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Intervention de Dominique Raimbourg

Réunion du 28 octobre 2008 à 9h00
Commission élargie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Raimbourg :

Le groupe socialiste ne partage malheureusement pas votre optimisme, madame la garde des sceaux. Pour nous, votre budget apparaît d'abord comme décevant, ensuite comme inquiétant et, enfin, en dépit de tout le respect que l'on doit à votre fonction, comme déraisonnable par certains aspects.

Il est décevant parce que, au-delà de l'effet d'annonce sur son augmentation, cette dernière porte avant tout sur l'administration pénitentiaire. C'est sans doute nécessaire, mais cela signifie que les autres actions de la justice ne sont pas prises en compte. J'en veux pour preuve la baisse des crédits affectés à la protection judicaire de la jeunesse. On nous dit que cette baisse résulte de la concentration de la PJJ sur sa mission, qui est la mission pénale, mais rien n'est chiffré alors que, de plus, une partie de la mission pénale est effectuée par des associations qui, elles, vont percevoir des crédits.

Le budget nous paraît ensuite inquiétant. La première raison tient au fait qu'il n'y a pas d'anticipation des différentes réformes.

D'abord, il n'y a pas d'anticipation de la réforme Guinchard. Quelques volets en ont été votés dans le cadre de la loi de simplification du droit, mais quel sera le coût de cette réforme ? Y aura-t-il des gains ou des pertes de production et de productivité ? Nous n'en savons rien.

Ensuite, il n'y a pas d'anticipation de la réforme du droit pénal mineur, qui est en préparation au sein de la commission Varinard alors que cette dernière pointe du doigt une difficulté importante, qui est celle de la résorption des stocks. La justice des mineurs a accumulé, de façon inégale d'ailleurs selon les tribunaux, des retards importants. La résorption du stock va nécessiter forcément des moyens, notamment en greffes. Il n'y a pas non plus d'anticipation sur les coûts qu'entraînera la réforme de la justice des mineurs pour la remettre à niveau et pour faire qu'à chaque axe corresponde une réponse – ce sur quoi tous les intervenants sont d'accord.

Il n'y a pas non plus d'anticipation sur le coût prévisible de la réforme des avoués. Comment va-t-on accompagner le reclassement des 2 500 personnes qui travaillent dans les études d'avoués et, au-delà, comment va-t-on participer au rachat de charges auprès d'avoués qui les ont achetées et qui, en conséquence, pourront venir se plaindre qu'ils subissent une perte importante ?

Par ailleurs, il n'y a que peu d'anticipation sur les conséquences immobilières de la réforme de la carte judiciaire. Comment va-t-on loger et installer les personnels déplacés ?

Il n'y a également que peu d'anticipation sur les transferts. Vous nous indiquez, madame la garde des sceaux, que la baisse en matière d'aide juridictionnelle, notamment en matière civile, résulte d'une intervention de la médiation. Tout le monde se félicite de cette dernière, mais pour l'instant les solutions sont pour l'essentiel expérimentales, sachant également qu'il est fait appel à des bonnes volontés, souvent bénévoles. Comment à l'avenir seront financées les mesures de médiation, au cas où des mesures seraient prises et s'il y a généralisation ? Là encore, nous n'avons pas de réponse.

Votre budget présente également peu d'anticipations quant aux préconisations à venir de la commission Darois, mais il s'agit certes là d'une réforme qui n'est pas encore aboutie et il est probable que cela ne coûtera rien.

Les réformes de la justice commerciale envisagées un temps en vue d'unifier le contentieux commercial et, à dire vrai, de rectifier certaines erreurs des tribunaux de commerce, ne figurent pas non plus dans ce budget.

Enfin, votre budget n'apporte pas de réponse à l'ambiance revendicative et désenchantée que nous avons pu constater lors des auditions auxquelles nous avons procédé et qui se manifeste chez les magistrats et, bien plus largement, chez les fonctionnaires de greffe. Comme l'a exprimé en termes feutrés le rapporteur, M. Jean-Paul Garraud, ces derniers sont mécontents de leur sort, notamment de ne pas bénéficier des primes attribuées aux magistrats, qui correspondent en outre à un surcroît de production. Parfois, ils sont aussi mécontents et jaloux de l'incorporation des fonctionnaires de catégorie C – qui, si elle est nécessaire, se fait parfois au détriment de ceux qui estiment avoir fait l'effort de faire des études. Cette ambiance n'est pas bonne. Pour remédier aux difficultés de la justice, il serait nécessaire d'augmenter le personnel de greffe ou d'engager un grand travail de réorganisation – un cabinet d'audit parlerait de « management » – du travail au sein des juridictions, mais cela ne semble pas avoir été anticipé.

En dernier lieu, ce budget nous paraît par certains aspects déraisonnable, car il ne répond pas à la question de la surpopulation carcérale. Les effectifs du personnel chargé du suivi de détenus à leur sortie augmentent peu. Il est révélateur de constater que, s'il existe un indicateur de réitération pour les mineurs, il n'en existe pas pour les sortants de prison. Oubli ? Difficulté technique ? Il me semble surtout que la sortie de prison n'est pas envisagée. Il en va de même pour la récidive et pour la libération conditionnelle. Vous évoquez les aménagements de peine, mais la plupart de ceux-ci sont conçus comme devant s'appliquer avant l'incarcération et il n'y a pas de mesure des aménagements de peine à la sortie. Il existe peu d'indicateurs relatifs aux libérations conditionnelles. Selon vous, le chiffre en serait de 10 %, mais il part de très bas, ce qui signifie qu'il n'y a pas de solution pour accélérer la sortie de prison dans un sens favorable à la prévention de la récidive et à la protection des victimes – deux aspects liés. De fait, la sortie de prison sèche est grave, car elle favorise la récidive et est potentiellement porteuse de victimes à venir. Vous nous dites, madame la garde des sceaux, que vous n'avez pas de solution, mais c'est vous qui menez la politique pénale et décidez des réquisitions que vous demandez à vos parquetiers et aux procureurs. Vous savez d'ailleurs le faire pour les peines planchers – encore que le peu de poids des 14 000 peines planchers prononcées face à 500 000 peines correctionnelles puisse inviter à s'interroger sur l'utilité de ces formules.

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