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Intervention de Rachida Dati

Réunion du 28 octobre 2008 à 9h00
Commission élargie

Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice :

Il y aura 12 000 bracelets électroniques, auxquels s'ajouteront toutes les autres formes d'aménagement de peine. Une libération conditionnelle, une semi-liberté, une assignation à résidence n'ont pas nécessairement lieu sous bracelet.

Politique pénitentiaire, politique pénale, protection judiciaire de la jeunesse pour les mineurs, laquelle va être renforcée, à la suite du rapport qui nous sera remis d'ici la fin novembre, telle est la ligne que nous suivons.

J'en viens à la réforme organisationnelle de la justice. Une mission d'évaluation de la réforme de la carte judiciaire a bien été créée au sein du ministère : cette réforme fera économiser 300 emplois. La réforme des contentieux, suite notamment aux recommandations du rapport Guinchard, permettra, elle, une économie de 500 emplois. Quant aux nouvelles technologies, mises en oeuvre depuis le 1er janvier 2008, elles feront, elles, gagner 200 emplois.

Vous avez raison, nous souhaitons accélérer la mise en oeuvre de la réforme de la carte judiciaire – non pour le principe, mais parce que cela peut s'avérer nécessaire. Des chefs de cour nous ont ainsi signalé que certains tribunaux d'instance manquaient qui de magistrats, qui de greffiers et de fonctionnaires, et nous ont demandé d'anticiper leur fermeture ou leur regroupement. C'est ce que nous sommes en train de faire.

Par ailleurs, les plus touchés par la réforme ne seront pas les magistrats, mais les greffiers et les fonctionnaires des services, qui sont souvent depuis très longtemps en poste et ont des charges de famille. Je serai extrêmement attentive aux situations individuelles. Pour y répondre, nous prendrons des mesures d'accompagnement social, ainsi que des mesures dérogatoires pour certains cas exceptionnels.

Certains barreaux nous ont également demandé d'aller plus vite, car ils souhaitent se réorganiser dans le cadre de regroupements.

Concernant la réforme du contentieux, de nombreuses mesures de simplification du droit ont déjà été proposées dans le cadre de la proposition de loi déposée par Jean-Luc Warsmann. Elles visent à « déjudiciariser » plusieurs contentieux et à en simplifier d'autres, comme les affaires familiales. Des mesures complémentaires feront l'objet d'une prochaine proposition de loi au Sénat.

Au final, la réforme de la carte judiciaire bénéficiera d'une enveloppe globale de 375 millions d'euros, dont 70 millions pour la seule année 2009. Le budget total de la Justice s'élève pour 2009 à 6,6 milliards d'euros, en hausse de 177 millions par rapport à 2008 – soit 2,6 % –, qui fait suite à une précédente augmentation de 4,5 %. L'augmentation est de 4,1 % pour l'administration pénitentiaire, qui est une de mes priorités, et de 3,8 % pour le service judiciaire, la diminution des crédits dévolus à la protection judiciaire étant liée au recentrage de ses missions. Au total, on compte 952 créations nettes d'emplois.

5 130 places de prisons supplémentaires seront ouvertes en 2009 ; l'objectif des 63 000 places en 2012 sera atteint, compte tenu des 12 000 bracelets électroniques.

Par ailleurs, il y aura 170 conseillers d'insertion et de probation supplémentaires en 2009 ; nous avons répondu favorablement à la quasi-totalité de leurs demandes sur leurs missions.

Quant au recrutement de personnel pénitentiaire, il bénéficie des effets de la campagne de communication que nous avons lancée, puisque nous dénombrons cette année 24 000 candidats.

S'agissant des aménagements de peines, leur nombre va tripler ; il y aura en 2009 6 500 bracelets électroniques disponibles, contre 4 000 aujourd'hui.

S'agissant des mineurs – qui sont généralement traités, à tort, comme des primo-délinquants –, je souhaite améliorer le taux de réponse pénale de manière à atteindre l'objectif d'une réponse pour chaque infraction. Ce taux a déjà été amélioré de près de dix points en cinq ans, tandis que la population carcérale des mineurs a diminué de 3 % depuis le début de l'année. La délinquance des mineurs ne régresse pas, mais nous ne disposons pas des outils juridiques adaptés pour y faire face. L'ordonnance de 1945 n'est pas suffisante : il est impératif d'avoir un texte adapté à la situation de 2008.

Au 24 octobre 2008, on comptait 210 médecins coordonnateurs, contre 145 début 2007. Les postes ont été rendus plus attractifs, grâce à une augmentation de l'indemnité annuelle de 64 %, à hauteur de 700 euros. Par ailleurs, leurs missions ont été réorganisées : aujourd'hui le médecin coordonnateur pourra suivre 20 personnes au lieu de 15.

S'agissant des primes modulables, nous avons décidé de les instaurer, comme cela nous avait été demandé l'année dernière. Le président de l'USM, Bruno Thouzellier, avait alors convenu qu'il fallait choisir : soit augmenter le régime indemnitaire, soit créer des postes. En 2008, j'avais privilégié la seconde option, avec la création de 187 postes de magistrats, et autant de greffiers.

