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Intervention de éric Woerth ministre du budget

Réunion du 6 février 2008 à 21h45
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

éric Woerth ministre du budget :

s'est déclarée vouloir être convaincante tout en ayant été « inspirée ».

Par une décision du 10 mai 2007, la Commission européenne a demandé que la distribution du Livret A ne soit plus le monopole de trois réseaux, mais qu'elle soit élargie à toutes les banques, étant établi que le Livret A remplit deux services d'intérêt économique général : le financement du logement social et un rôle d'accessibilité bancaire au profit des personnes rencontrant des difficultés particulières d'accès aux services bancaires.

Le 19 juin, le Gouvernement a annoncé – ce qui peut paraître à première vue paradoxal, mais qui est plein de bon sens – qu'il déposait, d'une part, un recours contre la décision de la Commission européenne, fondée selon lui sur des éléments juridiquement discutables, et qu'il confiait, d'autre part, à M. Michel Camdessus une mission visant à faire des propositions pour une réforme du Livret A. Son rapport, remis au Premier ministre le 17 décembre, a suscité de nombreuses critiques. Ce rapport n'est pas une potion magique ou un kit de réforme prêt à l'emploi. Il s'agit plutôt d'une première réflexion sur l'efficacité du dispositif de financement du logement social. Voilà en quoi il est inspirant, et non pas prescripteur.

Ce rapport nous incite au changement de manière un peu provocante. Il fait un constat d'essoufflement du système actuel. Il nous invite à faire de la décision de la Commission européenne une chance pour le logement social. Il convient de déterminer comment tirer avantage de la généralisation de la distribution du Livret A pour réduire en particulier le coût du financement du logement social afin d'appuyer la politique volontariste du Gouvernement.

La réforme pourrait s'articuler autour de quatre axes. Le premier serait la généralisation de la distribution du Livret A à toutes les banques. Il s'agit là, certes, d'une demande des banques, mais on ne peut que souhaiter une diffusion plus large du produit d'épargne préféré des Français. Plutôt que de se demander s'il faut généraliser la distribution, mieux vaut donc s'interroger sur les conditions de cette généralisation. À cet égard, deux risques existent.

Le premier est que les banques commerciales utilisent dans un premier temps le Livret A pour conquérir de nouveaux clients, en particulier les jeunes, avant de chercher à orienter cette épargne vers d'autres produits plus profitables pour elles. Le risque serait donc celui d'une surcollecte sur le Livret A à court terme et d'une décollecte à moyen terme, au détriment du financement du logement social. Il faut donc inciter les établissements bancaires à la collecte, soit en prévoyant un niveau élevé de leurs commissions, avec pour conséquence moins d'argent pour le logement social – ce qui n'est donc pas une bonne solution –, soit en laissant les banques inscrire à leur bilan une partie minoritaire des fonds collectés. La banque collectera alors non seulement pour bénéficier d'une commission, mais également pour accroître ses dépôts.

Ce sera autant de gagné pour le logement social puisque le montant des sommes mises à la disposition de la Caisse des dépôts ne serait pas diminué. Cette solution est simple et plus économique pour le logement social.

Le second risque de la généralisation de la distribution est celui d'une concurrence entre le Livret A et le Livret développement durable – LDD. Or les règles de centralisation des deux produits sont différentes : 100 % à la CDC pour le Livret A et 9 % pour le LDD.

Lorsque les taux seront élevés et la ressource chère, les banques distribueront donc en priorité du Livret A pour ne pas garder à leur bilan une ressource chère. Inversement, lorsque les taux seront bas et la ressource bon marché, les banques distribueront en priorité du LDD pour garder la ressource à leur bilan. Pour éviter que le logement social ait plus de ressource lorsque celle-ci est chère et moins quand elle est bon marché, la solution passe par une centralisation partielle des ressources collectées au titre des deux livrets. Le taux de centralisation, fixé par décret, pour pouvoir évoluer en fonction des besoins, pourrait être initialement de 70 % environ, ce qui permettrait à la collecte, au bénéfice de la CDC, de correspondre au montant actuel, soit 140 milliards d'euros de Livret A centralisés à 100 % et 60 milliards de LDD centralisés à 9 %.

