, a rappelé que la lutte contre le dopage n'est pas nouvelle en France. Depuis la loi du 1er juin 1965, en passant par les lois du 28 juin 1989 et du 23 mars 1999, jusqu'à la récente loi du 5 avril 2006 ayant institué l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), les pouvoirs publics se livrent à un combat qui, dès l'origine, s'est efforcé d'oeuvrer dans de multiples directions : prévention, dissuasion, répression.
Parce que la France a aussi fait le pari d'une législation évolutive, il convient aujourd'hui, tout en reprenant les interdictions de faits de dopage déjà existantes, de franchir une nouvelle étape. Les dispositions proposées sont pragmatiques : en introduisant une nouvelle infraction pénale de détention de produits dopants et en complétant la liste des incriminations pénales en matière de trafic, ce projet de loi entend améliorer la législation française pour prendre en compte de manière plus large les faits de dopage et tout particulièrement le trafic de produits dopants.
En dépit des avancées réelles réalisées ces dernières années, les différentes autorités en charge des contrôles se trouvent juridiquement démunies dès lors qu'il s'agit d'effectuer des perquisitions, saisies ou gardes à vue pour réprimer la détention de produits dopants, outils pourtant indispensables pour démanteler des filières.
Trois types de difficultés doivent être plus particulièrement évoquées :
– Seuls les produits dopants classés comme vénéneux au sens de l'article L. 5132-1 du code de la santé sont soumis à des règles particulières de détention.
– Le trafic et la détention illicite de produits dopants non vénéneux, tels les dispositifs médicaux, poches de sang, substances expérimentales, ne sont pas pénalisés.
– Le cas particulier du sportif et de son environnement est insuffisamment pris en considération. Or le sportif n'est pas seul : tous les spécialistes insistent aujourd'hui sur la nécessité de prendre en considération l'entourage du sportif :parents, coéquipiers, médecins, thérapeutes, administrateurs sportifs, dirigeants, avocats, agents, voire sponsors, etc. Cette nécessité a aussi été mise en évidence par les grandes affaires de dopage des dernières années, à commencer par l'affaire Festina à l'occasion du Tour de France de 1998.
En pratique, dans le cadre d'une procédure judiciaire visant le démantèlement d'un trafic de produits dopants, c'est sur les seules dispositions du code de la santé publique que pourra être intentée une action. Aux termes de l'article L. 5132-1 de ce code sont définies comme « substances vénéneuses » les substances dangereuses classées selon les catégories définies à l'article L. 5132-2, à savoir : les substances toxiques, nocives, corrosives, irritantes, etc. ; les substances stupéfiantes ; les substances psychotropes ; les substances définies comme présentant un danger direct ou indirect pour la santé. En outre, l'article L. 5432-1 du code de la santé publique punit de deux ans d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende le recours à ces produits.
Mais ce dispositif se révèle insuffisant pour réprimer les trafics en matière de produits dopants. S'il est vrai qu'une part importante des produits dopants entre dans la définition des « substances vénéneuses », ce n'est pas le cas de tous : les transfusions sanguines ne tombent pas sous le coup de cet article.
Outre le fait qu'il vise à combler un vide juridique, ce projet de loi entend aussi prendre en compte la réalité internationale du dopage.
La France a ratifié, le 5 février 2007, la convention internationale contre le dopage dans le sport établie dans le cadre de la Conférence générale de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) le 19 octobre 2005. Cette convention est entrée en vigueur le 1er avril 2007. Elle s'appuie sur le code mondial antidopage établi par l'Autorité mondiale antidopage (AMA).
En outre, la Conférence de Madrid, qui a été organisée du 15 au 17 novembre 2007 par l'Agence mondiale antidopage, a prévu l'entrée en vigueur d'une version révisée du code mondial antidopage au 1er janvier 2009. Or l'article 2.6. du code mondial antidopage révisé prohibe « la possession par un sportif en compétition d'une méthode interdite ou d'une substance interdite, ou la possession hors compétition par un sportif d'une méthode interdite ou d'une substance interdite hors compétitions, à moins que le sportif n'établisse que cette possession découle d'une autorisation d'usage à des fins thérapeutiques (…) ou ne fournisse une autre justification acceptable ». La question des autorisation pour usage à des fins thérapeutiques correspond à un vrai sujet, mais dans une grande mesure distinct du présent projet de loi ; il conviendrait sûrement d'y revenir.
