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Intervention de Rachida Dati

Réunion du 28 octobre 2008 à 9h00
Commission élargie

Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice :

Le rapport du Conseil de l'Europe auquel certains d'entre vous se sont référés – qui concerne la période d'avant l'élection de Nicolas Sarkozy, ce qui me rend d'autant plus facile d'en parler – compare les moyens et les budgets de la justice dans les différents pays européens. Or, aucun des 27 pays de l'Union n'a la même organisation judiciaire. Alors qu'en Allemagne, où l'on compte certes trois fois plus de magistrats, tout contrevenant à la loi est systématiquement poursuivi, en France, ce sont les procureurs qui décident de l'opportunité des poursuites. De même, alors qu'en Angleterre, il est possible de transiger au pénal, cette possibilité n'existe pas dans notre pays. Veillons donc à ne comparer que ce qui est comparable. Ce rapport met en parallèle des budgets. Je vous parle, moi, des missions et de l'efficacité de la justice. Il est des pays où n'existe pas de juge d'instruction. Il en est d'autres, comme en Angleterre, où il n'y a pas de poursuites systématiques au pénal.

M. Blisko craint que l'augmentation es crédits de l'administration pénitentiaire ne soit absorbée par celle de la population carcérale. Les créations de postes sont, heureusement, fonction du nombre de places, et non de détenus.

Les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) suivent 157 000 personnes en milieu ouvert. J'ai bien entendu les revendications des conseillers de ces structures, qui souhaitent être davantage spécialisés en criminologie pour mieux remplir leurs missions que nous sommes en train de revoir, suite aux conclusions du groupe de travail sur le sujet. Il y avait 1 700 emplois de SPIP en 1997 ; il y en aura 170 de plus en 2009. De 2002 à 2007, leur nombre a été fortement accru et leur action mieux reconnue, puisqu'ils étaient auparavant mélangés avec les travailleurs sociaux et les associations. Nous poursuivons cette politique.

Les bracelets électroniques sont-ils supportables ? Le rapport Lamanda a préconisé de les miniaturiser. Il s'agit d'un nouveau dispositif, qui, pour l'instant, n'a pas provoqué d'incidents. Cela dit, il peut toujours être amélioré.

Par ailleurs, l'aménagement des peines ne se limite pas au seul bracelet électronique, qui n'est qu'un moyen parmi d'autres. Les libérations conditionnelles, les régimes de semi-liberté, les placements extérieurs et même les permissions de sortie sont eux aussi des outils d'aménagement des peines, dont la palette va encore être accrue par la loi pénitentiaire. Le bracelet électronique est cependant particulièrement important, dans la mesure où il peut se substituer à une place de prison.

Le taux d'activité en prison est actuellement de 37 %. C'est faible, mais les établissements pénitentiaires, notamment les plus anciens, ne sont guère conçus pour qu'on y travaille. Les établissements plus récents comportent d'immenses ateliers, beaucoup mieux adaptés au travail et plus sécurisants pour les personnels pénitentiaires, qui peuvent surveiller les détenus depuis des coursives. Il s'agit donc essentiellement de problèmes de conception, d'organisation et de surveillance. Les nouvelles constructions, les conventions MEDEF ainsi que le développement de la formation professionnelle et de l'éducation en prison amélioreront certainement les choses.

Contrairement à ce que vous dites, l'Éducation nationale s'implique beaucoup dans le système pénitentiaire. Partout où il y a des mineurs, il y a des professeurs. En revanche, la population carcérale n'est pas homogène, même si le niveau d'études est globalement très bas, avec de nombreux cas d'illettrisme. Faire un cours de français ou de mathématiques devant un public composé de jeunes, de moins jeunes et d'étrangers, tous de niveau très faible, ce n'est pas facile ! C'est pourquoi les établissements pénitentiaires pour mineurs sont si importants. Il ne faut pas oublier que, jusqu'à une date récente, personne ne voulait travailler avec un surveillant pénitentiaire ! Même si un drame est survenu récemment à Meyzieu, il s'agit d'un concept innovant et adapté pour les mineurs, assurant à la fois des soins, des enseignements scolaires, de la formation professionnelle et de la surveillance. Nous souhaitons en conséquence fermer une partie des quartiers de mineurs : si les moins de 16 ans ont une obligation scolaire, les 16-18 ans n'y ont aucune obligation d'activité et peuvent rester enfermés dans leur cellule toute la journée s'ils le souhaitent, ce qui n'est pas le cas dans les EPM. Avec 20 heures de cours par semaine, ceux-ci mobilisent 1 600 emplois de l'Éducation nationale, ce qui prouve bien l'implication de cette dernière.

