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Intervention de Frédéric Reiss

Réunion du 3 juin 2009 à 11h00
Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Reiss, rapporteur :

Si le texte de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est, contrairement à son titre, assez court, ses conséquences sont, elles, très importantes.

Son objectif est simple : mettre fin à un feuilleton juridique et politique qui n'a que trop duré depuis l'adoption de l'article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, et à l'insécurité juridique qui en résulte.

Le dispositif proposé est donc une solution de compromis, acceptée par tous les acteurs concernés que j'ai pu rencontrer, et qui s'inscrit dans la philosophie de la loi Debré de 1959 : il reprend en effet la procédure prévue dans la même situation pour un élève accueilli dans une école publique, tout en respectant les spécificités de l'enseignement privé sous contrat.

Il ressort des auditions auxquelles j'ai procédé – avec l'APEL, le secrétariat général de l'enseignement catholique, le Comité national d'action laïque (CNAL), l'association des maires ruraux, l'association des maires de France – une volonté commune d'aboutir à un texte applicable dès la rentrée.

Il existait, avant l'adoption de l'article 89, une situation de déséquilibre au détriment de l'enseignement privé : en effet, si la loi Debré dispose clairement que « les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l'enseignement public », aucun dispositif n'était prévu pour la prise en charge des frais de fonctionnement liés à la scolarisation dans un établissement privé d'un élève ne résidant pas dans la commune d'accueil – alors même qu'un tel dispositif existe pour les élèves scolarisés dans une école publique hors de leur commune de résidence : c'est l'article L. 212-8 du code de l'éducation.

L'article 89 remédiait à cette situation en prévoyant d'appliquer en partie au privé la procédure prévue pour le public. Il a toutefois donné lieu à des applications divergentes, certains considérant que la commune de résidence devait financer l'établissement privé en toutes circonstances, d'autres estimant que l'accord préalable du maire devait être recueilli avant tout financement.

Des conflits ont éclaté entre communes de résidence et établissements privés, allant parfois jusqu'au contentieux, lequel a donné lieu à des décisions contradictoires de la part des tribunaux administratifs. Aujourd'hui encore, entre dix et vingt cas sont en attente de jugement.

Pour y remédier, une circulaire de 2005 prévoyait une lecture combinée de l'article 89 avec le principe de parité posé par l'article L. 442-5 du code de l'éducation, mais elle a été annulée par le Conseil d'État le 4 juin 2007 sans que ce dernier se soit prononcé sur le fond de l'affaire. Une autre circulaire, reprenant l'essentiel du dispositif, a donc été publiée le 27 août 2007. Entre-temps, un relevé de conclusions avait été élaboré sous l'égide du ministère de l'intérieur. Prenant acte des divergences entre l'Association des maires de France et le Secrétariat général de l'enseignement catholique sur l'interprétation de l'article 89, il indiquait qu'en attendant la décision du Conseil d'État – lequel, à ce jour, ne s'est toujours pas prononcé sur le fond –, l'article 89 serait appliqué selon les principes posés par la circulaire.

L'incertitude juridique persiste donc aujourd'hui, ce qui ne peut satisfaire personne : les maires ignorent la portée exacte de leurs obligations légales, tandis que les établissements privés sous contrat d'association sont dans l'impossibilité de prévoir les financements dont ils bénéficieront.

Si l'on a pu croire pendant un temps que les circulaires permettraient de garantir une sécurité juridique, force est de constater que ce n'est pas le cas et qu'une intervention du législateur est aujourd'hui nécessaire. Tel est le sens de cette proposition de loi, qui se contente d'inscrire dans le code de l'éducation la solution de compromis retenue en 2007.

En conséquence, le régime de prise en charge par la commune de résidence des frais de fonctionnement liés à un élève accueilli dans une école privée est calqué sur celui de la prise en charge d'un élève par une école publique d'une autre commune.

Ainsi, la commune de résidence peut être tenue de verser une contribution dans quatre cas : en l'absence de capacité d'accueil dans la commune de résidence ; s'il est nécessaire de scolariser l'enfant dans une autre commune en raison des obligations professionnelles de ses parents et de l'inexistence d'un service de garde et de restauration organisé, directement ou indirectement, par la commune de résidence ; s'il faut scolariser l'enfant dans une autre commune pour des raisons médicales ; et enfin en cas de scolarisation d'un frère ou d'une soeur dans la commune d'accueil. Les dérogations prévues sont donc strictement celles prévues pour le public.

Parallèles, ces régimes sont néanmoins autonomes : n'est ainsi pas reprise, dans le régime applicable aux écoles privées, l'autorisation préalable du maire de la commune de résidence. Une telle disposition serait contraire à la Constitution, car elle subordonnerait l'exercice effectif d'une liberté publique à l'accord préalable d'une autorité locale.

Le Sénat a légèrement modifié la proposition de loi initiale en prévoyant que la capacité d'accueil de la commune puisse être évaluée sur le territoire du regroupement pédagogique intercommunal – RPI – auquel elle participe. Cela me semble une bonne idée, sous réserve de ne prendre en compte que les RPI adossés à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Cette condition est indispensable tant pour des raisons juridiques que par respect du principe d'égalité de traitement entre public et privé.

Par ailleurs, pour s'assurer d'une application effective de la loi, l'article 2 prévoit qu'en cas de désaccord entre les parties, le préfet intervient dans un délai de trois mois.

Quant aux règles de calcul du montant dû par les communes, elles sont aussi clairement précisées.

Pour conclure, je vous propose d'adopter le texte tel qu'il a été transmis par le Sénat. Il s'agit en effet d'une proposition équilibrée, qui devrait mettre un terme à des situations conflictuelles et permettre une cohabitation harmonieuse entre l'école publique et l'école privée sous contrat.

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