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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 28 octobre 2008 à 9h00
Commission élargie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Je crains, Madame la garde des sceaux, de devoir formuler des critiques sur votre projet de budget et de m'exposer donc à des foudres jupitériennes… Mais ces critiques me paraissent justifiées. Ce n'est pas l'opposition française, mais le Conseil de l'Europe lui-même qui a classé la France au 35ème rang sur 43 pays membres de l'organisation en matière de budget annuel de la justice par habitant.

Il ne me semble pas que notre collègue Dominique Raimbourg ait parlé d'incohérence s'agissant de la réforme de la carte judiciaire. Il a simplement émis des réserves sur l'anticipation dans ce projet de budget des mutations que vous avez décidées. En effet, au 1er janvier 2009, 78 tribunaux de commerce et 62 conseils de prud'hommes vont fermer, et au 1er janvier 2010, 178 tribunaux d'instance connaîtront le même sort, ce qui entraînera le déplacement de 2 000 fonctionnaires, dont 650 magistrats. Nous avons bien noté vos réponses sur ce point mais craignons que l'on soit loin de ce qui serait nécessaire.

Mes questions portent sur les personnels. Le rapporteur a reconnu tout à l'heure qu'il existait un « léger malaise » entre les magistrats et la Chancellerie. J'avoue que j'aurais, pour ma part, usé d'un autre adjectif, au vu notamment des propos tenus hier soir par la délégation reçue par le Président de la République, dont les membres ne semblaient pas très satisfaits, c'est le moins que l'on puisse dire, s'agissant notamment de l'indépendance des magistrats à l'égard de la Chancellerie. La Cour européenne des droits de l'homme a d'ailleurs, dans une décision du 13 juillet 2008, « prenant acte de l'absence d'indépendance du procureur de la République à l'égard du pouvoir politique », dénié au procureur « la qualité d'autorité judiciaire » dans notre pays.

Rien ne nous rassurant quant à l'indépendance de la justice, nous pouvions espérer être rassurés s'agissant des moyens. Or, alors que vous évoquez la création de 59 postes de magistrats, nous arrivons, nous, d'après nos calculs, à moins 22 équivalents temps plein travaillé (ETPT) –siège et parquet confondus. Pour ce qui est du nombre de magistrats sortant de l'École nationale de la magistrature, point sur lequel vous n'avez pas répondu, me semble-t-il, à Jean-Paul Garraud, à l'horizon 2011 devraient en sortir 140 contre 249 aujourd'hui, alors que dans le même temps les départs en retraite seront massifs.

La pénurie de greffiers, dont vous avez rappelé à juste titre, combien ils étaient indispensables à la célérité de la justice, met en péril le fonctionnement même de l'institution. Dans le budget 2008, les greffes avaient déjà payé le plus lourd tribut en matière de suppressions d'emplois. Vous avez évoqué tout à l'heure 150 créations de postes en 2009, mais on apprend dans l'excellent document budgétaire qui nous a été remis qu'il s'agit seulement de promouvoir 150 agents de catégorie C en secrétaires administratifs, ce qui libérera 150 greffiers de leurs tâches administratives et permettra de les affecter auprès de magistrats. D'après nos calculs, qui coïncident d'ailleurs avec ceux du syndicat des greffiers de France, le nombre d'emplois de catégorie B, loin d'augmenter, diminue.

Vous nous avez longuement parlé dans votre propos liminaire de la loi pénitentiaire. Mais il s'agit pour l'instant un texte fantôme, ce que nous déplorons tous. Annoncé en décembre 2007, repoussé à l'automne 2008, ce projet de loi devait nous être soumis en janvier 2009, avant qu'on évoque maintenant sa présentation en mars 2009 devant le Sénat. Quoi qu'il en soit, espérons que nous puissions l'examiner le plus rapidement possible.

Si le taux d'agressions contre les personnels pénitentiaires était en 2006 légèrement inférieur à ce qui pouvait être attendu, il a été le double en 2007 et 2008.

Dispose-t-on d'indicateurs s'agissant de la sécurité des détenus ?

Vous avez évoqué les suicides, soulignant qu'il fallait rapporter leur nombre, en augmentation, à la population carcérale, elle-même en augmentation. Mais quid du nombre de meurtres entre détenus, qui a doublé entre 2007 et 2008 ? Notre pays a le plus fort taux de mortalité carcérale en Europe, après le Luxembourg et l'Islande.

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