S'agissant de la formation professionnelle, vous avez raison : compte tenu de leur niveau scolaire extrêmement bas, il est important que les détenus puissent bénéficier d'une formation professionnelle en prison, de manière non seulement à faciliter leur réinsertion, mais aussi à leur apporter une rémunération. J'en ai parlé récemment au président du conseil régional du Nord, qui m'a dit qu'il allait y réfléchir. Je ne peux pas donner d'instructions aux présidents des conseils régionaux ! Si vous vouliez bien relayer cette demande auprès de vos amis, j'en serais ravie.

Quant à la surpopulation, il suffit de regarder les statistiques : elle existe depuis 1995. Entre 1997 et 2002, on a fermé 4 % des places de prison ; et si cela était nécessaire vu leur insalubrité, dans le même temps, la délinquance augmentait. Pour remédier à cette surpopulation, nous avons deux solutions : construire de nouvelles places et aménager les peines.

En ce qui concerne les escortes, nous avons laissé les choses en l'état : le ministère de l'intérieur s'en charge, sauf à Marseille pour les escortes médicales.

Pour ce qui est de la visioconférence, nous avons pris l'engagement de réduire le nombre de transferts de 5 % en 2009 et de 5 % en 2010. Je souhaitais aller plus loin, mais nous rencontrons des difficultés en ce qui concerne la signature des actes et les dates de début des délais.

S'agissant de la prison de la Santé – qu'il faut bien sûr réhabiliter –, l'objectif est de conserver 250 places et d'en construire 1 000 en région parisienne. Nous cherchons actuellement un site. Pendant un moment, il avait été question de fermer la Santé et d'agrandir Fleury, qui compte déjà 3 500 places, mais, compte tenu du nombre de contentieux à Paris, notamment ceux liés au grand banditisme et au terrorisme, il est indispensable d'avoir une prison de proximité.

Concernant le prosélytisme en prison, j'ai signé en mars 2008 avec mon homologue britannique, Jack Straw, un programme de prévention du prosélytisme et de l'Islam radical en milieu pénitentiaire. Toutefois, il ne faut pas dissocier ce problème du libre exercice de culte. Nous travaillons donc en parallèle à faciliter l'accès au culte pour tous les détenus et à améliorer l'observation des comportements prosélytes ; nous avons également accru la coopération avec les services spécialisés de police et de gendarmerie. Le nombre d'aumôniers pour les musulmans a été accru de 66 en 2005 à 117 aujourd'hui, tandis que le budget pour les aumôniers passera de 2,1 millions d'euros en 2008 à 2,2 millions en 2009. La difficulté est d'évaluer la demande, puisqu'on ne demande pas à tout nouveau détenu, dès son arrivée, s'il souhaite pratiquer un culte.

Pour ce qui est du contrôleur général des lieux de privation des libertés, il relève du budget du Premier ministre.

Quant à la diminution du nombre de postes à l'École nationale de la magistrature, oui, il y en a une. Cependant, même l'Union syndicale des magistrats convenait hier, devant le Président de la République, que la priorité était à la création de postes de greffiers, non de postes de magistrats. Il y a eu chez ces derniers 187 créations de postes en 2008 ; il y en aura 59 en 2009, en raison du transfert définitif de 22 magistrats à la Cour nationale du droit d'asile – jusqu'alors, ils n'étaient pas comptabilisés dans la mission « Justice ».

S'agissant de l'indépendance de la Justice, le Président de la République a confirmé hier devant l'USM les propos que j'ai tenus vendredi soir dernier. Oui, je donne aux procureurs des instructions générales ainsi que des instructions pour l'application de la loi sur la récidive. La représentation nationale vote la loi ; les magistrats l'appliquent ; la garde des sceaux dirige l'action publique. Les procureurs étant sous l'autorité du garde des sceaux, je peux leur demander d'appliquer la politique pénale. En revanche, je n'ai jamais donné une instruction à un juge. Et je ne vois pas, monsieur Urvoas, comment un budget pourrait traduire une atteinte à l'indépendance – laquelle consisterait à réviser ou à abroger des principes, non à modifier le nombre de postes de magistrats !

La révision constitutionnelle a confirmé l'indépendance des magistrats, notamment par la réforme du CSM, qui prévoit de faire présider ce dernier par le Premier Président de la Cour de cassation pour la formation « siège », et par le Procureur général de la Cour de cassation pour la formation « parquet ». Pardonnez-moi, monsieur Urvoas mais, à moins de me donner plus de précisions, comment un budget peut-il traduire une atteinte à l'indépendance ?

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