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Intervention de Éric Woerth

Réunion du 9 avril 2008 à 21h30
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Éric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique :

, a souhaité revenir sur l'évolution des finances publiques et sur la stratégie du Gouvernement pour parvenir à leur équilibre. Il n'y a pas de contradiction entre la recherche de la croissance et l'assainissement des finances publiques mais au contraire une parfaite adéquation. Un euro mieux dépensé par la puissance publique, c'est un euro plus rentable pour les Français et plus efficace pour la croissance, c'est une marge de manoeuvre retrouvée. Il faut le répéter : lorsqu'un État est affaibli par ses déficits et ses dettes, ce sont les plus vulnérables qui en souffrent, ceux qui ont le plus besoin de la protection publique.

Le déficit public pour 2007 s'établit à 2,7 points de PIB – 50,6 milliards d'euros – contre une prévision de 2,4 points. Cet écart de 0,3 point s'explique par :

– une dégradation inattendue, de l'ordre de 0,2 point, du besoin de financement des collectivités locales, due à un fort accroissement de leurs dépenses ;

– des retraitements comptables sur les recettes pour environ 0,1 point. Ces retraitements portent sur des recettes effectivement encaissées par le budget de l'État, mais qui ne sont pas prises en compte pour la réduction du déficit maastrichtien. En 2007, ils concernent en particulier la COFACE. Cette société, qui gère les garanties publiques destinées à soutenir les exportations françaises, verse annuellement des recettes à l'État au titre de cette activité. Or environ la moitié de ses versements de 2007 n'ont pas été pris en compte en comptabilité nationale, en raison d'une modification du traitement opéré par l'INSEE. Il s'agit donc de recettes effectivement encaissées, mais comptabilisées dans la comptabilité budgétaire seulement.

Par ailleurs, deux effets de moindre ampleur se compensent :

– une amélioration du déficit du régime général de sécurité sociale – 9,4 milliards d'euros contre 11,7 milliards prévus –, due à des rentrées de CSG et de cotisations supérieures aux prévisions et à la bonne tenue de la dépense. Cela prouve que le plan d'alerte décidé en juillet dernier par le Gouvernement a produit ses effets, même s'il reste évidemment beaucoup à faire.

– des moins-values fiscales, notamment sur l'impôt sur le revenu, dues à certains crédits d'impôts, dont la prime pour l'emploi. En revanche, la norme de dépense du budget de l'État a été tenue.

La dette publique à la fin de l'année 2007 s'établit à 64,2 % du PIB, soit exactement l'objectif du Gouvernement.

Les prélèvements obligatoires ont baissé de 43,9 points de PIB en 2006 à 43,5 points en 2007, soit significativement mieux que l'objectif du Gouvernement. Ce chiffre doit être comparé au point haut de 44,9 points de PIB atteint en 1999.

Un débat s'est amorcé sur la dégradation du besoin de financement des collectivités locales. Il convient de le clarifier autant que faire ce peut. Que l'on parle de l'évolution de 2006 à 2007 ou de l'écart entre la prévision du Gouvernement pour 2007 et ce qui a été effectivement réalisé, le constat est le même : le besoin de financement des collectivités locales est passé de 0,2 point à 0,4 point de PIB, soit un dérapage de l'ordre de 4 milliards d'euros. C'est un simple constat et non un jugement de valeur : il est donc inutile de s'énerver. Cela ne remet pas en cause le fait que l'État est le premier contributeur au déficit et à la dette publique. Et il ne s'agit en aucun cas d'accabler les élus locaux pour occulter les responsabilités des gouvernements qui se sont succédé.

La dégradation du solde des collectivités locales n'en a pas moins surpris tous les observateurs – non seulement le ministère du Budget, mais aussi Dexia. Si l'on en croit les arguments opposés au Gouvernement, elle proviendrait de l'absence de « juste compensation » de dépenses transférées particulièrement dynamiques. Cela revient d'abord à dire que l'État ne respecte pas ses obligations constitutionnelles, qu'il ne sait pas faire d'efforts lorsque la compensation octroyée s'écarte de façon importante des dépenses constatées. Cela revient ensuite à faire comme si les dépenses transférées en 2007 n'avaient pas été compensées. Cela revient enfin à faire comme si la dégradation du solde des collectivités n'était imputable qu'aux seuls départements et régions, auprès de qui des compétences ont été transférées, en faisant abstraction de la contribution des communes à ce solde.

Il convient de répondre sur chacun de ces points.

