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Intervention de Jérôme Lambert

Réunion du 20 mai 2009 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Lambert :

Ainsi que le rapporteur pour avis l'a souligné, le présent projet de loi constitue un texte majeur. Le cadre législatif de la gendarmerie était ancien et n'avait pas été modifié depuis longtemps. Pourtant je reste dubitatif, voire plus que cela, sur certains points...

Je suis bien sûr favorable à la coopération entre nos forces de police et de gendarmerie ; or cette coopération s'exerce de longue date et s'est améliorée ces dernières années. Je suis également favorable à la mutualisation car il est intéressant que ces deux forces achètent les mêmes matériels et les mêmes équipements ; or cette politique de mutualisation est déjà conduite. Le présent texte n'était donc pas nécessaire.

Le projet de loi pose le principe du rattachement à une seule autorité ministérielle des deux grandes forces de sécurité de notre pays, la police et la gendarmerie. C'est une organisation tout à fait nouvelle, nos institutions faisant traditionnellement coexister plusieurs forces de sécurité, lesquelles ont toujours été rattachées à deux ministères différents – le caractère civil de l'une et militaire de l'autre a facilité la dissociation.

Cette différenciation n'est pas propre à la France, elle existe de manière assez générale dans l'ensemble des pays auxquels nous pouvons nous référer en matière de démocratie : la plupart d'entre eux disposent de plusieurs forces de sécurité. Toutefois, ce n'est pas forcément par le caractère civil ou militaire de leur statut qu'elles diffèrent : l'Allemagne, par exemple, dispose de forces fédérales et de forces locales. Quoi qu'il en soit, le résultat est à peu près toujours le même : les forces de sécurité ne relèvent jamais d'une seule autorité, organisation qui n'empêche pas pour autant les coopérations et les mutualisations, comme c'est le cas aujourd'hui en France.

Cette réunion de l'ensemble des forces de sécurité sous la même autorité correspond à la volonté du Président de la République, volonté qui était déjà la sienne quand il était ministre de l'intérieur – certains de ses prédécesseurs à ce poste ayant peut-être eu la même idée. Les auditions auxquelles nous avons procédé ont montré que la volonté initiale ne provenait ni de la gendarmerie, ni de la police. Et si le directeur général de la gendarmerie nationale soutient ce projet, la plupart de ses prédécesseurs font part de leurs réticences, tandis des généraux appartenant au cadre de réserve se plaignent de cette évolution dans des tribunes libres publiées dans la presse. La police non plus n'est pas favorable au projet de loi, des syndicats de police appelant même à la fusion !

Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez rappelé les propos de M. Nicolas Sarkozy, selon lesquels il n'y aura pas de fusion tant qu'il sera Président de la République. Toutefois, ce projet de loi ouvre la porte à la fusion et en permettra la réalisation un jour : c'est d'ailleurs l'inquiétude du directeur général de la police nationale. Tant dans la police que dans la gendarmerie, des personnes sont inquiètes, s'interrogent sur les raisons d'être de ce texte, disent qu'il n'était pas nécessaire, rappellent qu'aucun des deux corps ne le réclamait…mais indiquent qu'ils appliqueront cette réforme aussi bien que possible.

Le texte issu du Sénat est un peu meilleur que celui du Gouvernement : il apporte des précisions utiles. Les amendements du rapporteur pour avis tendent eux aussi à améliorer les dispositions du projet de loi. Il n'en demeure pas moins que, pour moi, ce texte présente le défaut originel de vouloir un rattachement qui n'est sans doute ni nécessaire ni très utile. Il porte peut-être en lui les germes d'un système particulier que nous serons pratiquement les seuls dans le monde occidental à mettre en oeuvre : la subordination de l'ensemble des forces de sécurité à une seule autorité.

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