Créer des postes de magistrats sans créer des postes de greffiers n'a aucun sens. Il ne s'agit pas pour autant d'aboutir à une égalité parfaite entre le nombre des greffiers et celui des magistrats ; simplement, pour les activités juridictionnelles, la présence d'un greffier par magistrat est impérative.

Pour 2009, une enveloppe de 2,9 millions d'euros a été dégagée, grâce aux économies réalisées sur les postes de magistrats, afin de revaloriser le régime indemnitaire. Reste à déterminer comment sera mise en oeuvre la modulation.

Nous procédons donc bien à une revalorisation de la fonction de greffier, en reprenant d'ailleurs la proposition de la commission Guinchard d'un greffier juridictionnel, sur le modèle allemand.

Quant au paiement des heures supplémentaires, actuellement, les fonctionnaires des services judiciaires ne peuvent que les récupérer. J'ai donc demandé que l'on prépare des textes visant à leur donner le choix entre paiement et récupération. La charge de travail des 22 000 greffiers et fonctionnaires du ministère de la justice a beaucoup augmenté ces dernières années. Il faut en tenir compte, et cela se traduira également dans la modulation qui sera proposée.

En ce qui concerne le rapport fonctionnairesmagistrats, il y aura, en 2009, 150 greffiers supplémentaires pour 59 nouveaux magistrats. Nous rattrapons donc notre retard en la matière. Les nouveaux postes de magistrats incluent des postes de juges d'application des peines.

S'agissant de l'École nationale de la magistrature, sa scolarité restera de 31 mois. Le conseil d'administration du 19 septembre dernier a adopté le principe d'une réforme visant à ouvrir l'École sur la société et à diversifier les profils des magistrats. La formation de portera plus sur des fonctions, mais sur des compétences. En outre, des tests de personnalité seront organisés à l'entrée. Certains dysfonctionnements judiciaires découlent en effet d'une mauvaise orientation des magistrats. Ce n'est pas un métier facile. On peut parfois être surpris par la fonction, notamment quand il faut organiser des transports criminels ou instruire des affaires de moeurs particulièrement choquantes. Cela suppose d'être bien équilibré et de savoir prendre du recul. Quant aux questions pédagogiques, un conseil d'administration doit se prononcer dessus le 25 novembre prochain.

La participation de l'École nationale de la magistrature aux pensions constitue une nouvelle dépense de 6 millions d'euros. Un dialogue de gestion est en cours afin d'en assurer le financement pour 2009. La décision sera prise d'ici à la fin de l'année.

S'agissant de l'aide juridictionnelle, les admissions ont diminué de 1,2 % en 2007, la baisse concernant pour l'essentiel le civil. Il est vrai que les médiations, les conciliations ont beaucoup augmenté et qu'il est moins fait recours au juridictionnel. En tout cas, il y a eu une baisse dans ce domaine en 2007.

J'en viens au plan suicide. Je le dis de manière claire, l'aspect médiatique n'est pas en l'occurrence négligeable : il est important de parler de tout. Les Français ont besoin de savoir où sont les détenus, comment ils sont condamnés et la façon dont les peines sont exécutées en prison. C'est pourquoi je demande que les prisons soient le plus ouvertes possible à la presse. C'est d'ailleurs une discussion que j'ai eue avec les personnels de l'administration pénitentiaire : ils ne peuvent pas être dénigrés, mal aimés et, en même temps, dans l'impossibilité de montrer la réalité des choses. Cela étant, les prisons ne sont pas que des endroits d'horreur.

Certes, il y a des drames. Il y a eu en 1999 et en 2000 des pics de suicide. Pour autant, il n'est pas vrai que les pics de suicide actuels n'ont jamais été atteints. Malheureusement, on a connu pire. Toutefois, s'il ne devait y avoir qu'un seul suicide au cours de l'année, ce serait grave. Cela nous place face à nos responsabilités : c'est à chaque fois un sentiment d'échec.

Le taux de suicides a néanmoins baissé de 20 % en cinq ans. L'administration pénitentiaire est beaucoup plus formée à la prévention du suicide, tandis que la médecine entre de plus en plus dans les prisons. Il y avait en effet une vraie difficulté d'ordre culturel avec la santé en prison. Pour tout ce qui est psychiatrique notamment, les médecins disent que certains soins ne peuvent être opérants quand le malade est entravé.

Des mesures ont donc été prises. D'abord, des rondes spéciales ont été instituées pour surveiller les détenus particulièrement fragiles. Ensuite, toujours en matière de prévention du suicide, on peut emprisonner un détenu avec un autre détenu. C'est un moyen de prévenir le suicide de faire que la personne en question se sente moins seule.

J'ai inauguré hier un bâtiment à Fleury-Mérogis, où les cellules sont dotées de l'interphonie afin que le codétenu puisse appeler en cas de difficulté. L'interphonie va donc être généralisée dans les établissements pénitentiaires.

Quant aux détenus qui présentent un danger pour les autres et pour eux-mêmes, la solution est d'avoir des surveillances spéciales, des rondes adaptées. J'ai donné comme instruction qu'il y ait une surveillance toutes les deux heures, mais cette instruction peut être adaptée en fonction des détenus. À Fleury-Mérogis, c'est toutes les heures.

