être réalistes et pragmatiques : c'est, selon moi, l'essence même du gaullisme. La coopération structurée permanente nous offre une chance d'avancer enfin, avec ceux qui le veulent, dans un cadre institutionnalisé. Saisissons-la, et ne songeons plus à bricoler des démarches fondées sur le volontariat. Nous ne pouvions pas continuer plus longtemps dans la situation que vous décrivez comme confortable : il nous faut donner toutes ses chances à la construction de la défense européenne, car nous n'avons pas d'autre choix.