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Intervention de Patrick Braouezec

Réunion du 28 octobre 2008 à 9h00
Commission élargie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Braouezec :

Mes commentaires sont assez proches de ceux que vient de formuler le groupe socialiste. Madame la ministre, aussi appréciable que soit l'augmentation des crédits affectés à la mission de votre ministère, ils sont encore bien en deçà de ce qu'attendent les justiciables, les personnes incarcérées et les personnels.

On mesure mal, dans le cadre de cette discussion budgétaire, l'important retard qu'accuse la France dans le domaine de la justice. Notre pays se situe en effet au 35e rang européen et est l'un des pays qui consacre à la justice la part la plus faible de son budget. L'augmentation qui nous est proposée ne permet pas de pallier ce retard, car un grand nombre des postes créés seront consacrés à l'agrandissement du parc pénitentiaire.

Cet agrandissement et les nouvelles missions prévues ne permettront pas d'améliorer l'existant, notamment les graves difficultés que connaissent aujourd'hui les personnels. Dans son premier bilan, le contrôleur général des prisons, M. Jean-Marie Delarue, nommé en juin dernier, souligne que le surpeuplement des maisons d'arrêt rend très difficiles le travail des personnels pénitentiaires et les conditions de vie des détenus. Son premier constat est sans appel : tous les services sont débordés, tout se détériore, la surpopulation ne change pas la nature des problème, mais les aggrave.

Le chantage au suicide, que vous avez évoqué à plusieurs reprises, est une vision insuffisante : avec 93 suicides depuis le début de l'année, le passage à l'acte doit aussi nous préoccuper et nous interpeller sur les conditions de détention.

Je rappelle que, dans une unité syndicale assez rare pour qu'on la souligne, les trois principales organisations de surveillants dénoncent une situation alarmante des conditions de travail, un manque de moyens humains et matériels et une incohérence de la politique pénale. Je rappelle également que, voilà moins de quinze jours, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme pour violation de l'article 2 de la Convention des droits de l'homme.

Sur le programme « Justice judiciaire », le projet annuel de performance, dont la responsable est la directrice des services judiciaires, comprend 23 indicateurs qui ont pour objet essentiel la mesure des délais de procédure. Le rapport de la Cour des comptes a pourtant souligné en mai 2007 que cet objectif ne pouvait être la seule préoccupation du service public de la justice. Que signifient, en effet, des indicateurs de qualité en matière de décision judiciaire ?

Dans ce même rapport, la Cour des comptes soulignait la nécessité de compléter le projet annuel de performance par un indicateur relatif au nombre de détentions provisoires d'une certaine durée suivies d'un non-lieu. Pas plus que le projet de budget pour 2008, celui de 2009 ne suit pas cette recommandation. Pourquoi donc le ministère refuse-t-il d'intégrer cet indicateur, pourtant simple à mettre en place ?

Je rappellerai aussi les mauvais chiffres de la justice française. Selon un rapport de 2008, la France compte un nombre de magistrats et de parquets qui est parmi les plus faibles d'Europe et elle se situe également en fin de classement pour le nombre de tribunaux – et je ne pense pas que la réforme de la carte judiciaire soit de nature à améliorer ces ratios.

Si considérables que soient les besoins de l'administration pénitentiaire, ceux de la justice judiciaire ne sont pas moins pressants. Dans son rapport de mai dernier, la Cour des comptes souligne qu'à l'issue de la période 2003-2007, les objectifs de la loi d'orientation et de programmation de la justice n'ont été que partiellement atteints, notamment, pour ce qui est des services de la justice, avec des résultats qui représentent 63 % de l'objectif et 47,5 % pour les services judiciaires. Là encore, il faut regretter que les créations d'emplois soient dévolues en grande partie à l'administration pénitentiaire – et l'augmentation très minime de du nombre de greffiers par magistrat que vous avez évoquée ne suffit pas à nous rassurer.

Enfin, pour ce qui concerne le programme de protection judiciaire de la jeunesse – la PJJ –, ce projet de budget ne déroge pas à la tradition du gouvernement précédent et du premier budget que vous avez vous-même présenté, madame la garde des sceaux. Le budget de la PJJ affecté aux mesures rééducatives et aux milieux ouverts pâtit en effet de la priorité accordée aux mesures mises en oeuvre en direction des mineurs délinquants, qui reçoivent 62 % de ce budget, contre 18,61 % pour les mineurs ou les jeunes majeurs en danger. L'écart ne cesse de se creuser, car ce rapport était l'an dernier de 50 % contre 30 %.

Si cet écart nous préoccupe, il ne nous étonne pas, car il est sans doute la traduction chiffrée des priorités gouvernementales. Le primat de l'éducatif sur le répressif n'existe déjà plus, ce qui confirme la commande que vous avez passée auprès de la commission Varinard pour la réforme de l'ordonnance de 1945. La circulaire d'orientation budgétaire de rentrée de l'administration centrale de la PJJ impose d'ailleurs le positionnement des services de la PJJ au pénal exclusivement, ce qui est fort préoccupant.

Ce budget, je le répète, est bien en deçà des besoins des justiciables, des personnels et des personnes condamnées à des peines de prison, et certaines de ses dispositions nous préoccupent.

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