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Intervention de Rachida Dati

Réunion du 28 octobre 2008 à 9h00
Commission élargie

Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice :

Je vous remercie pour ces questions pertinentes et précises, qui sont une nouvelle illustration de la nécessité de réformer la justice. En effet, comme le montrent les débats budgétaires des législatures précédentes, ce sont les mêmes questions qui reviennent depuis des années.

Il est vrai qu'il est très compliqué de réformer la justice, qui est un secteur sensible, d'autant que le ministère regroupe plusieurs administrations extrêmement différentes, avec des statuts tout aussi divers. Les missions du ministère sont également différentes, certaines étant garanties constitutionnellement. L'organisation même de la magistrature obéit à des principes constitutionnels, tels que celui de la distinction entre le parquet et le siège, qui génère des statuts différents. Les magistrats du siège sont eux-mêmes répartis en juges d'instruction, juges d'application des peines, juges pour enfants. Toutes ces missions différentes ne peuvent pas faire l'objet d'une réforme globale.

L'administration pénitentiaire relève elle aussi du ministère de la justice, comme on a trop tendance à l'oublier. Pendant longtemps, le débat sur la pénitentiaire a porté sur le nombre de constructions de places de prison et on a fait l'économie d'une interrogation sur la mission de cette administration. Finalement, la prison n'étant qu'un moyen de son accomplissement. La question de la surpopulation carcérale n'est du reste pas nouvelle. De 1987 à 2002, peu de places ont été construites, l'opinion publique et les parlementaires n'ayant pas toujours souhaité suivre les programmes de construction de places proposés. De ce fait, le problème de surpopulation des prisons dépasse largement les frontières partisanes.

Les greffiers et autres fonctionnaires sont tout aussi nécessaires à l'exécution de la mission de justice. La justice ne se réduit pas à la magistrature.

La mise en oeuvre de la justice des mineurs se heurtent à des problèmes spécifiques notamment celui de l'articulation entre civil et pénal – il n'y a pas de parcours global du mineur –, problèmes dus au fait que la mission de la protection judiciaire de la jeunesse est trop large. Les travaux de la commission sur la réforme de l'ordonnance de 1945 permettront de faire avancer cette question en contribuant à une vision globale de la justice des mineurs. Il vaut mieux, à mon sens, concentrer, et le plus en amont possible, les moyens au bénéfice du traitement pénal de ces mineurs déstructurés que sont les mineurs délinquants – pour autant, cela n'exclut pas le civil –, plutôt que de les disséminer sur l'ensemble des jeunes délinquants. Mais cela suppose qu'on assigne une mission claire à la PJJ.

La justice étant là pour assurer la sécurité des Français – je rappelle qu'un tiers des 3,5 millions de décisions de justice rendues sont de nature pénale –, notre réforme de la justice doit permettre une politique pénale claire et réellement appliquée : une politique pénale efficace ne saurait se limiter à de l'incantation. Tel est l'objectif des peines planchers : aujourd'hui 14 000 décisions ont été prononcées sur le fondement de la loi du 10 avril 2007 sur la récidive, les peines minimales représentant 50 % du total et l'application de la loi étant de 100 % dans certains tribunaux.

Cette lutte contre la récidive, qui doit également présider à la politique pénitentiaire, a donné des résultats probants en termes de baisse de la délinquance, puisque la délinquance générale a baissé de 4 %, la délinquance sur la voie publique de 8 % et, ce qui n'était pas arrivé depuis 1995, les atteintes aux personnes de 1 % – et depuis mars 2008, cela continue de diminuer. De nombreuses études faisant état d'un taux d'exécution trop faible des courtes peines, on a souhaité une politique pénitentiaire plus ferme, afin que la détention soit mise à profit pour lutter contre la récidive.

On ne peut pas m'accuser de vider les prisons alors que nous avons supprimé les outils tels que les grâces collectives, la réduction automatique des peines ou les lois d'amnistie, qui ont été utilisés pendant des années dans ce but. Le meilleur moyen de lutter contre la récidive réside dans l'aménagement des peines. Cela exige plus d'éducation, plus de formation, mais aussi une plus grande responsabilisation des détenus. Nous avons, par le biais d'expérimentations, anticipé plusieurs des mesures qui figurent dans la loi pénitentiaire, mais inutile de dire que nous avons besoin de ce texte.

La formation professionnelle est un outil de réinsertion majeur, bien adapté à la population carcérale, notamment celle condamnée à de courtes peines. J'invite donc les régions, presque toutes dirigées par la gauche, à ne surtout pas en faire un enjeu politicien. La formation professionnelle est aujourd'hui accessible à tous, sauf aux détenus, ce qui est tout de même fort dommage. L'anticiper en détention favorise pourtant toutes les mesures d'aménagement de peines. Je considère personnellement la libération conditionnelle comme l'un des meilleurs outils de réinsertion et de lutte contre la récidive : les récidives sont extrêmement rares chez les détenus qui ont bénéficié d'une libération conditionnelle, et si d'aventure cela se produit, le retour en prison du condamné est automatique, ce qui est extrêmement dissuasif. Hélas, seules quatre régions, volontaires, expérimentent aujourd'hui – avec succès – la réinsertion des détenus par le biais de la formation professionnelle. Je ne suis pas pour ma part, favorable à l'idée d'un RMI pour les détenus, que d'aucuns ont pu évoquer, l'activité, qu'il s'agisse d'un travail ou d'une formation, me paraissant un meilleur outil de réinsertion. Le nombre des libérations conditionnelles, qui a stagné pendant cinq ans, a augmenté de 10 % depuis un an, ce qui représente une progression considérable vu les contraintes, largement imputable à la réinsertion par la formation professionnelle.

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