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Intervention de Jean-Michel Clément

Réunion du 28 octobre 2008 à 9h00
Commission élargie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

Vous nous avez dit tout à l'heure, madame la garde des sceaux, que vous n'improvisiez rien en matière de réformes et que plus de dix textes ont été publiés depuis que vous êtes à la tête de la Chancellerie. Hélas, cet empilement de textes, conjugué à ce projet de budget, provoque une désorganisation massive de l'institution judiciaire. Vos réformes vont également éloigner encore davantage les justiciables de la justice.

Je constate au quotidien dans mon métier, que je pratique encore, les problèmes nés de l'accumulation de ces textes successifs. Les moyens informatiques devraient, nous dit-on, sauver le fonctionnement de l'institution judiciaire. Mais la nouvelle application pénale Cassiopée ne fonctionne toujours pas, et ce depuis 1993, les fonctionnaires des greffes pourront vous le confirmer ! La mise en place des bracelets électroniques, dont, soit dit au passage, le nombre n'est pas aussi élevé que ce qui a été dit, entraîne un surcroît de travail pour les magistrats mais aussi pour les greffiers, comme d'ailleurs toute mesure d'aménagement des peines. Il en va de même de la collégialité de l'instruction, alors que le nombre de magistrats restera, peu ou prou, constant. Le travail auparavant accompli par les avoués, qu'on a le projet de supprimer, le sera par les greffiers. Votre projet de budget devrait anticiper ces mesures à venir, d'autant qu'il faut longtemps pour former aux professions judiciaires et que l'inertie est toujours forte entre l'annonce et la mise en oeuvre effective des mesures.

La misère des moyens humains de notre justice est bien connue : on est très loin en France du ratio qui serait souhaitable d'un greffier et de deux ou trois fonctionnaires de catégorie C pour un magistrat. On dénombre moins d'un greffier et d'un seul agent de catégorie C par magistrat – je souligne au passage que l'effectifs de ces agents était inférieur en 2007 à ce qu'il était en 1999, alors même que ces personnels constituent la mémoire des tribunaux.

Au-delà des chiffres annoncés en augmentation globale, il faut se plonger dans les détails… où se niche souvent le diable. Une réforme vraiment utile de notre justice exigerait des moyens qui, hélas, font défaut dans ce projet de budget.

L'accès à la justice sera également plus difficile pour les justiciables. La mise en oeuvre anticipée de la réforme de la carte judicaire, nous a-t-on dit, répondrait au souhait de certains chefs de cour. Je constate, pour ma part, sur le terrain qu'elle est plutôt liée à la pyramide des âges des fonctionnaires ou à des mesures de gestion du personnel, et qu'elle n'est pas nécessairement le produit d'une réflexion globale. Au final, ce sont bien les justiciables qui en feront les frais. Les crédits alloués aux maisons de la justice et du droit ou aux conseils départementaux d'accès au droit n'augmentent pas comme il serait nécessaire.

Quant à la proposition de la commission Darrois de financer pour partie l'aide juridictionnelle ou la médiation par un prélèvement sur le chiffre d'affaires de certains gros cabinets, elle est carrément surréaliste. On se dirige vers une justice à deux vitesses, avec des justiciables qui pourront s'en payer l'accès, et d'autres qui, ne le pouvant pas, finiront par y renoncer. Voilà où vont conduire toutes vos réformes, et notre pays, 35ème aujourd'hui sur 43 en Europe s'agissant de justice, risque bel et bien de tomber à la 43ème place.

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