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Intervention de Gilles Carrez

Réunion du 9 avril 2008 à 21h30
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, Rapporteur général :

, revenant sur la question des heures supplémentaires, a rappelé que le Président de la Commission et lui-même avaient écrit conjointement le 5 mars dernier à Mme le ministre afin que leur soit fourni, à partir des données de l'ACOSS, un suivi de l'évolution des heures supplémentaires par secteur. En effet, le nombre de ces dernières n'est pas sans incidences sur le budget de l'État, appelé à compenser les exonérations de charges. L'objectif était d'organiser un débat sur ce thème au sein de la Commission. Le Président ayant souhaité, avant même ce débat et sur la base d'une note interne, communiquer sur ce sujet et donner sa propre interprétation des chiffres, on comprendra que le Rapporteur général tienne, dans ces conditions, à donner la sienne, qui est exactement inverse.

Tout d'abord, la prévision de 900 millions d'heures ne pouvait être tenue : du temps était en effet nécessaire pour modifier tous les logiciels de paye et pour prendre en compte les heures supplémentaires dont une grande partie n'était pas déclarée. Toutefois, entre le mois d'octobre et le mois de janvier, le nombre d'heures supplémentaires a doublé, passant d'un peu plus de vingt millions à un peu plus de quarante millions par mois, et tous les indices montrent que cette progression se poursuit.

Ensuite, la disposition relative aux heures supplémentaires apparaît comme particulièrement appropriée puisqu'elle permet, en un moment où la croissance faiblit un peu, de distribuer du pouvoir d'achat, ce qui explique d'ailleurs que la consommation dans notre pays résiste mieux qu'ailleurs. En effet, un salarié célibataire d'une PME de moins de vingt personnes payé au SMIC a vu, depuis le 1er octobre, les heures – devenues supplémentaires – effectuées entre la trente-cinquième et la trente-neuvième heure non seulement exonérées de charges, mais également rémunérées non pas à 10, mais à 25 %, pour un gain de pouvoir d'achat de 800 euros nets annuels, soit presque un treizième mois.

Par ailleurs, la création d'heures supplémentaires n'a pas conduit à une augmentation du chômage, contrairement à ce que soutenait Pierre-Alain Muet avec d'autres, restés dans un cadre intellectuel fixiste. La disposition en question a en effet créé une dynamique, au point que la prévision de 900 millions d'heures semble pouvoir être atteinte alors qu'elle avait été envisagée en juillet 2007 à une époque où les perspectives de croissance étaient beaucoup plus favorables. Voilà donc une mesure de pouvoir d'achat typiquement contracyclique, à l'inverse de nombre d'interventions publiques qui n'arrivent qu'après la bataille.

À l'inverse de la prime pour l'emploi, qui présente le défaut structurel d'être accrochée à l'impôt et de jouer avec un an de retard, les heures supplémentaires apparaissent immédiatement sur la feuille de paye. En se transformant en mesure d'offre, elles permettront en outre de tirer pleinement parti du redémarrage de la croissance en facilitant la production. Où en serions-nous aujourd'hui si les trente-cinq heures avaient été généralisées, comme le proposaient les socialistes en juillet dernier, sinon à la poursuite de la baisse du pouvoir d'achat et des salaires et à une multiplication des goulets d'étranglement dont souffre déjà notre économie ? La mesure retenue présente donc un caractère, sinon divinatoire, du moins prémonitoire.

Pour en venir aux perspectives concernant les finances publiques, notamment au programme de stabilité, l'effort à réaliser en matière de dépenses n'a pas varié depuis deux ans. La dépense publique dans son ensemble, soit 950 milliards d'euros – 300 milliards pour l'État, plus de 200 milliards pour les collectivités locales et le reste pour les comptes sociaux –, ne doit plus progresser que de 1,1 % au-delà de l'inflation contre 2,2 % ces cinq dernières années. Si l'on prend pour hypothèse une inflation de 1,6 % dans les trois ans à venir, cela signifie que l'augmentation de la dépense publique doit passer d'un peu moins de 40 milliards par an à un peu moins de 30 milliards. Il faut donc, non pas faire des économies, mais faire en sorte que l'augmentation soit inférieure de 10 milliards à celle constatée depuis cinq ans, cela en jouant sur trois postes.

S'agissant du budget de l'État, la norme de dépense a été étendue, depuis 2008, aux prélèvements sur recettes, soit une masse non plus de 270 mais de 350 milliards. La contribution de l'État à la moindre augmentation de 10 milliards de la dépense publique, peut ainsi être évaluée, compte tenu de l'inflation, à 2 milliards, ce qui paraît tout à fait compatible avec les exercices RGPP en cours.