Premièrement, les transferts de compétences ont été entièrement compensés. C'est une obligation constitutionnelle dont le respect est vérifié par la commission consultative d'évaluation des charges – CCEC –, rattachée au Comité des finances locales, sous la présidence des élus locaux. Cette instance a fourni un travail considérable : en trois ans, vingt-trois réunions ont permis de valider soixante arrêtés interministériels fixant les montants de compensation pour chaque transfert, pour un total de 3,7 milliards d'euros en 2007 au titre de la loi du 13 août 2004. Son rapport d'activité 2005-2006, établi par le sénateur Fourcade, estime que la CCEC a « constaté le respect par l'État de ses obligations légales et l'exact transfert des moyens consacrés par l'État, avant la décentralisation, à la compétence transférée ». Le Gouvernement a même réalisé 158 millions d'efforts supplémentaires en accédant à la demande des élus de modifier les modalités initiales de calcul de certaines compensations.

En outre, lorsqu'il s'est avéré que les dépenses augmentaient plus vite que les ressources affectées, comme dans le cas du RMI, l'État a abondé financièrement les collectivités. Il a ainsi consenti pour la compensation du RMI un effort supplémentaire de près de 2 milliards d'euros entre 2005 et 2008, au-delà de ses obligations constitutionnelles. Pour la première fois, on constate en 2007 une baisse du nombre de bénéficiaires du RMI de 100 000, ce qui représente une diminution de la dépense de 3,2 %. C'est un signe encourageant qui traduit les premiers résultats des actions menées par le Gouvernement et par les départements en faveur de l'insertion. Si ces résultats se confirment, la couverture des dépenses de RMI par les recettes transférées sera presque parfaite.

Deuxièmement, la règle a bien évidemment continué d'être appliquée en 2007. Les nouveaux transferts intervenus au cours de cette année ont été compensés. Ils représentent 2,3 milliards d'euros supplémentaires en 2007 par rapport à 2006, portant le total des transferts opérés en application de la loi du 13 août 2004 à 3,7 milliards. Il s'agit essentiellement de transfert de personnels – 1,2 milliard –, de dépense de formation professionnelle – l'AFPA pour 500 millions – et, plus marginalement, de dépenses d'action sociale, d'investissement et de fonctionnement. Ces nouveaux transferts ont été compensés par l'affectation de 1,3 milliard d'euros de TIPP aux régions et d'environ 1 milliard d'euros de taxe spéciale sur les conventions d'assurance – TSCA – aux départements. Chacun conviendra que 2,3 milliards de transferts, de surcroît compensés, ne sauraient expliquer une dégradation de 4 milliards d'euros du solde des collectivités locales.

Troisièmement, on ne peut imputer la totalité de la dégradation des comptes aux seules collectivités qui ont été bénéficiaires des transferts de compétences. Même si l'on ne connaît pas encore le détail des comptes rendus publics par l'INSEE, il y a gros à parier que les communes et les EPCI ont aussi leur part de responsabilité dans ce déficit, alors qu'ils n'ont pas connu de transferts de compétences.

Comme le montrent les rapports Richard et Lambert, les transferts de compétences ne représentent, sur une longue période, qu'un tiers de l'accroissement des dépenses des collectivités locales. Sur 3 points de PIB d'augmentation de ces dépenses au cours des vingt-cinq dernières années – de huit à onze points entre 1980 et 2006 –, seul 1 point est imputable aux transferts de compétences. De plus, la moitié de la croissance des dépenses publiques locales sur cette période, comme l'a rappelé le rapport d'Alain Lambert, provient du couple commune-intercommunalité.

Au-delà de ce débat un peu stérile sur la compensation, il faut rappeler quelques chiffres simples.

L'État assure près de 50 % des recettes des collectivités territoriales, tant par le biais des dotations budgétaires et des prélèvements sur recettes que par celui de la prise en charge de la fiscalité : en 2007, il a versé 89 milliards d'euros aux collectivités, dont 56 milliards hors dégrèvements et hors fiscalité transférés. On ne peut donc dire qu'il se désintéresse des collectivités.

L'État est le premier contributeur local. Il prend en charge près d'un tiers de la fiscalité locale par le biais des dégrèvements et des exonérations d'impôt. S'il n'intervenait pas pour alléger la charge des contribuables les plus pauvres, les collectivités seraient évidemment obligées de financer ces dégrèvements. Rien que pour la taxe d'habitation, cette prise en charge représente un coût net pour l'État de 1,2 milliard d'euros.

