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Intervention de Olivier Carré

Réunion du 11 février 2009 à 11h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Carré, rapporteur :

Cette question a été effectivement abordée à plusieurs reprises lors de l'examen de ce texte. Les accords entre la Ministre du logement et de la ville et l'ensemble du mouvement HLM, signés il y a un peu plus d'un an, ont fixé aux organismes bailleurs un objectif d'augmentation significative du nombre de logements proposés à la vente à leurs occupants. Ce nombre doit en effet être porté en trois ans à 40 000 en moyenne annuelle alors que cette moyenne s'établit à environ 4 000 à l'heure actuelle. Cet objectif, ambitieux en valeur absolue, doit être relativisé en rapportant le nombre de 40 000 à celui de l'ensemble des logements sociaux (environ 4 millions). S'il était atteint, ce ne serait plus le très faible pourcentage de 0,1% du parc locatif social qui serait proposée chaque année à la vente mais celui de 1%, comparable et même un peu inférieur à celui que l'on constate dans la plupart des pays européens comparables au nôtre.

Le présent rapport d'information a pour objet de recenser les obstacles au développement de la vente HLM et d'envisager comment ils pourraient être levés. Mais, il ne présente pas ce développement comme une finalité absolue car le parc HLM a pour vocation essentielle d'accueillir des locataires.

Par ailleurs, d'autres outils d'accession populaire à la propriété, tels que ceux mis en place par les coopératives, ont existé dans le passé ou ont été développés au cours de la période récente. La vente HLM n'est donc que l'un des maillons de la chaîne de l'accession sociale à la propriété. Mais cet outil ne mérite pas la « diabolisation » dont il fait souvent l'objet, en particulier au sein d'une partie du mouvement HLM qui fait valoir à son encontre la pénurie de logements locatifs sociaux.

Cet argument, qui paraît avoir une certaine valeur sur le plan strictement quantitatif, ne résiste cependant pas à l'analyse des parcours résidentiels que les organismes bailleurs devraient prendre en compte pour définir une stratégie de gestion se caractérisant par une plus grande souplesse.

Pourquoi la vente HLM est-elle une modalité d'accession sociale à la propriété aussi peu utilisée ?

Cette situation ne trouve pas son origine chez les « demandeurs » qui sont majoritairement convaincus que l'accession à la propriété est un aboutissement naturel de leur parcours résidentiel. Les données chiffrées figurant dans le rapport montrent que cette accession est un élément de stabilisation de la situation sociale des intéressés. A l'inverse, un récent « clip» diffusé par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine sur une opération ayant abouti pour les personnes concernées au passage du statut de propriétaire à celui de locataire a montré que ce changement est perçu comme un déclassement par les intéressés bien que cette opération ait permis une sensible amélioration du confort de leur logement.

Sur le plan financier, les formules d'aides à l'acquisition développées au cours de ces dernières années, tel que le prêt à taux zéro doublé, créent pour une grande majorité de ménages la capacité de substituer une mensualité de remboursement à un loyer avec une faible augmentation du taux d'effort. Cette augmentation pourrait toutefois être limitée par un alignement du dispositif règlementaire relatif au calcul de l'aide personnalisée au logement destinée à la prise en charge de mensualités de remboursement sur celui qui est applicable pour le financement d'un loyer

Tout en étant faible, le surcoût résultant de l'accession ne saurait cependant être sous-estimé compte tenu notamment du fait qu'il est supporté par des ménages dont les ressources ont un niveau globalement modeste. Il est toutefois acceptable dans une grande majorité de cas, dans la mesure notamment où l'accession permet de se constituer un patrimoine.

Cette considération ne doit pas être négligée au moment où se développe, plus particulièrement au sein des milieux les plus modestes, un sentiment d'injustice, qui n'est pas incompréhensible, lié au fait « de n'être propriétaire que de son statut » et d'avoir pendant toute sa vie acquitté un loyer à un organisme sans aucune contrepartie patrimoniale.

Si l'on se place du point de vue de « l'offre », le cadre législatif dans lequel les organismes bailleurs peuvent réaliser les cessions, dont les origines remontent à une loi de 1965, paraît désormais globalement satisfaisant depuis notamment l'entrée en vigueur de plusieurs dispositions de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement qui ont clarifié les règles de fonctionnement des copropriétés issues des ventes.