Les 5 à 6 milliards de marge de manoeuvre que la limitation à l'inflation de la progression du budget, prélèvement sur recettes compris, donne chaque année sont immédiatement absorbés par 1,8 milliard d'intérêt de la dette, 2,1 milliards d'augmentation des pensions et, élément nouveau, 1,6 milliard au titre de l'indexation sur l'inflation du prélèvement sur recettes afférent aux collectivités locales. Reste ensuite la masse salariale. Si l'on respecte le principe du remplacement de seulement un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, le gain en année pleine est de l'ordre de 900 millions d'euros. Or cette somme est immédiatement absorbée par la nécessaire augmentation annuelle du point d'indice, par les mesures catégorielles et par le principe d'une ristourne versée aux fonctionnaires. On n'obtient donc qu'une stabilisation de la masse salariale. Cependant, grâce aux exercices RGPP, aujourd'hui très documentés et précis – c'est par exemple le cas de l'analyse des aides aux entreprises –, on peut penser que le budget de l'État sera tenu.

De même, les chiffres de 2007 montrent que l'on est sur la bonne voie en matière de sécurité sociale, notamment d'assurance maladie.

Reste la question de la dépense locale. Dans tous les pays qui ont connu des problèmes de régulation de la dépense – en Suède, au Canada, au Royaume-Uni… –les relations entre l'État et les collectivités locales ont posé des problèmes. Il ne s'agit pas d'intenter un procès mais de constater que l'évolution des dépenses locales est plus forte que prévue. Le fait qu'il s'agisse, pour partie, de dépenses d'investissement ne les rend pas forcément saines. La multiplication de salles polyvalentes, par exemple, alimente un processus de dépenses de fonctionnement. Il n'est pas question de mettre les collectivités locales à la diète comme on va le faire pour l'État, mais de s'assurer que la dérive ne soit pas de 3, voire de 4 points au-dessus de l'inflation.

Contrairement aux autres pays, la France compte 40 000 collectivités locales, donc autant de décideurs locaux. L'article 72 de la Constitution impose la libre administration des collectivités territoriales. Le rapport d'Alain Lambert exclut, à juste titre, l'idée de normes imposées d'en haut. Compte tenu de ces éléments, comment parvenir à une certaine régulation de la dépense locale ? Il serait à cet égard très souhaitable de réunir la Conférence des finances publiques, qui a le mérite de mettre autour d'une même table l'ensemble des acteurs de la dépense publique – État, collectivités locales, organismes de sécurité sociale – et de les obliger à analyser la situation de façon lucide, sans se renvoyer constamment la balle.

S'agissant des recettes, le calibrage effectué dans les programmes de stabilité est, depuis le budget 2004, prudent : depuis cette date, l'exécution en recettes a été très supérieure aux prévisions. Le problème tient surtout à la multiplication des dépenses fiscales. De 66 milliards d'euros en 2006, celles-ci sont passées à 68 milliards en 2007 et à 73 milliards dans le PLF pour 2008. On les voit maintenant fleurir dans tous les textes. Mme Albanel propose ainsi au Parlement de voter un prêt à taux zéro pour l'achat d'oeuvres d'art contemporain, une deuxième loi de programme pour l'outre-mer est en préparation, il est question de « verdir » le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt et le PTZ, etc. Le fait que la direction de la législation fiscale relève à la fois du ministère de l'économie et de celui du budget conduit à une situation paradoxale : le ministre du budget est responsable de l'ensemble des recettes mais chaque ministre se sent le droit de bricoler sa propre incitation fiscale, sans que le filtre joue autant qu'il le faisait auparavant. Ne faudrait-il pas, dès 2009, mettre en place une norme spécifique aux dépenses fiscales et adopter, dans la perspective d'un budget triennal, une approche pluriannuelle ? Cela permettrait, s'il y a dépassement une année, d'apporter dès l'année suivante un correctif.

En outre, la commission des Finances dans son ensemble souhaite que l'on réserve les mesures de dépense fiscale aux lois de finances ou aux lois de financement de la sécurité sociale. Le président de la section des finances du Conseil d'État est également de cet avis.

Si l'on veut tenir l'objectif de recettes, il ne faut pas trouer celles-ci de toutes parts. On observe par exemple, pour la première fois depuis au moins une dizaine d'années, que le produit de l'impôt sur le revenu de 2007 est inférieur à la prévision.

Les règles de bonne gouvernance ont connu des progrès considérables. Il convient maintenant de prévoir une programmation triennale non seulement pour les dépenses, mais aussi pour les recettes.

Le Président Didier Migaud a souhaité dire à son tour quelques mots sur le sujet évoqué par Mme le ministre, qu'il a remerciée de s'être exprimée avec franchise et courtoisie.

La loi TEPA et le « paquet fiscal » font l'objet de polémiques, notamment en ce qui concerne les heures supplémentaires. Un travail est en cours qu'il convient de poursuivre, non seulement par des réunions de la commission des Finances mais aussi par la rencontre, sur le terrain, de chefs d'entreprise et de représentants du personnel afin d'apprécier l'effectivité du dispositif.

Mme le ministre ne manque pas de s'exprimer régulièrement sur ce texte.

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