Pour ce qui est des derniers drames ayant frappé des mineurs, le problème n'était d'ailleurs pas lié à la surpopulation ou au fait d'avoir un codétenu.

Lors de la dernière affaire, j'ai entendu parler de chantage au suicide : parce qu'il voulait changer de cellule où il était seul, un détenu se serait finalement suicidé.

Il faut savoir qu'il y a aussi des détenus qui présentent des risques pour autrui. Tel est le cas des détenus qui en agressent d'autres sexuellement. Il peut y avoir un chantage au suicide, mais on ne peut pour autant mettre le détenu qui fait ce chantage avec ce type de détenus. Il pourra être suivi par un médecin, mais, en attendant, une surveillance spéciale doit être mise en place.

Tout n'est pas simple : tout n'est pas forcément la faute de l'administration pénitentiaire. On ne met pas par hasard un détenu tout seul dans une cellule.

Par ailleurs, certains détenus, notamment ceux emprisonnés pour des affaires de banditisme, veulent choisir les personnes avec lesquelles ils veulent partager une cellule. Pour que cela soit le cas, ils n'hésitent pas à recourir au chantage.

Tout n'est donc pas limpide. Il faut faire attention à l'interprétation que l'on peut avoir de ce type de drame.

Il est dans ces conditions important de diligenter les inspections. J'y tiens et je continuerai à le faire. Il convient également de connaître toutes les circonstances qui conduisent à des suicides. On s'est par exemple rendu compte que s'il y a des médecins dans les services médico-psychologique régionaux – SMPR –, qui interviennent dans les centres pénitentiaires, il n'y a pas de médecin référent mineurs là où existent des quartiers de mineurs. Or il peut être important de disposer d'un médecin en charge des mineurs, notamment pour la détection du risque du suicide. Aussi, j'ai pris la décision de demander que là où il y a des mineurs, il y ait un médecin référent mineurs.

Dans le cadre des dernières inspections, nous avons aussi découvert que, souvent, les SMPR ne sont pas ouverts la nuit ou bien qu'un problème de permanence s'y pose la nuit : l'administration pénitentiaire peut faire passer un mineur devant un médecin, mais ce n'est que le lendemain matin qu'il sera affecté au SMPR. C'est tout l'intérêt des inspections que de pouvoir détecter de tels dysfonctionnements.

Les médecins l'ont fait également remarquer : les procès médiatiques provoquent des suicides. Pendant le procès Fourniret, seize suicides de délinquants sexuels – des pédophiles – ont été dénombrés.

Outre le médecin référent et les rondes spéciales, il faut aussi mettre en place la grille d'évaluation de prévention du suicide pour les mineurs. Elle sera diffusée à compter du 1er novembre.

Il convient également de rappeler la décision que j'ai prise en matière de pouvoir d'affectation des directeurs d'établissement. Le débat a eu lieu à la suite du meurtre qui a eu lieu à Rouen. Selon le code de procédure pénale, la décision d'affectation revient au chef d'établissement, sauf avis contraire médical. Le chef d'établissement est donc obligé d'affecter en fonction de l'avis médical. À Rouen, l'avis médical avait conclu que le détenu en question ne devait pas rester tout seul. Bien que l'administration ait constaté que ce détenu avait agressé à plusieurs reprises des codétenus dans la cour et souligné qu'elle le considérait comme dangereux, les médecins ont estimé non seulement qu'il ne présentait pas de signe de dangerosité, mais que, de plus, ce détenu devait être placé avec un autre en raison de ses tendances suicidaires.

C'est tout le débat entre dangerosité criminologique et dangerosité psychiatrique. Une mission a donc été lancée avec des médecins et la pénitentiaire sur cet aspect de dangerosité car, si agresser régulièrement un codétenu dans une cour en lui portant des coups de stylo n'est pas de la dangerosité, il y a pour le moins un risque pour l'autre détenu.

J'ai donc précisé aux chefs d'établissement que s'il y a une dangerosité constatée, ce sont eux qui affectent.

Dans le cas de Rouen, l'expertise indiquait qu'il n'y avait pas de dangerosité criminologique bien que la personne soit détenue pour meurtre : elle avait donné vingt-neuf coups de couteau à sa victime. Elle était passée à l'acte après une pulsion, mais elle n'était pas dangereuse ! À cet égard, il faut bien savoir que l'administration pénitentiaire ne dispose pas du dossier pénal du détenu : elle ne pouvait donc savoir que le détenu en question avait tué quelqu'un de vingt-neuf coups de couteau. Elle ouvre simplement un dossier sur son comportement pendant la détention. Les médecins ont accès au dossier pénal, mais pas l'administration pénitentiaire.

On pointe parfois cette dernière du doigt, mais elle ne dispose pas non plus de toutes les informations. Elle fait ce qu'elle peut en fonction de la loi et des règlements qui s'imposent à elle.

Aujourd'hui, s'ils constatent une dangerosité, les chefs d'établissement affectent donc eux-mêmes, et ce en dépit d'un avis médical contraire.

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