L'État s'est montré plus généreux avec les collectivités territoriales que pour ses propres dépenses. Entre 2002 et 2007, l'ensemble de ses concours aux collectivités territoriales – hors fiscalité transférée et hors mesures de décentralisation – a été de 3,7 % en moyenne par an en valeur, à champ de compétences constant. Sur cette même période, ses dépenses globales ont augmenté en moyenne de 1,3 % par an en valeur.

Que s'est-il alors passé en 2007 ? Selon les premières indications disponibles, la hausse des dépenses a en fait été causée par une augmentation importante des dépenses des collectivités hors transfert de compétences. Il s'agit tout d'abord des dépenses de personnel : dans le secteur communal, la progression a été plus rapide que l'année passée, avec plus de 5 % d'accroissement. Selon les chiffres préliminaires, elle a également été très rapide dans les départements et les régions, même hors transferts de personnel. On constate également – ce qui n'est pas coutumier en année électorale – une hausse des dépenses d'investissement de plus de 11 % en 2007, hors remboursement de la dette. Ces premiers chiffres devraient être confirmés dans les prochaines semaines, lorsque sera publiée l'analyse détaillée des comptes des collectivités locales par la direction générale de la comptabilité publique et par l'INSEE.

Pour autant, le propos n'est pas de polémiquer sur les résultats de 2007 mais d'en tirer quelques leçons. Ce qui a bien fonctionné, c'est la maîtrise de la dépense lorsque l'on s'en est donné les moyens, sur l'État d'une part, sur l'assurance maladie après le comité d'alerte d'autre part. Il faut renforcer cette maîtrise et l'inscrire durablement dans le temps par une budgétisation pluriannuelle la plus juste possible. Elle devra être équitablement partagée entre tous les acteurs de la dépense publique, y compris les collectivités locales, pour que soient tenus les engagements du Gouvernement envers les Français et envers nos partenaires européens.

Quant aux perspectives pour 2008, elles se fondent sur un engagement et sur une réalité.

L'engagement est le strict respect de la dépense votée, aussi bien dans le PLF que dans le PLFSS. C'est un engagement ferme, car c'est l'un des piliers de notre politique budgétaire. L'évolution de la dépense de l'État est plus contenue que jamais – zéro volume sur une norme élargie – et l'évolution des dépenses maladie est très modérée, avec une augmentation de 2,8 % en valeur, après 4,2 % en 2007 et 3,1 % en 2006.

La réalité, c'est que l'environnement international implique une révision à la baisse de notre fourchette de croissance, entre 1,7 % et 2 %. Ce n'est évidemment pas une bonne nouvelle mais ce n'est pas non plus la catastrophe que certains se plaisent à annoncer. Quelles en sont les conséquences sur les comptes publics en 2008 ? S'il y a bien sûr une relation entre croissance et recettes publiques, il y a d'autres facteurs à prendre en compte, tout aussi importants. Le dynamisme du marché du travail par exemple : le taux de chômage est au plus bas depuis vingt-cinq ans et cette baisse soutient l'évolution de la masse salariale, et donc des cotisations sociales. De plus, certaines recettes – l'impôt sur revenu notamment – dépendent de l'année précédente, d'autres, comme la TVA, répondent à la fois à la croissance et aux prix. Enfin, comme l'a régulièrement souligné M. le Rapporteur général, le Gouvernement a été prudent quant à l'évolution des recettes fiscales dans le PLF.

Les prévisions par rapport à 2007 sont donc les suivantes :

– une légère dégradation du solde de l'État, limitée par le respect de la norme de dépense et par la disparition de la plupart des retraitements comptables défavorables de 2007 ;

– une amélioration du solde du régime général, rendue possible par la maîtrise de l'ONDAM grâce aux mesures votées en PLFSS ;

– une amélioration du solde de l'UNEDIC et du Fonds de solidarité vieillesse, grâce à la bonne tenue du marché du travail ;

– une légère amélioration de la situation des collectivités locales après la dégradation de 2007.

Au total, par rapport à 2007, le solde public s'améliorerait donc légèrement, à 2,5 points de PIB en 2008. Ce n'est pas un pari risqué, à condition que les Cassandre de tout poil n'aient pas raison et que l'Europe continentale, en particulier la France, continue à résister aux turbulences américaines comme elle l'a fait jusqu'à présent.

Certains ont accusé le Gouvernement de tailler subrepticement dans les dépenses avec la réserve de précaution. Mais cette réserve a toujours existé : elle est dans l'exposé général des motifs du projet de loi de finances !

Il a ajouté que le Gouvernement serait amené dans le cours de l'année, suivant les développements, à l'utiliser et à annuler une partie des crédits – probablement la moitié.

