Pour l'avoir constaté lors de mes nombreux déplacements sur le terrain, je sais que malheureusement la formation professionnelle et l'accompagnement social ne sont pas encore « entrés » en prison. On ne peut toutefois pas blâmer les collectivités. En effet, les détenus ne sont pas ou très peu responsabilisés, et, sur ce point, la future loi pénitentiaire apportera des améliorations, en permettant par exemple qu'ils puissent élire domicile dans leur établissement pénitentiaire. Aujourd'hui, ils doivent passer par une association, qui doit elle-même trouver une personne acceptant de les domicilier pour la moindre démarche administrative. Toute la chaîne se trouve ainsi rallongée du fait de cette simple impossibilité d'élire domicile dans un établissement pénitentiaire. Une fois cet obstacle levé, les détenus pourront écrire eux-mêmes au conseil général, à un service d'aide sociale, s'inscrire à l'ANPE ou dans une mission locale, recevoir directement un courrier. Aujourd'hui, les courriers arrivent souvent trop tard, la date des rendez-vous étant parfois dépassée ou si proche que les magistrats n'ont pas en mains tous les éléments nécessaires pour en juger du bien-fondé et accorder aux détenus la permission de sortie qui leur serait nécessaire pour les honorer. La possibilité pour les détenus d'élire domicile dans leur centre de détention sera un facteur de responsabilisation. L'ANPE et les missions locales ont certes mis en place des « points emploi » dans les prisons -on en compte une soixantaine à ce jour. Mais les entreprises d'insertion, qui seraient pourtant particulièrement bien adaptées au public concerné, n'ont pas accès aux prisons. La future loi pénitentiaire le permettra : nous avons, à titre expérimental, signé diverses conventions avec le MEDEF, de façon que des PME puissent offrir des formations ou des emplois à des détenus. Il faut faire de même avec les entreprises d'insertion et les régies de quartier, qui ont une grande expérience de l'accompagnement social.
Notre seul objectif est de lutter contre la récidive, en responsabilisant davantage les détenus et en les aidant à se réinsérer. Mais il faut savoir que l'aménagement des peines n'est pas une idée populaire dans l'opinion publique, qui, plusieurs études l'ont montré, préférerait que l'éducation, la formation et l'emploi bénéficient en priorité à d'autres qu'aux détenus. C'est d'ailleurs bien pourquoi toute polémique sur ces sujets est irresponsable. Nous ne pouvons laisser s'enfoncer davantage une population carcérale, déjà de plus en plus déstructurée à son arrivée en prison. Il nous faut sans cesse expliquer, de la manière la plus pédagogique possible, et j'ai besoin de la représentation nationale sur ce point, qu'éduquer, former, donner un emploi aux personnes détenues contribue largement à la lutte contre la récidive.
De 2002 à 2007, on dénombrait 2 000 aménagements de peine par an – y compris les grâces collectives et les réductions automatiques de peine. Du 1er juillet 2007 au 1er juillet 2008, on en a dénombré 7 000, alors même que la politique pénale est plus ferme, les condamnations à de la prison ferme plus lourdes et d'une manière générale, les peines mieux exécutées.
J'ai institué des conférences régionales d'aménagement des peines, au cours desquelles tous les acteurs concernés se mettent autour de la table, seul moyen, à mes yeux, d'augmenter le nombre d'aménagements de peine. Il faut ici rappeler que cet aménagement n'est ni une mesure administrative ni une instruction : c'est un magistrat du siège qui en décide. Lorsqu'on y met les moyens nécessaires et qu'on en a la volonté politique, on obtient des résultats. J'ai donc bien l'intention de poursuivre dans cette voie, et c'est pourquoi je continuerai à me rendre régulièrement dans les établissements pénitentiaires. En effet, tout n'est pas question seulement de moyens. Il faut sans cesse réaffirmer la volonté, de façon que jamais l'effort ne se relâche.
Il est une autre forme d'aménagement des peines tout à fait intéressante, le port d'un bracelet électronique. En effet, certaines personnes se trouvent condamnées à de la prison ferme, pour une courte période, simplement parce qu'on n'a pas de garantie absolue sur leur adresse, notamment quand elles disent résider dans leur famille ou être provisoirement hébergées le temps de trouver un appartement. Dans ces cas, le bracelet électronique offre une solution alternative intéressante : c'est ce que j'appelle la « prison hors les murs ». Nous aurons 13 200 places de prison de plus d'ici à 2012, mais à cette date, il y aura 12 000 places de « prison hors les murs », avec les bracelets électroniques. Nous ne construisons pas des prisons pour le plaisir de construire des prisons : nous voulons que les personnes condamnées exécutent leurs peines mais avec des moyens modernes, en prison lorsque cela est nécessaire, dans le cadre d'une peine aménagée lorsque cela est possible, la panoplie étant ici très vaste – semi-liberté, libération conditionnelle, chantiers extérieurs, permissions de sortie, unités de vie familiale qui permettent de maintenir les liens familiaux, bracelets électroniques… Ceux-ci vont être plus largement utilisés grâce au décret que j'ai pris en ce sens en août 2007.