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Intervention de Jean-Paul Charié

Réunion du 15 janvier 2008 à 16h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Charié, rapporteur :

a remercié le président Patrick Ollier d'avoir accompagné ses travaux sur le lobbying, menés depuis un an avec plusieurs députés et près de 350 lobbyistes. Il a annoncé qu'après une présentation rapide des enjeux, il ferait des propositions et insisterait sur la dimension locale du lobbying.

Avec humilité, les parlementaires doivent admettre qu'ils ne peuvent tout savoir seuls. Ils doivent prendre régulièrement l'avis et les conseils de ceux qui ne sont pas des politiques. Au-delà des clivages gauche droite, il faut sortir de l'isolement des politiques, du chacun pour soi.

Le lobbying ne concerne pas seulement le monde des entreprises, mais aussi celui de la culture, du tourisme, etc.

Le premier enjeu est l'amélioration du travail parlementaire, qu'il s'agisse de la qualité de la rédaction des lois ou du suivi de leur application. Le deuxième enjeu est celui du bon fonctionnement de la cité. Le troisième consiste à favoriser le lobbying, malgré les craintes qu'il suscite : le lobbying bien compris doit être défendu, et les attitudes inacceptables de certains groupes d'intérêts sanctionnées.

Le lobbying bien compris ne correspond pas à une fonction commerciale. Il ne doit pas non plus se substituer à l'action politique, mais informer les élus, de la majorité comme de l'opposition, sans pression ni confusion des genres. Les lobbyistes doivent avoir un sens aigu de l'information et de la communication, et connaître les contraintes des élus pour que leurs informations soient exploitables par les parlementaires.

Pour développer le lobbying en France, il n'est pas nécessaire de passer par un texte législatif. L'enrichissement du Règlement de l'Assemblée nationale suffit, et une modification de certaines habitudes.

On peut identifier trois catégories de lobbyistes : ceux qui sont salariés d'entreprise, ceux qui appartiennent à un cabinet de lobbying, et ceux issus d'organisations transversales ou d'associations.

Les principales propositions du rapport sont les suivantes :

– valoriser le lobbying bien compris en France ;

– affirmer une définition du lobbying : pour informer le monde politique, le lobbyiste représente une personne morale privée ou une catégorie spécifique d'acteurs publics. En fournissant au bon interlocuteur, au bon moment, la bonne information, le lobbyiste aide le politique à prendre ses décisions en toute connaissance de cause. Le lobbyiste fournit directement au monde politique les informations ou expertises dont le politique a besoin dans l'exercice de ses missions. Le lobbyiste agit par veille, anticipation ou à la demande de l'acteur politique ; il est un partenaire du politique, mais il ne se substitue pas à lui ; il n'est ni un commercial, ni un chargé des relations publiques. Enfin, le lobbyiste est l'interface entre le monde politique et son commanditaire. Il contribue également à la diffusion, dans l'entité qu'il représente, de l'information émanant du monde politique ;

– établir un code d'éthique, fixant un certain nombre de règles relatives à l'attitude des lobbyistes (respect des usages parlementaires, transparence, objectivité, etc), aux voyages auxquels participent les parlementaires, au statut des lobbyistes et aux incompatibilités (si les élus nationaux ne peuvent être lobbyistes, les collaborateurs parlementaires pourraient contribuer aux échanges d'informations entre groupe d'intérêts et monde politique, dans des conditions strictes) ;

– créer d'un registre parlementaire des lobbyistes ; l'inscription, validée par une structure ad hoc, ouvrirait certains droits d'accès au Parlement ;

– réserver, près de l'hémicycle, une salle aux lobbyistes ;

– leur permettre d'assister aux débats des commissions ;

– organiser leur consultation préalable à la discussion des textes législatifs ;

– publier un annuaire des parlementaires par spécialisation.

Quant au lobbying local, le manque de communication entre les élus d'un bassin d'emploi et les entrepreneurs de la région est consternant. Il faut impérativement que le monde de l'entreprise ose mieux informer l'ensemble des élus, et des candidats aux élections.

Le président Patrick Ollier, indiquant qu'il n'aimait pas être harcelé par les personnes défendant les intérêts particuliers, s'est dit favorable à ce que l'on encadre cette activité ; le nom même de lobbying est d'ailleurs assez négativement connoté.

Comment peut-on caractériser la « bonne information » que le lobbyiste doit fournir ? Comment faire en sorte que cette relation fondée sur la fourniture d'informations ne devienne pas une relation d'influence ? La distinction entre groupe de pression et bon lobbyiste est-elle si claire ?

Par ailleurs, il serait utile qu'un code de déontologie soit mis au point pour éviter les dérapages. L'actuel président de l'Assemblée nationale doit être soutenu lorsqu'il envisage, dans la lignée de son prédécesseur, d'informatiser l'hémicycle : cette révolution technologique doit permettre d'assurer un meilleur lien avec les organisations extérieures au Parlement. Cela ne doit pourtant pas aller jusqu'à l'envoi de courriels, qui pourraient influencer le député dans son vote. Il y a donc une limite ténue entre information et influence.

Après avoir salué un travail intéressant sur un sujet important, M. Jean-Claude Lenoir a rappelé qu'il avait été lobbyiste pour une grande entreprise publique avant d'être député ; il a jugé que cette profession, dont le nom est issu du hall d'un hôtel de Washington où élus et représentants des intérêts privés se rencontraient, était fondamentale pour éclairer le législateur, particulièrement pour le rapporteur d'un texte qui cherche à recueillir tous les avis sur une mesure. Tout député ou rapporteur sait, cependant, garder son indépendance face aux avis qui lui sont soumis : c'est l'honneur du parlementaire d'être à l'écoute mais de privilégier en tout état de cause l'intérêt général.

Il est cependant hasardeux de vouloir organiser les lobbies suivant les axes présentés par le rapporteur : s'il existe des dérapages, ce qui n'est pas évident, ils relèvent du code pénal et non d'un éventuel code de déontologie ; en organisant la profession, on risque d'attirer au contraire des importuns, qui ne s'intéressent qu'en apparence au travail du Parlement, et il faut refuser d'apporter un quelconque concours à leurs initiatives parasites.

En outre, la proposition de créer un registre est dangereuse, dans la mesure où une personne ne figurant pas sur le registre risque d'avoir moins de légitimité à être entendue par un parlementaire. Celui-ci doit au contraire ouvrir sa porte à tout le monde, et faire ensuite la part des choses.

On peut d'ailleurs se demander pourquoi les intérêts privés sont si mal représentés aux alentours de l'hémicycle, alors que l'administration est présente physiquement dans cet hémicycle ; la démarche du rapporteur visant à développer le recours aux lobbies est bien inspirée, mais la proposition du registre semble inutilement restrictive et complexe.

En revanche, l'idée est excellente de prévoir au Parlement un lieu spécialement dédié aux lobbies, afin qu'ils puissent échanger avec les députés et les rapporteurs dans le cadre du vote d'une loi : on en reviendrait ainsi aux origines du terme, et cela permettrait, dans de nombreux cas, d'améliorer la qualité de la loi.

1 commentaire :

Le 05/11/2009 à 16:30, Zouze (citoyen) a dit :

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Une vraie reflexion argumentée et détaillée sur le fonctionnement des lobbies est quelque chose de rare et que l'on ne peut que féliciter! Ces mesures sont-elles désormais en application? Le registre des parlementaires est-il publié quelque part?

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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