Pour ce qui est de sa stratégie pour 2009 et les années suivantes, le Gouvernement n'a pas changé. Il n'y a pas de « plan de rigueur » mais il reste bien sûr beaucoup à faire, et l'aide du Parlement sera nécessaire pour poursuivre une stratégie d'assainissement structurel de nos finances publiques, fondée sur les réformes porteuses de croissance et une maîtrise sans faille des dépenses publiques.

Le Gouvernement est déterminé à enclencher ce cercle vertueux. Il n'y aura pas de croissance durable sans une dépense publique plus efficace, et c'est cette croissance qui accélérera l'assainissement des finances publiques. C'est ainsi que l'on rendra du pouvoir d'achat aux Français de façon durable et que l'on dissipera le poids de la dette qui pèse sur les épaules de nos enfants.

Comment parvenir à cette maîtrise des finances publiques ?

Dès le débat d'orientation budgétaire en juillet dernier, puis dans le projet de loi de finances et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, enfin dans le programme de stabilité envoyé à la Commission européenne, le Gouvernement a toujours dit et écrit qu'il faut diviser le rythme de progression de la dépense publique par deux pour parvenir à l'équilibre des finances publiques. En euros constants, il s'agit de passer d'un rythme tendanciel d'accroissement d'un peu plus de 2 % à à peine plus de 1 %. Concrètement, cela veut dire qu'il faut trouver, par rapport à l'évolution tendancielle des dépenses, environ 10 milliards d'euros d'économies par an. Le Gouvernement s'y est engagé, et il le fait.

Un premier pas décisif a été accompli la semaine dernière lors du conseil de modernisation des politiques publiques. Il s'agit d'environ 7 milliards d'euros d'économies sur le champ de l'État à l'horizon 2011. Ces économies sont prouvées, documentées et portées au plus haut niveau de l'État. Cela n'avait tout simplement jamais été fait auparavant en France.

À elle seule, cette action ne suffira pas à rétablir l'équilibre des comptes publics, mais la révision générale des politiques publiques – RGPP – n'est pas terminée. Le conseil de modernisation se réunira à nouveau d'ici le mois de mai, comme le Président de la République l'a confirmé hier à Cahors, afin de boucler le projet. Lors de cette nouvelle phase de la RGPP, l'objectif est d'aboutir à un niveau d'économies comparable à ce qui a été annoncé vendredi dernier, pour arriver à un total de 13 à 15 milliards d'euros d'ici à 2011.

Il s'agit bien de construire, de 2009 à 2011, trois budgets respectant la norme « zéro volume ». Dans un contexte où les charges d'intérêts et les retraites des agents publics augmentent tendanciellement, cela nécessite d'aller chercher ces économies.

L'État n'est pas le seul acteur de la dépense publique. Rétablir l'équilibre du régime général de sécurité sociale est également un impératif. Si l'on ne fait rien, si l'on laisse les dépenses de maladie et de retraites évoluer sur leurs tendances naturelles, le déficit du régime général se creusera d'ici à 2011 alors qu'il est à peine revenu sous les 10 milliards d'euros. C'est bien cela qu'il faut combattre en identifiant rapidement 5 milliards d'euros d'économies par rapport à cette évolution tendancielle, notamment sur l'assurance maladie.

Les autres acteurs devront également consentir leur part d'efforts. L'amélioration du marché de l'emploi aidera notamment à réduire les dépenses de prestations chômage. Quant aux collectivités locales, selon toute vraisemblance, elles n'en resteront pas à un niveau de déficit aussi inhabituel et elles devraient, elles aussi, rétablir progressivement leurs comptes.

Si nous parvenons à faire ces efforts, nous atteindrons alors un déficit public de 2 points de PIB en 2009, compte tenu des perspectives de croissance présentées par Mme le ministre. Le déficit se trouvera ainsi amélioré de 0,5 point de PIB, ce qui est conforme aux engagements de la France vis-à-vis de ses partenaires européens. C'est aussi ce qui paraît le juste équilibre entre ce qui est souhaitable – rééquilibrer les comptes au plus vite – et ce qui est possible sans en venir à des coupes claires ou porter atteinte à la croissance.

C'est en tenant ce cap que le Gouvernement parviendra à rétablir l'équilibre de nos finances publiques. Pour lui donner toutes les chances de réussir dans la transparence et grâce à la responsabilisation de chaque acteur, il faut que cette trajectoire soit inscrite dans une loi de programmation des finances publiques pour 2009-2011 qui serait discutée avant le débat sur le projet de loi de finances pour 2009.

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