Le deuxième axe de la réforme est la réduction du coût de financement du logement social à partir du niveau des commissions versées aux banques qui distribuent le Livret A.

La moyenne des commissions versées correspond aujourd'hui à 1,12 % des encours. Dans le cadre d'une généralisation de la distribution du Livret A, les banques proposent d'être rémunérées à 0,8 %. Comme Michel Camdessus, le ministre propose aux banques de distribuer le Livret A pour une rémunération de 0,4 %.

Afin de garantir par ailleurs les volumes de financement du logement social, il est proposé que si la collecte baisse, le taux de centralisation puisse être augmenté, et inversement. Le rapport Camdessus prévoit en outre – autre sécurité utile – la possibilité pour les fonds d'épargne d'emprunter sur les marchés obligataires. En revanche, s'agissant de sa proposition de créer un établissement public regroupant les fonds d'épargne, l'objectif du Gouvernement n'est pas de créer de nouvelles structures pour le plaisir, mais de répondre à des critiques, notamment de la Cour des comptes, sur la situation juridique et comptable des fonds d'épargne, en étudiant avec toutes les personnes intéressées les différentes modalités possibles.

En matière d'accessibilité bancaire, dont le renforcement constitue le troisième axe de la réforme, les propositions du Gouvernement s'écartent sensiblement du rapport Camdessus.

Pour les Livrets A qui seront ouverts après l'entrée en vigueur de la réforme, leurs caractéristiques devraient être celles d'un produit d'épargne, privé des attributs d'un compte courant. En 2004 plus de 400 000 de nos concitoyens utilisaient le Livret A non seulement comme compte courant mais surtout comme unique outil de bancarisation. Le Livret A participe donc aujourd'hui à la mission d'accessibilité bancaire. Dans le cadre d'une réforme, il serait proposé que l'accessibilité bancaire soit assurée par deux dispositifs : le droit au compte – toute personne qui se voit refuser l'ouverture d'un compte se voit proposer par la Banque de France dans les vingt-quatre heures un service bancaire gratuit qui comprend des services bien plus étoffés que ceux offerts par le Livret A – et un Livret A d'accessibilité bancaire, distribué par la Banque postale, et accessible aux personnes qui connaissent des difficultés d'insertion.

Certains publics fragiles préférant en effet recourir au Livret A comme outil d'accessibilité bancaire, il convient de maintenir un Livret A d'accessibilité bancaire distribué par la Banque postale – qui devra, dans ces conditions, bénéficier d'une rémunération complémentaire. Une consultation sera engagée sur ce point, en liaison avec Martin Hirsch.

S'agissant des livrets déjà ouverts et aujourd'hui utilisés comme compte courant, une clause de grand-fathering – ou de grand-père – doit être mise en place afin de maintenir les droits de leurs titulaires, et cela sans limite de durée.

Le quatrième et dernier axe de la réforme concerne la question de l'équilibre financier des établissements qui distribuent aujourd'hui le Livret A.

Outre la commission de 0,4 % qui tend à rémunérer la collecte, il faut prendre en compte le fait que les établissements historiques, d'une part, supporteront des coûts supplémentaires liés à une concentration des livrets fortement mouvementés et, d'autre part, qu'ils participent à la mission d'intérêt général d'accessibilité bancaire. La gestion de ces livrets mérite donc une commission spéciale, s'ajoutant à celle de 0,4 %.

En tout état de cause, toutes les propositions feront l'objet d'une très large concertation avec l'ensemble des parties prenantes, notamment les organismes d'HLM, les banques et la CDC, afin d'élaborer ensemble une réforme qui soit une chance pour le logement social, le cri de Michel Camdessus ne devant pas résonner dans le désert.

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