On ne peut cependant pas nier les difficultés que soulève la vente HLM dans l'habitat collectif pour les organismes bailleurs qui doivent faire face à des problèmes de gestion de leur patrimoine auxquels ils ne s'étaient pas encore heurtés. Ces organismes géraient jusqu'alors des entités homogènes et ont une certaine hantise face à l'élément d'hétérogénéité, de « mitage », que constitue la naissance d'une copropriété.

Or, le véritable défi du développement de la vente HLM ne concerne évidemment pas la maison individuelle, facile à vendre, mais l'habitat collectif avec une perspective bien différente de celle qui consiste à « brader les bijoux de famille » puisqu'elle s'inscrit dans un objectif stratégique de cession d'éléments du patrimoine situés dans des zones considérées a priori comme peu attractives.

Je suis ainsi conduit à évoquer le problème de la « confrontation » entre les stratégies des organismes bailleurs, définies par leur plan stratégique de patrimoine qui doit être un véritable « fil rouge » pour la conduite de leurs opérations de cession, et celles des collectivités locales.

Les maires peuvent en effet avoir un intérêt à promouvoir la diversification des statuts d'occupation des logements sur l'ensemble du territoire de leur commune. La mise en oeuvre des opérations de rénovation urbaine a notamment permis de mesurer que nombre de quartiers éligibles à ces opérations se caractérisent par un habitat où le locatif, le plus souvent social, est en situation de quasi-monopole. Or, un quartier ne vit pas de la même façon selon qu'y prévaut le monolithisme ou, au contraire, la diversité des statuts d'occupation des logements. L'objectif de diversité est, à juste titre, de plus en plus fréquemment retenu par les politiques locales de l'habitat. Dans cette perspective, je considère comme souhaitable l'utilisation de la vente HLM comme un outil non plus seulement d'évolution du parcours résidentiel des occupants et de gestion des organismes bailleurs mais aussi de stratégie globale d'une politique des quartiers.

S'agissant du cadre légal complexe dans lequel s'inscrit la vente HLM, je ne vois pas de modifications importantes à lui apporter en vue notamment d'assouplir son caractère a priori quelque peu contraignant. Il ne crée aucun obstacle réel à la vente lorsque celle-ci a obtenu l'accord des différentes parties prenantes, en particulier des collectivités locales. Par ailleurs, la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement a introduit, en ce qui concerne le prix, un utile élément de souplesse avec le système de la décote.

Il conviendrait sans doute de réfléchir à une évolution du dispositif réglementaire concernant la coordination entre les dispositifs « ANRU » et « ANAH » pour les accédants ayant obtenu, en tant que locataires, des subventions dans le cadre du premier dispositif.

Les clauses anti-spéculatives sont utiles pour éviter les effets d'aubaine, mais il convient de souligner que l'apparition d'une plus-value immobilière dans les situations de renouvellement urbain est la preuve d'une création de valeur.

L'ensemble de dispositions adoptées pour faire face au risque des copropriétés dégradées doivent permettre de combattre ce risque efficacement. Elles pourraient sans doute être utilement complétées par un dispositif conduisant les organismes cédants à intégrer lors de la vente au moins une partie de leur provision pour grosses réparations dans le compte de la nouvelle copropriété dont les problèmes de financement de travaux importants seraient du même coup réduits.

En conclusion, je dirais que nous sommes au début du processus de développement de la vente HLM. Il importe simultanément de « dédiaboliser » ce type d'opération et de ne pas y voir l'aboutissement «ultime» de la politique du logement social qui consiste essentiellement à accueillir des locataires. Cela étant, indépendamment de son intérêt pour ses bénéficiaires, la vente HLM doit être considérée comme un excellent outil sur un plan plus général lorsqu'elle est utilisée dans le cadre d'une stratégie sociale et urbaine de diversification des statuts d'occupation au sein de certains quartiers. Enfin, il convient de ne pas oublier que les fonds procurés aux organismes par les ventes sont destinés à la reconstitution « à due concurrence » de leur patrimoine locatif.

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