On me fait grief de beaucoup de choses, mais je n'improvise rien : quand j'établis un budget, je regarde les précédents ; quand j'élabore le projet de loi pénitentiaire, je reprends les travaux qui ont été faits précédemment, notamment par la gauche ; quand je réforme la carte judiciaire, je reprends le rapport Guigou, le rapport Nallet, le rapport Lebranchu. D'ailleurs, la plupart des tribunaux regroupés figuraient déjà dans le rapport présenté en conseil des ministres en 1999. Je rends hommage à la gauche pour le travail qu'elle a fait : elle n'est pas allée jusqu'au bout, mais il m'a servi !
Je ne réponds pas aux polémiques, ce n'est pas ma conception de la politique. Faire de la politique, c'est militer, convaincre, tenir des engagements ; ce ne sont pas les coups bas et les petites phrases. Lorsque Mme Guigou était garde des sceaux, le budget a augmenté mais, en matière de réformes, on a calé sur tout : sur la réforme de l'ordonnance de 1945, sur la réforme de la carte judiciaire, sur la réforme des tribunaux de commerce, sur la réforme du CSM… La liste est longue ! Merci donc à tous ceux qui ont travaillé et dont j'utilise le travail ; mais nous, nous allons jusqu'au bout. Et je réclame l'égalité des armes : il aurait fallu, à l'époque, formuler les mêmes commentaires qu'aujourd'hui.
En ce qui concerne la réforme de la carte judiciaire, le volet immobilier représente sur cinq ans 375 millions d'euros. 60 millions sont inscrits en 2009. Le fléchage est précis : il y a 820 opérations à mener ; 330 sites font l'objet d'un relogement, les juridictions regroupées sont accueillies sur 400 sites. Depuis le 1er mars 2008, 91 pôles de l'instruction ont été installés. Bien sûr, il y a des contraintes immobilières ; là où ce sera nécessaire, on adoptera des solutions transitoires, notamment par des locations. Tout cela est prévu dans l'enveloppe de 375 millions. La plupart des sites qui vont être quittés sont propriété des collectivités locales. Il y aura 74 locations et 215 immeubles mis à disposition par les collectivités. Par ailleurs, 41 sites appartiennent à l'État.
Pour notre part, donc, non seulement nous programmons, mais nous finançons. Il en va de même pour le programme immobilier pénitentiaire. La réhabilitation des Baumettes était estimée à 180 millions : j'ai considéré qu'il valait mieux tout démolir puis reconstruire ; le calendrier reste le même – 2011-2013 – mais ce sera pour la construction d'une nouvelle prison. Ces travaux sont attendus depuis quinze ans.
Nous avons anticipé le rapport Guinchard en termes d'emplois : le volume de la déjudiciarisation correspond à 500 emplois. Par ailleurs, le calendrier parlementaire est un peu chargé. Certaines dispositions ont été intégrées dans la proposition de loi de M. Warsmann, d'autres seront proposées au Sénat. L'essentiel, c'est que les mesures soient prises ; j'espère que d'ici à 2009, ce rapport sera mis en oeuvre. Il faudra certes compléter les propositions de loi par un autre véhicule.
La question des avoués est en discussion. La proposition actuelle est de fusionner leur profession avec celle des avocats. Le sort des 2 500 salariés va être examiné dans ce cadre ; il y aura aussi indemnisation par le ministère de la justice, mais sans impact budgétaire en 2009.
En ce qui concerne la justice commerciale, nous avons enlevé toutes les chambres commerciales qui existaient dans les TGI pour les remettre dans les tribunaux de commerce ; et nous regroupons ces tribunaux pour qu'il y ait un parquet à proximité : pour éviter certaines incohérences, pour ne pas dire plus, la présence du procureur est indispensable. Si l'on veut par ailleurs lancer un débat pour réformer le contentieux commercial, je n'y suis pas opposée, mais l'essentiel est cette réforme de l'organisation. Au-delà des dérives, il arrivait en effet souvent qu'après un passage devant la justice commerciale, un dossier se retrouve au pénal quelques années après ; cela conduisait à des doubles peines, mais les entreprises avaient parfois disparu entre temps. Les salariés étaient les premières victimes.
S'agissant de l'aide juridictionnelle, il ne faut pas oublier que, dans le cadre du rapport Guinchard et de la mission Darrois, la médiation va être de plus en plus souvent dévolue aux avocats. La question est de savoir si dans ce cas les personnes doivent bénéficier de l'aide juridictionnelle ; elle n'est pas tranchée. Par ailleurs, la mission Darrois réfléchit à la possibilité de faire contribuer les grands cabinets d'avocats à l'aide juridictionnelle. Notre souci doit être que tout le monde ait droit à la même justice.
Concernant les greffiers, reprenez mes discours : je dis souvent qu'on en parle peu, mais je fais en sorte de réparer les injustices. Quand j'ai constaté qu'en Corse, ils n'avaient pas droit à une prime alors que les magistrats en avaient une, j'ai obtenu de Bercy que cette injustice soit réparée. L'enveloppe de 2,9 millions est également destinée à rétablir l'égalité.
Quant aux emplois de catégorie C, nous en créons 150. Les passerelles permettent de valoriser ceux qui ont de l'expérience professionnelle et qui ont bien peu de temps pour préparer des concours.
En ce qui concerne l'administration pénitentiaire, vous m'avez interrogée sur la détention provisoire. Je veux d'abord souligner qu'elle a beaucoup diminué, notamment après l'affaire d'Outreau. Il peut être intéressant de savoir dans quelle proportion elle débouche sur une détention ferme, mais il me paraît encore plus pertinent de savoir dans combien de cas elle débouche sur une relaxe ou un acquittement. Ainsi, dans les affaires de moeurs, un placement en détention provisoire peut être nécessaire.