président de RFF, a tout d'abord répondu aux questions sur l'adaptation des infrastructures au développement des transports de marchandise et sur la nécessité de dédier des lignes.
Ce n'est pas parce que le réseau manque de capacité que le transport de marchandises a décliné ces dernières années, chutant de 30 % entre 2000 et 2006 en France, alors qu'il augmentait de 30 % en Allemagne.
Le nombre de trains qui circulent chaque année en France ne cesse de baisser – environ 5 % par an. Le nombre de TGV est stable, en dehors des cas de lignes nouvelles. Seul le transport régional augmente. Au final, le nombre total de trains qui circulent sur le réseau français n'augmente pas.
En revanche, des problèmes de répartition des capacités apparaissent, notamment dans les zones plus encombrées que les autres, comme en région parisienne ou lyonnaise.
Tout est plus facile en l'absence de conflit entre le fret et le transport de voyageurs. Aux États-Unis, où l'on a renoncé au transport de voyageurs, les lignes ferroviaires sont réservées au fret, c'est forcément plus simple. Il ne semble pas qu'en France on puisse séparer le trafic voyageur du trafic marchandises, pour des raisons de coût, mais aussi parce que le trafic de marchandises n'est pas encore assez important. Ainsi, très peu de trains de marchandises circulent sur la rive droite du Rhône, l'une des rares voies dédiées au fret. Comment refuser indéfiniment aux communes traversées, en particulier dans la région Rhône-Alpes, de mettre en ligne des trains de voyageurs sur cette voie ? L'intérêt de l'entreprise publique gestionnaire du réseau est de faire rouler les trains.
Elle doit gérer le réseau, les sillons et les capacités pour donner à chacun la place dont il a besoin au bon moment. Le cadencement, c'est-à-dire l'organisation de la circulation sur les trains réguliers, permet de réserver des intervalles au fret ou aux voyageurs.
Le réseau ferroviaire est encore trop peu et trop mal utilisé, et coûte, par conséquent, de plus en plus cher.
Il faut mettre en place une organisation harmonieuse avant d'envisager les situations au cas par cas. Sur certains grands axes, le fret joue un rôle très important, notamment pour les ports. Les régions périrubaines doivent retenir également toute l'attention. L'exemple de la grande ceinture a été cité. Voici quelques années, l'on a projeté de faire circuler des trains de voyageurs sur cette ligne principalement dédiée au fret. Le port du Havre s'en est inquiété, car la concurrence entre le transport de voyageurs et le fret avait toutes les chances de tourner en faveur du transport de voyageurs. L'on a donc, sur le même axe, séparé les voies. Tout le monde passe, même en étant un peu serrés. L'on peut imaginer ainsi de nouvelles solutions.
Autre exemple : parce qu'il n'est pas possible de laisser les trains de fret traverser Nîmes et Montpellier qui sont des zones urbaines denses, l'on créé une ligne extérieure dédiée prioritairement au fret.
Tout est possible, à condition que la SNCF apprenne à organiser les capacités en tenant compte de la diversité des activités et des entreprises ferroviaires. L'ouverture au marché européen oblige en effet des entreprises de différentes natures à cohabiter sur le réseau.
Le régulateur a toute sa place en France, car la répartition des activités doit être contrôlée par un organe indépendant.
La part du trafic marchandise baisse depuis un certain nombre d'années, et l'enjeu est aujourd'hui d'inverser cette tendance en augmentant cette part de 25 % en cinq ans. Il faudrait ainsi passer de 14 % aujourd'hui à 17 %. L'Allemagne, grâce à l'activité portuaire, a déjà atteint ce niveau. L'activité portuaire sauvera également le fret, et inversement. L'avenir et le sort des ports et du ferroviaire sont indissolublement liés. RFF propose de constituer sur le réseau français des axes à priorité fret qui desservent les ports et qui soient inscrits dans les réseaux européens, et s'engage, sur ces axes, à répondre aux besoins des transports de marchandises, c'est-à-dire à réserver les sillons en quantité et en qualité nécessaires, et à réaliser les investissements nécessaires. Cela vaut notamment pour le projet du contournement de Lyon, qui n'a pas émergé du Grenelle, mais qui mérite l'attention, car l'on ne pourra pas laisser indéfiniment les trains de marchandise traverser la gare de la Part-Dieu.
Concernant le réseau européen, il est vrai que RFF s'est lancé dans l'harmonisation européenne à reculons, pour de multiples raisons, et a tardé à croire au marché ferroviaire européen qui s'impose aujourd'hui. Les grandes entreprises ferroviaires, en particulier la SNCF, prennent une dimension européenne en s'intéressant aux activités à l'extérieur des frontières. Le deuxième client de RFF est tout de même la Deutsche Bahn (DB).
Enfin, RFF et la SNCF sont très préoccupés par le financement de la rénovation du réseau, parallèlement au développement des lignes à grande vitesse, financées avec l'aide des collectivités publiques et de l'Europe, ainsi qu'une partie du produit des péages. Le marché des TGV étant assez porteur, on arrive tant bien que mal à financer ces projets, mais il faut savoir être patient. En revanche, la rénovation du réseau, notamment dans les zones peu denses, ne peut être réalisée sans la solidarité nationale. Il faut prélever des recettes des péages TGV pour aider les petites et les moyennes lignes. A défaut, on risque de perdre ce réseau national. On déplore 1 300 kilomètres de ralentissement sur le réseau. Depuis deux ans, des efforts ont été consentis pour réduire les ralentissements, mais parallèlement, de nouveaux apparaissent ! Le nombre de ralentissements ne diminue donc pas, il est tout juste stabilisé. Si l'on n'augmente pas les moyens consacrés au réseau, les ralentissements augmenteront à nouveau et des lignes seront fermées. Ce n'est pas grave si d'autres moyens de transport, tout aussi écologiques, peuvent prendre le relais, mais c'est loin d'être toujours le cas. Un problème est survenu il y a deux jours sur une ligne ferroviaire qui dessert Semur-en-Auxois et un dépôt de céréales. La ligne a craqué, cinq wagons ont déraillé. La ligne, qui n'avait pas été rénovée, est aujourd'hui arrêtée.
Le fameux audit cité tout à l'heure a donné quelques ordres de grandeur : on est passé d'une dépense annuelle de 900 millions d'investissement pour le renouvellement à plus d'un milliard cette année, l'objectif étant de 1,5 milliard en 2010. Il faudrait parvenir à investir 2 milliards, ce qui permettrait de conserver le réseau en bon état et d'éviter les ralentissements.
On en est au tout début de cet effort. On ignore si l'on pourra aller jusqu'au bout mais l'avenir du réseau en dépend.