En droit public français, si une convention internationale a valeur supérieure à la loi, elle n'est pas pour autant d'application directe : un acte législatif ou réglementaire est requis. La France se doit, plus que jamais, de conformer sa législation aux dispositions internationales. Cela semble d'autant plus impératif que le fait même de trafic de produits dopants, à l'heure du développement des échanges via internet et des réseaux de crimes organisés transnationaux, revêt une dimension internationale, comme l'a mis en évidence en février 2007 l'étude réalisée par Alessandro Donati sur le trafic international de substances dopantes.
Le présent projet de loi prévoit donc à titre principal deux nouvelles infractions en matière de dopage. D'une part, il crée une infraction nouvelle de détention de produits dopants pour tout sportif, en l'absence de raison médicale dûment justifiée ; cette infraction est punie d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende. D'autre part, il crée une nouvelle infraction de trafic de produits dopants, définie comme le fait, pour toute personne, de produire, fabriquer, importer, exporter, transporter, détenir ou acquérir, aux fins d'usage par un sportif, en l'absence de raison médicale dûment justifiée, des produits dopants. Cette infraction est punie de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende, la peine étant portée à sept ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende lorsque les faits sont commis en bande organisée ou à l'égard d'un mineur.
Dans un souci d'exhaustivité, le projet de loi complète aussi la législation contre le dopage animal en créant une infraction de trafic de produits dopants à l'attention des animaux, impliqués dans un nombre non négligeable de sports. Il complète également la procédure d'échanges d'information entre autorités administratives en prévoyant l'inclusion des agents de l'administration des impôts et de l'Agence française de lutte contre le dopage. À cet égard, il faut rappeler le succès du modèle australien, qui a favorisé de manière exemplaire, avec la création en 2006 d'une nouvelle agence antidopage, les échanges d'information entre autorités antidopage et gouvernementales.
Mais ce projet de loi contient également des dispositions destinées à assurer certaines coordinations et précisions dans le code du sport :
– il consacre la dénomination de l'Agence mondiale antidopage (AMA), compte tenu notamment de l'entrée en vigueur en France de la convention de l'Unesco contre le dopage depuis le 1er avril 2007 ;
– il prévoit que l'Agence française de lutte contre le dopage peut diligenter des contrôles pendant les compétitions et manifestations sportives organisées par toute fédération sportive agréée ;
– il ouvre à l'agence la possibilité de décider du caractère suspensif ou non de sa saisine après l'intervention des décisions disciplinaires des fédérations ;
– il précise que les décisions disciplinaires prises par les autorités compétentes en Nouvelle-Calédonie valent pour l'ensemble des compétitions et manifestations sportives organisées par des autorités compétentes de la République ;
– dans un souci de cohérence, il punit de six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende le fait de ne pas respecter les décisions, au titre du pouvoir de sanction, non plus seulement de l'Agence française de lutte contre le dopage mais aussi de toute fédération sportive.
Bref, ce texte est véritablement utile pour une double raison : il comble un vide juridique en droit français et permettra une répression efficace des trafics de produits dopants ; il répond à une préoccupation internationale en mettant en conformité le droit français avec le code mondial antidopage tel qu'il sera en vigueur à compter du 1er janvier 2009.
Enfin, il faut pour être complet préciser que, comme cela avait été fait dans le cadre de la loi du 5 avril 2006, le projet de loi renvoie à des ordonnances prises par le gouvernement en application de l'article 38 de la Constitution le soin de déterminer les mesures relevant du domaine de la loi relatives aux interdictions, contrôles et constats d'infraction, ainsi qu'aux sanctions nécessaires à l'application de la réglementation édictée par les institutions de la Nouvelle-Calédonie en matière de lutte contre le dopage.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, on ne peut que souhaiter que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales s'inscrive dans la perspective pragmatique et équilibrée tracée par ce projet de loi important, complémentaire du droit existant tout en étant susceptible de faire évoluer les choses. Aussi les amendements proposés seront-ils destinés, pour l'essentiel, à améliorer les dispositions proposées sans en remettre en cause les principaux équilibres.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.