Philippe Auberger m'a en effet demandé, en qualité de président du CECR, d'examiner la situation d'un peu plus près, car, après le 4 avril, nous avions observé l'évolution des cours et des process industriels. J'ai donc rédigé une note dont les conclusions ont été suivies par la commission de surveillance.
Je vous signale d'emblée que ses trois réunions successives se sont tenues en présence du directeur général du trésor et de la politique économique ou de son représentant mais que ceux-ci sont restés totalement muets. L'objet de la note était de déterminer les conditions de réorganisation d'une opération d'acquisition de capital d'EADS et ses conséquences en termes de risque financier sur le patrimoine de la CDC.
Cette note rappelle qu'il s'agit d'une opération de marché résultant d'un contrat passé avec la banque d'investissement IXIS CIB, signé le 28 mars 2006. L'opération s'est déroulée le 6 avril 2006 – c'est-à-dire postérieurement au 4 avril – sur un prix réfèrent de 32,60 euros l'action. Lagardère était détenteur de 15 % du capital d'EADS, l'État de 15 % et les Allemands de 30 %.
Le montage, complexe, visait à faire bénéficier le vendeur d'un intéressement éventuel en cas de hausse du titre EADS, avec une émission d'obligations remboursables en actions à parité ajustable (ORAPA). IXIS CIB a souscrit à cette opération en gardant 2,5 % des parts et en mettant les 5 % restants sur le marché, dont 2,25 % ont été pris par la CDC. Les actions étant valorisées à 32,60 euros pièce, les 18 399 000 actions reprises par la CDC représentaient un peu moins de 600 millions d'euros. Il s'agissait d'un achat à terme faisant passer le nombre de parts détenues par la CDC de 0,58 à 2,83 %, mais après trois ans, au terme de trois échéances, pour un tiers du total chacune, en 2007, 2008 et 2009.
IXIS CIB a confirmé à la CDC la vente et l'achat à terme d'actions EADS le 12 avril 2006 après une lettre d'engagement du 28 mars 2006. En voici les modalités prévues : les dates de conclusion et de commencement sont fixées aux 12 et 11 avril 2006 ; le nombre total d'actions cédées, ajusté le cas échéant, est de 18 399 000, pour une valeur de 599 807 400 euros ; pour chaque tranche, le nombre d'actions cédées sera égal au tiers du nombre total d'actions ; la devise est l'euro ; l'organisme de compensation est Euroclear France ; à l'échéance, le prix de vente d'une action est déterminé en fonction d'un calcul de taux d'intérêt ; les dividendes ne sont connus qu'à la fin de chaque exercice ; au terme de l'opération, le prix peut différer légèrement par rapport au montant de 32,60 euros.
Quel est l'environnement économique de l'opération ?
Fin mars, début avril, le prix de l'action s'établit à 33 euros. Les cabinets d'audit Stanley Morgan et JP Morgan tablent à terme sur 27, 33 ou 45 euros selon les scénarios. La valeur de 32,60 euros est donc conforme au cours du marché. Il faut resituer le mouvement de baisse de l'action EADS dans le contexte boursier de l'époque : depuis le 1er janvier 2006, le CAC 40 a connu des évolutions contrastées, avec une chute de 5 200 à 4 700 points, suivie, fin juin et début juillet – c'est-à-dire au moment où je rédige la note –, d'une remontée à 4 900 points. Ainsi, le 30 juin 2006, l'indice est en progression, à onze heures, de 1 % à 4 929 points et même, à dix-sept heures quarante-cinq, de 1,75 % à 4 965 points. Dans ce mouvement de grande amplitude, le titre EADS a plongé de 30 à 16,75 euros à la mi-juin pour remonter à 22 euros. Avec 30 % de perte sur 600 millions d'achat, il faut passer 180 millions de provision – dans les faits, 191 millions. Si la cotation remonte, une partie des provisions peut être annulée.
Tout le problème, c'est l'exposition de la CDC au risque de placement. Comme je l'indiquais en conclusion de la note, c'est sur ce point que nous avons cherché à y voir clair, avec les services de la maison, à la lumière d'éléments techniques relatifs à l'environnement économique et financier du moment, à l'entreprise EADS et à sa valorisation compte tenu des analyses effectuées par les cabinets d'audit, à la nature et au montage de l'opération de marché, au contrat passé le 28 mars entre IXIS CIB et la CDC, à la valorisation de l'action à 32,60 euros, à l'évolution du cours de l'action dans une période de crise de gouvernance d'EADS, au montant des provisions à passer en comptabilité et aux reprises éventuelles. La note, qui s'efforce de répondre à ces questions, a été présentée à la commission de surveillance et à son président.